Première partie
Le pouvoir des citoyens : de la décision confisquée à la décision partagée
Pour permettre aux citoyens de se réapproprier des modes démocratiques d'exercice du pouvoir, il est nécessaire de rééquilibrer les pouvoirs et d'élargir la participation des citoyens à la vie publique.
I - RÉÉQUILIBRER LES POUVOIRS
A - DEMOCRATIE NATIONALE
Pierre Mendès-France observait que les fondateurs de la Ve République avaient infligé à la IVe République pour cause de désordre et d'impuissance, un châtiment disproportionné par son ampleur et sa durée.
Au pays de Montesquieu, la séparation des pouvoirs peine à trouver sa place. L'omnipotence de l'exécutif a dépossédé partiellement les autres organes du pouvoir de leur autonomie. Comment établir un nouvel équilibre entre les différents pouvoirs ?
Pas question de faire table rase des institutions actuelles sous peine de construire une utopie à jamais irréalisable. Les Français sont attachés à deux réalités institutionnelles : l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, la stabilité gouvernementale.
Cette constatation une fois établie et reconnue, deux voies s 'offrent aux réformateurs:
- La première consisterait à établir un régime présidentiel. Elle postulerait évidemment la suppression de la fonction de Premier ministre. Comme l'observait Léon Blum dans son commentaire du discours de Bayeux dans lequel le Général de Gaulle en 1946 imaginait déjà la future Ve République, le Premier ministre est « réduit au rôle de fondé de pouvoir ». Personnage-écran, fusible à tout moment interchangeable, il permet au Chef d'Etat de régenter plus souverainement et plus habilement encore l'appareil d'Etat. Mais cette évolution vers un régime présidentiel équivaudrait à un changement de Constitution qu'il n'est ni juridiquement ni politiquement possible d'entreprendre au cours de cette période.
- L'autre voie consiste à parlementariser le régime et à imaginer un système de contrepoids qui redonne une respiration aux institutions.
C'est cette deuxième voie que nous choisissons et les modifications à entreprendre porteraient à la fois sur la conception de la fonction de Président de la République et sur le rôle du Parlement.
1) Un Président-citoyen
La conception du Président-citoyen définie par Lionel Jospin au cours de sa campagne demeure plus que jamais d'actualité. Ce Président-citoyen doit être « proche des préoccupations quotidiennes des Français, responsable des grandes orientations politiques du pays, respectueux des rôles du gouvernement et du Parlement, garant de l'impartialité de l'Etat, de la cohésion sociale, du respect de la liberté et de l'indépendance de la justice ».
Inventé à l'orée de la IIIe République par une majorité monarchique cherchant à régler sur la durée les inextricables querelles de succession retardant la restauration, le septennat n'a plus pour lui que la force de l'habitude. Mais plus aucune justification démocratique. Sa longueur est au contraire incompatible avec la réalité des compétences qui sont celles du Chef de l'Etat, qui ne supporte d'autre contrôle que celui du suffrage universel.
Le quinquennat, renouvelable une seule fois consécutivement, donnera aux citoyens une meilleure capacité de sanction ou d'approbation.
Cette volonté de démocratisation devra également aboutir à la suppression de l'article 16, les pouvoirs publics disposant déjà à travers la législation sur l'état de siège ou l'état d'urgence des moyens adaptés à la prise en compte des circonstances exceptionnelles.
2) Le retour du Parlement
Pas de démocratie sans Parlement libre : telle fut la revendication autour de laquelle se sont retrouvés tous ceux qui depuis le XVIII siècle ont entrepris de faire reculer l'absolutisme.
Restituer aux Français leur Parlement, c'est donc revenir aux sources de la République. C'est aussi redonner au pouvoir politique sa prééminence sur les pouvoirs médiatiques ou technocratiques qui entendent imposer leur loi face à la seule loi qui vaille : la loi édictée par un Parlement autonome, adulte et fort de la confiance des Français.
C'est dans cet esprit que les réformes proposées visent à restaurer la souveraineté législative et à renforcer la fonction de contrôle du Parlement.
a) Restaurer la souveraineté législative du Parlement
- Une journée par semaine devra être effectivement consacrée à l'examen de propositions de lois d'origine parlementaire.
- La procédure d'élaboration de la loi redonnera au Parlement une réelle maîtrise.
Les modifications suivantes pourraient être envisagées :
b) Renforcer la fonction de contrôle du Parlement
§1 - Des modalités nouvelles de contrôle
- Contrôle de la politique étrangère : ratification par le Parlement des opérations militaires extérieures.
- Contrôle de l'administration et des ministres :
- Contrôle des fonds spéciaux et des services secrets : un comité restreint, tenu au secret défense, contrôlera l'utilisation des fonds spéciaux et les activités des services secrets.
- Contrôle de l'exécution des lois : un comité spécial de surveillance de l'exécution des lois rendra public un rapport deux fois par an.
- Contrôle de l'exécution du budget: il sera mis à la disposition de l'Assemblée Nationale un véritable office parlementaire économique et budgétaire qui disposera des mêmes moyens d'investigation que l'Office of Management and Budget du Congrès américain.
§2 - La représentation du Parlement au sein des organes chargés de la protection des droits et libertés
Election à la majorité des 4/5e :
Sans attendre la modification des textes, un nouveau gouvernement de gauche mettra en application certaines de ces réformes. Il respectera les engagements suivants :
- premier engagement : après sa nomination par le Président de la République, le Premier ministre demandera un vote de confiance à l'Assemblée Nationale en lui soumettant le programme du gouvernement ;
- deuxième engagement : la composition resserrée du gouvernement devra lui permettre d'être un véritable lieu de délibération collective ;
- troisième engagement : le gouvernement n'utilisera l'article 49-3 que sur des textes qu'il jugera fondamentaux pour l'application de son programme ;
- quatrième engagement : le gouvernement n'amendera pas le texte pour lequel, en commission paritaire mixte, les deux assemblées seront parvenues à un accord ;
- cinquième engagement : les droits à la création de commissions d'enquête parlementaire seront élargis.
Il appartiendra par ailleurs à la nouvelle majorité d'exercer réellement les pouvoirs qui sont les siens pour peu qu'elle en ait la volonté. Ses rapporteurs pourraient par exemple réaliser sur place et sur pièce des contrôles approfondis de la gestion des administrations. Elle pourra aussi solliciter la Cour des Comptes.
La nouvelle majorité pourra consacrer une journée entière par semaine à l'examen des propositions de loi. Elle pourra enfin réserver un tiers de la présidence des Commissions à l'opposition.
L'esprit du fonctionnement des institutions pourrait être ainsi profondément changé avant même que ne soient réunies les conditions politiques de l'examen d'une révision de la Constitution.
B - DÉMOCRATIE LOCALE
A l'autre bout de la chaîne, à la base de l'édifice institutionnel, il faut enclencher le même mouvement de rééquilibrage des pouvoirs pour le développement de la démocratie locale.
La décentralisation a constitué, dans le droit comme dans les murs, une véritable révolution dont les socialistes peuvent, à juste titre, revendiquer le bilan. En rapprochant le pouvoir des citoyens, elle a permis de mieux satisfaire leurs attentes et leurs besoins. L'éducation, la culture et tant d'autres domaines ont ainsi bénéficié, par la libération des initiatives qu'elle a favorisées, d'un nouvel élan.
Sans doute, beaucoup d'idées en germe dans la réforme restent-elles à concrétiser. Il en va ainsi de la contractualisation des relations entre l'Etat et les collectivités locales dont la nature comme la portée restent incertaines ; de l'intercommunalité qui, passés les ajustements et adaptations des premières années d'exercice, évolue petit à petit vers une intercommunalité de projets et de développements ; de la démocratie locale qui a donné lieu à de premières avancées, qu'il s'agisse de l'information du citoyen ou des droits des minorités ; de la politique de la ville, enfin, qui est à l'origine des premiers mécanismes de solidarité financière.
A l'accroissement des responsabilités locales a cependant répondu celui des difficultés liées à la crise économique et sociale qui trouvent leur traduction première dans nos communes et nos quartiers. Les collectivités locales, leurs élus, leurs services, sont en première ligne du combat contre les inégalités, sociales ou territoriales. Non seulement parce qu'ils constituent le niveau de base de la solidarité mais aussi parce que leurs moyens, leurs ressources, en sont directement affectés. Et ceci d'autant plus que l'Etat n'a fait que céder ces dernières années à la tentation de reporter sans cesse sur les collectivités des charges et des contraintes nouvelles.
Le temps est venu d'envisager une nouvelle étape de la décentralisation pour qu'elle puisse répondre pleinement aux aspirations de nos concitoyens.
Trois exigences devraient pouvoir être satisfaites :
1) Une exigence de proximité : des élus disponibles et responsables
Un travail inlassable et fécond est accompli par des centaines de milliers d'élus locaux, se dévouant sans compter et sans ménager ni leur temps ni leur peine. Ils sont le maillage vivant, précieux et irremplaçable de la République : du plus petit village de France jusqu'aux agglomérations urbaines les plus denses. C'est à leur action que l'on doit principalement la réussite de la décentralisation.
Néanmoins, les conditions d'exercice de leur mission mériteraient d'être améliorées pour mieux satisfaire cette exigence de proximité qui est consubstantielle à une démocratie locale authentique. Les réformes suivantes pourraient y contribuer :
a) Une meilleure disponibilité des élus sera favorisée par :
- la limitation du cumul des mandats (cf. infra p.22);
- l'adoption d'un « statut de l'élu » garantissant une indemnisation normale et une réinsertion professionnelle ultérieure ;
- une assistance technique renforcée en particulier grâce au concours de collaborateurs plus librement recrutés et à un appui plus efficace des autorités déconcentrées.
b) Une plus juste responsabilité politique sera facilitée par :
- la réduction à cinq ans de tous les mandats ;
- l'établissement d'un véritable contrat entre l'élu et ses concitoyens dont le respect sera périodiquement vérifié par des comptes-rendus de mandat annuels ;
- une amélioration de la collégialité du fonctionnement des assemblées locales, à travers, par exemple, une éventuelle dissociation de la fonction executive de la présidence des travaux de l'assemblée ;
- la présence d'élus minoritaires dans le Conseil d'administration des SEM et les assemblées des établissements publics ;
- la mise en place effective du Conseil consultatif des services publics locaux.
2) Une exigence de clarté : une nouvelle répartition des compétences entre collectivités locales
La décentralisation a parfois contribué à brouiller la perception que pouvait avoir le citoyen de la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités. L'exercice de la démocratie souffre de ce manque de clarté et, parfois, de cohérence.
L'ordre juridique local a besoin avant toute chose de stabilité et doit offrir, dans le même temps, une vision claire des responsabilités et des compétences de chacun. Tant les collectivités territoriales que les citoyens doivent savoir de manière précise qui fait quoi et doivent pouvoir évaluer l'efficacité de la dépense publique. Force est de constater aujourd'hui que l'enchevêtrement des compétences et des pratiques ne rend pas possible ce travail démocratique. Un premier travail consiste donc par la voie juridique, qui pourrait prendre la forme d'une loi de règlement de la décentralisation, à clarifier les compétences exercées par chaque collectivité puis à créer un droit des relations entre personnes publiques, afin que la collectivité qui exerce réellement la compétence dispose parallèlement de tous les attributs : pouvoirs juridiques, ressources financières et moyens techniques et humains.
A la clarification des règles doit s 'ajouter celle des modalités d'exercice des compétences locales. A ce stade, la question est moins celle du nombre et du niveau de collectivités que celle de leur collaboration. En effet, la nouvelle donne européenne, en introduisant un échelon supplémentaire de décision, a fait prendre conscience à l'ensemble des pays de l'Union de la nécessaire adaptation de leur organisation territoriale. Si nos 36 000 communes sont souvent évoquées comme un handicap, de même que la superposition de nos différents niveaux de compétences, il faut reconnaître que bien souvent la vie locale dans les zones les plus rurales de notre pays ne s'est maintenue que grâce à l'existence de municipalités.
Les réformes à entreprendre s'ordonneront autour de quatre idées-force :
a) La voie privilégiée de l'intercommunalité
Les Français sont légitimement attachés à leurs communes. L'existence de celles-ci ne doit pas être remise en cause. Elles constituent autant de foyers de démocratie qu'il serait paradoxal de vouloir réduire autoritairement. La contrepartie de cette diversité réside dans le développement des solidarités intercommunales. Les progrès accomplis ces dernières années sur la base de la loi Joxe-Marchand-Sueur apportent l'illustration d'un changement sensible des comportements désormais mieux acquis à des formes de coopération plus intégrées. Chacun prend mieux conscience aujourd'hui du handicap que représente, et des gaspillages que suscite, la concurrence entre collectivités voisines se disputant les entreprises par la surenchère fiscale et reportant sur la ville-centre la charge des principaux services et équipements publics.
Le temps est venu, après avoir harmonisé les formes et le cadre de la coopération, de permettre l'émergence d'un réseau serré de structures intercommunales, tant à l'échelon des agglomérations que des zones rurales.
La réponse à l'émiettement communal réside dans l'organisation complète du territoire régional en communautés dotées des compétences actuellement dévolues aux communautés urbaines et communautés de communes, associée à la suppression des districts ou syndicats recoupant ces compétences. La loi devra donc rendre obligatoire ce maillage du territoire, qui reposera sur trois niveaux d'intercommunalité :
- la communauté urbaine autour des métropoles à vocation régionale, dotée de compétences actualisées ;
- la communauté de communes autour des villes moyennes agglomérant dans un même bassin de vie et d'emploi 50 000 personnes. Cette communauté de communes est dotée obligatoirement d'une fiscalité propre. Ainsi, toute la population agglomérée participera aux charges d'équipement et de services assumées jusqu'alors par les seules villes centres ;
- la communauté de communes des ensembles inférieurs à 50 000 habitants où la liberté de choix sur les compétences et la fiscalité sera de mise.
A terme, la légitimité de l'intercommunalité pourrait être garantie par l'élection au suffrage direct des Conseils de communautés.
Enfin, pour les grandes agglomérations, une structure adaptée serait créée, en s'inspirant de la loi PLM. Celle-ci serait révisée pour tenir compte de ses insuffisances.
Au total, le niveau des agglomérations d'une part, et le niveau des pays (regroupant communes rurales et villes moyennes) d'autre part, pourraient constituer, avec les régions, les espaces pertinents pour aménager et gérer l'ensemble du territoire national sur la base de modes originaux de gestion de l'intercommunalité.
b) La région, échelon territorial adapté à l'horizon européen
Parallèlement à l'émergence du niveau intercommunal pleinement légitime, les régions doivent avoir les moyens de mieux assumer leur responsabilité en matière d'aménagement du territoire et d'arbitre de la cohérence des schémas de développement et de l'équité des ressources :
- la première condition pour ce faire est que les régions disposent d'un exécutif stable. L'élection du Conseil régional dans le cadre non plus du département mais de la région et selon le scrutin de type « municipal » y contribuera ;
- les régions seraient responsables de la mise en place de nouveaux mécanismes de péréquation comme les fonds de solidarité régionaux ;
- elles seraient directement négociatrices et destinataires, par l'intermédiaire du préfet de région, des fonds européens qui ne transiteraient plus par le niveau national ;
- des actions seront menées pour encourager les ententes interrégionales afin de favoriser l'émergence de grandes régions.
c) Les départements-partenaires
Le rééquilibrage par simplification progressive des compétences doit permettre aux départements d'assurer une jonction entre zones urbaines et zones rurales, et déjouer un rôle de partenaire des structures communales et intercommunales pour l'action sociale, le logement, les transports locaux et les services de proximité. Toutefois, dans les grandes villes, la compétence sociale des départements pourrait être déléguée aux communautés urbaines, en application du principe de subsidiarité, afin de rendre plus efficace la politique de la ville et de combiner action économique et développement social.
d) Une articulation plus cohérente des compétences entre les différents niveaux
Entre ces nouveaux acteurs du développement local, une meilleure articulation des compétences sera recherchée. A la notion de bloc de compétences sera désormais préférée celle de compétences partagées, axée sur le développement de contrats entre les différents niveaux d'administration territoriale.
Le rôle prioritaire de la région en matière d'aménagement du territoire sera, dans cet esprit, réaffirmé et renforcé.
Cette collectivité exerçant un rôle stratégique d'orientation, elle devra contractualiser, d'une part avec les collectivités de niveau supérieur (Etat, Union européenne) et d'autre part avec les collectivités de gestion, maîtres d'uvre du développement local. Seraient redistribuées ainsi les compétences liées à l'éducation et à la formation, aux transports (réseaux et infrastructures), à la promotion économique et touristique, à la culture et au sport selon l'impact régional des équipements, à l'environnement - en particulier le traitement des déchets et la préservation des ressources naturelles, à la répartition sur l'ensemble du territoire régional de l'habitat social, à la santé.
L'exigence de transparence, formulée par le citoyen, se traduira pour l'exercice de chaque groupe de compétences, par la désignation d'un chef de file unique, délégataire, pour un temps déterminé, des ressources et des services correspondants, et capable d'assumer face aux électeurs et aux usagers la responsabilité des politiques locales conduites sur un même territoire.
Enfin, les différents niveaux territoriaux doivent organiser une nouvelle forme de solidarité par la convergence des programmations. En effet, la multiplication des programmations et des contrats sectoriels ne permet pas la lisibilité de l'avenir et disperse les efforts. Il convient de réorienter les méthodes de programmation selon trois principes simples :
- la règle de la compatibilité entre loi d'aménagement du territoire, schémas régionaux de développement (dont chaque région devrait se doter), schémas locaux ;
- la concomitance des procédures de planification, loi de plan et plans de développement régionaux ;
- l'instauration de la présentation territorialisée, globalisée par territoire, des budgets d'Etat.
Pour accompagner cette évolution de l'organisation territoriale, la déconcentration des services de l'Etat devra être accélérée. Au-delà des transferts de compétences des administrations centrales vers les représentants locaux de l'Etat, un renforcement significatif des moyens humains et matériels des services locaux de l'Etat devra être engagé à partir d'un redéploiement des moyens de chaque ministère.
En cas de délocalisation des services de l'Etat en région, aucun transfert de charges ne devra être opéré au détriment des collectivités territoriales.
e) Une nouvelle étape pour la démocratie Outre-Mer
La situation qui fait coexister, dans les départements d'Outre-Mer, deux assemblées sur un même territoire est de plus en plus reconnue comme une absurdité, source de conflits et de gaspillages. Là où les intéressés le souhaitent, il faut donc ouvrir la possibilité de corriger cette anomalie. Cela implique de modifier la Constitution pour permettre une évolution institutionnelle différenciée de chaque département d'Outre-Mer.
Dans le même souci d'assurer aux DOM et aux TOM une meilleure insertion dans l'Union européenne, la France devrait proposer qu'une représentation spécifique des régions ultra-périphériques des Etats membres soit prévue au Conseil économique et social et au Comité des régions d'Europe.
3) L'exigence de justice : solidarité financière et équité fiscale
A la solidarité territoriale doivent correspondre une plus grande solidarité financière entre collectivités, et une plus grande justice fiscale.
La réforme de la fiscalité locale est à la fois nécessaire et complexe à mettre en uvre.
Elle est nécessaire car fiscalité locale est doublement injuste:
Nos concitoyens perçoivent comme injustes les taxes locales qui ne sont pas proportionnelles à leurs revenus, d'autant plus que depuis les lois de décentralisation, une part croissante des dépenses publiques est financée par les impôts locaux, l'Etat se retirant progressivement du financement de ses propres compétences. Assis sur des valeurs qui n'ont fait l'objet d'aucune révision depuis le début des années 70, ces impôts conduisent le législateur à multiplier, pour tenter d'en corriger les carences, dégrèvements, abattements et exonérations de toute nature. A tel point que les compensations versées à ce titre par l'Etat ont connu, ces dernières années, une croissance exponentielle.
De toutes les nations européennes, la France est la seule qui confère une place prépondérante dans les budgets locaux à des impôts qui ne sont pas assis sur le revenu. Une réforme fiscale est par conséquent indispensable, qui devra être indissociable de l'évolution de l'impôt sur le revenu et conduite avec prudence pour tenir compte de la nécessité pour les collectivités de disposer de ressources stables.
Dans une première période, la taxe d'habitation revenant aux départements sera calculée en prenant pour base le revenu des contribuables. La taxe d'habitation revenant aux communes sera pendant la même période calculée selon le texte de Pierre Bérégovoy qui aujourd'hui dort dans un tiroir. Un bilan sera dressé au bout de trois années, par exemple, avant d'asseoir l'ensemble de la taxe d'habitation sur le revenu imposable.
Inégalement réparties entre les contribuables, les ressources locales le sont aussi entre les collectivités. Pour l'essentiel, les inégalités de richesse tiennent aux disparités des bases et d'abord, en matière de taxe professionnelle. Ce sont ainsi les collectivités les plus pauvres qui doivent recourir aux taux les plus élevés. La réponse à cette situation passe par le développement de mécanismes de péréquation auxquels la droite vient de porter un double coup d'arrêt : en supprimant la fraction de péréquation de la D.G.F, tout d'abord ; en modifiant ensuite les règles de la D.S.U jusqu'alors financée par les collectivités les plus riches mais désormais alimentée par un prélèvement sur la masse.
Les socialistes auront à cur, au contraire, de relancer la péréquation pour chaque niveau de collectivités.
Ainsi, effort fiscal et caractéristiques des territoires doivent être pris en compte dans la mise en uvre des outils de redistribution des ressources fiscales.
II - ELARGIR LA PARTICIPATION DES CITOYENS
La participation directe des citoyens à l'exercice du pouvoir doit permettre d'élargir la démocratie politique comme la démocratie sociale, et suppose des conditions concrètes à réunir.
A - LES FORMES DE LA PARTICIPATION DES CITOYENS
1) Démocratie politique
Nos traditions et nos règles se conjuguent pour organiser trop souvent une sorte de confiscation du pouvoir politique par un petit nombre d'élus. Cette méfiance à l'égard des gouvernés s'exprime à la fois à l'égard du citoyen électeur et du citoyen participant :
- le droit de suffrage du premier est moins large que dans les autres pays d'Europe ;
- les possibilités concrètes du second sont assez souvent entravées en dehors des périodes électorales.
a) Le citoyen électeur : une participation plus fréquente et plus large
Le peuple est la vraie source du pouvoir. C'est lui qui donne légitimité et légalité aux élus. Des institutions pleinement démocratiques devraient avoir pour ambition d'encourager un contrôle large et régulier du pouvoir politique par les électeurs.
Malheureusement, le système actuel semble au contraire additionner ou entremêler comme à plaisir les procédures ou les règles d'empêchement d'une expression normale de la souveraineté populaire:
- la France est le pays des longs mandats : sept ans pour le Président de la République, neuf ans pour les sénateurs, six ans pour les élus locaux. La moyenne de la durée des mandats dans les autres pays d'Europe est de quatre ans ;
- autre spécialité nationale : malgré la réforme de 1985 du gouvernement Fabius, la France demeure le pays des cumuls des mandats et des fonctions. Aucun autre pays au monde ne tolère une telle pratique d'exercice simultané de responsabilités électives ou executives ;
- c'est aussi le pays de trop nombreux scrutins indirects : élections des sénateurs, désignation des exécutifs des agglomérations, des départements et des régions. Ce sont autant de tamis qui atténuent ou détournent la volonté populaire ;
- c'est enfin le pays de la réégibilité - sans aucune limite dans le temps - des mêmes hommes aux mêmes fonctions.
Aucune de ces « originalités » n'est en soi condamnable, c'est leur addition qui donne l'impression d'un excès de protection des élus.
A ces quatre facteurs, s'ajoutent trois circonstances aggravantes :
On ne s'étonnera pas alors que les citoyens puissent éprouver parfois la conviction que les responsables politiques s'acharnent à multiplier les écrans protecteurs entre eux et le peuple.
Les modifications à apporter à notre système électoral devraient remettre en cause certains de ces privilèges et répondraient ainsi plus fidèlement aux espérances de nos concitoyens qui, secrètement ou plus ouvertement, rêveraient de mieux se reconnaître à travers leurs élus. Ils attendent en particulier qu'ils soient à la fois plus représentatifs de la volonté populaire, plus responsables devant le corps électoral et plus disponibles pour l'accomplissement de leur mission.
§1 - Des élus plus représentatifs de la volonté populaire
Quatre réformes à engager :
L'élargissement effectif du corps électoral. Trop de jeunes ou de moins jeunes ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Il est proposé qu'à l'âge de dix-huit ans, la carte d'électeur soit automatiquement délivrée à tout jeune français.
Avec le rétablissement du droit du sol, cette carte sera évidemment accordée à tout jeune né en France.
La participation des femmes à la vie publique
Comment nos élus pourraient-ils être représentatifs de la société française quand 53 % de la population et du corps électoral ne sont qu'une poignée dans les assemblées.
Le PS ne peut se satisfaire d'une telle situation et doit en conséquence agir dans plusieurs champs.
Dans le domaine de la loi
Le PS défend une révision de la Constitution qui consacrera le principe de parité hommes-femmes et rendra possibles des initiatives législatives pour le mettre en uvre. Il se donne l'objectif d'obtenir l'adoption de cette réforme constitutionnelle dans un délai rapproché, en agissant auprès de tous les partenaires de la vie démocratique nationale.
Le PS proposera une mesure d'incitation claire et ferme, qui consistera à abonder le montant actuel du financement public d'un parti politique par un complément calculé en fonction du nombre de ses élues au Parlement.
Dans son fonctionnement propre
En dehors des mesures proposées en matière de restriction du cumul des mandats, de modification du mode de scrutin, d'élaboration d'un statut de l'élu(e), le PS doit dès à présent s'imposer des règles afin de permettre des candidatures plus nombreuses de femmes.
Pour les élections au scrutin de liste (européennes, régionales, municipales, sénatoriales -pour celles à scrutin proportionnel -) :objectif de parité du début à la fin de la liste.
Pour les élections uninominales (législatives, cantonales, sénatoriales - pour celles au scrutin majoritaire -) : il est souhaitable d'atteindre l'objectif de 30 % de femmes candidates, notamment dans les départements à forte démographie. Cette disposition doit concerner notamment les sièges gagnables.
En tout état de cause, le PS veut au minimum doubler la proportion de femmes élues, au fur et à mesure de ces élections et cela dès 1998.
L'extension des élections au suffrage direct
Les élections au suffrage indirect sont un écran entre l'électeur de base et l'élu. Elles défigurent sa volonté.
Un scrutin de liste de type « municipales » à l'échelle de la Région permettra, par la désignation d'une tête de liste de proposer directement aux électeurs le candidat à la présidence de l'assemblée régionale. Cette modification du mode de scrutin aura en même temps pour vertu de susciter dans la région le développement d'une politique qui ne sera plus déterminée par les seules rivalités entre départements.
Pour le Département, il faudra établir un scrutin mixte. En outre, il conviendra de supprimer le renouvellement par moitié, et de changer le nom du Conseil Général qui pourrait désormais s'appeler Conseil Départemental.
La question se pose aussi pour le Sénat. Si l'on veut coûte que coûte maintenir la représentation des collectivités locales, encore faudra-t-il que chaque type de collectivités (communes, départements, régions) soit représenté à la proportionnelle des populations (voir infra).
La représentation de la pluralité des opinions « La France se nomme diversité », disait volontiers l'historien Fernand Braudel.
Le scrutin proportionnel assure la représentation fidèle des diverses familles de pensée, alors que le scrutin majoritaire garantit mieux la constitution d'une majorité de gouvernement et la stabilité de l'exécutif.
Aussi est-il souhaitable de marier les deux systèmes selon des modalités adaptées à chaque type d'assemblée et qui peuvent relever de deux démarches différentes :
Il conviendra en outre d'accorder à l'opposition une représentation convenable et pas seulement décorative et marginale.
Les propositions suivantes pourraient être formulées :
- l'Assemblée nationale : une part des députés seraient élus à la proportionnelle sur des listes nationales ;
- le Sénat : le scrutin serait proportionnel d'abord pour le choix des électeurs sénatoriaux, qui seraient désignés à la proportionnelle des populations pour les communes, les départements et les régions ; et en second lieu pour l'élection des sénateurs : à partir de trois sièges ;
- Communes, Agglomérations, Régions : un scrutin type « municipales », généralisé à l'ensemble de ces collectivités, pourrait assurer à l'opposition une représentation plus importante. On appliquera la loi municipale de 1982 à partir de 2 500 habitants ;
- le Parlement Européen : la proportionnelle serait maintenue, mais l'élection aurait lieu non plus sur le plan national, mais dans le cadre de grandes circonscriptions régionales.
§2 - Des élus responsables
La responsabilité politique des élus ne peut recevoir qu'une seule sanction : celle du suffrage populaire. A l'exception du mandat de député dont la durée (cinq ans) est raisonnable, la durée des autres mandats peut paraître excessive.
Dans les autres pays européens, la durée est en moyenne de quatre ans. C'est tous les quatre ans, par exemple, que le Chancelier allemand pose la question de confiance devant les électeurs à l'occasion du renouvellement du Bundestag. Cette épreuve ne l'empêche pas de gouverner durabement et solidement. Elle permet en même temps au peuple allemand de participer chaque quatre années à une confrontation d'idées et de réfléchir aux voies de son avenir. La même périodicité n'interdit pas au maire de Barcelone (ou au Maire de Rome) d'être un grand maire.
Il est proposé d'uniformiser la durée de tous les mandats à cinq ans. Cette durée serait commune à l'ensemble des mandats : Président de la République, sénateurs, députés, élus locaux.
§3 - Des élus disponibles pour l´accomplissement de leur mission
Le cumul des mandats et des fonctions est l'un des travers de la vie politique française. Il favorise l'absentéisme et la confusion d'intérêts.
La puissance et le temps de travail ne sont pas indéfiniment extensibles. Le titulaire d'un mandat ou d'une fonction doit s'y dévouer pleinement et exclusivement et s'y engager personnellement. Ainsi peut-il mieux gouverner l'administration au lieu d'être gouverné par elle, et faire bouger les choses plutôt que les subir.
La suppression ou tout au moins la limitation drastique du cumul des mandats et des fonctions apporterait aussi de l'oxygène à la vie politique française en donnant leur chance à de nouveaux élus, et en particulier à des femmes ou à des jeunes.
Une loi sera présentée dès le début de la prochaine législature. Elle définira les cas d'interdiction absolue de cumul :
- cumul d'un mandat parlementaire national et d'un mandat parlementaire européen ;
- cumul d'un mandat parlementaire et d'une fonction exécutive locale (maire, président de structure intercommunale, président dans les conseils généraux et régionaux) ;
- cumul entre deux fonctions exécutives, ce qui implique :
A contrario, une fonction exécutive ou un mandat parlementaire ne serait pas incompatible avec l'exercice d'un autre mandat électif local (conseiller municipal, conseiller général, conseiller régional).
La loi assurera l'étalement sur huit ans (1999-2007) de l'application de ces dispositions à l'occasion du renouvellement de chaque assemblée (en 1999 pour les élections au Parlement européen, en 2001, 2004 et 2007 pour le Sénat et les Conseils généraux, en 2001 pour les Conseils municipaux, en 2003 pour l'Assemblée nationale, en 2004 pour les Conseils régionaux sur la base de la durée actuelle des mandats).
La loi accordera aux élus locaux des moyens nouveaux qui leur permettront de se consacrer pleinement à leur mandat.
Après la cessation de leurs fonctions gouvernementales, les ministres retrouveront automatiquement soit leur mandat de député, soit leur fonction executive locale.
Enfin, l'exercice d'un mandat parlementaire sera incompatible avec toute autre activité professionnelle rémunérée.
Parallèlement, des dispositions nouvelles seront ajoutées au statut de l'élu pour permettre aux élus issus du secteur privé, notamment des PME/PMI, de bénéficier de conditions plus favorables de réinsertion professionnelle à l'issue de leur mandat.
b) Le débat public : participation continue des citoyens à l'exercice du pouvoir
Les citoyens ne sont pas seulement des électeurs. Ils devraient être aussi des partenaires actifs et permanents de la vie civique et publique. Leur participation à la vie du pays ou de la collectivité locale ne peut pas se réduire au seul acte de vote, si important soit-il.
Une démocratie moderne se doit donc de faciliter toutes les formes d'échange, de dialogue, de rencontre qui encouragent l'initiative ou qui permettent à ceux qui le souhaitent d'apporter leur contribution critique ou Imaginative à l'élaboration collective de décisions d'intérêt commun.
La disponibilité et l'accessibilité des responsables publics sont la condition première de l'organisation de cette circulation des idées, des projets et des critiques entre gouvernants et gouvernés.
On a souvent parlé d'éthique au cours de la dernière période. Elle ne se résume pas à la seule probité morale ou matérielle. Elle comporte d'autres obligations et la première d'entre elles est d'ouvrir grands les yeux et les oreilles sur le monde qui nous entoure. Savoir écouter, entendre, percevoir, pressentir.
§1 - Débat public national
II ne suffit pas de recevoir les représentants des corps intermédiaires qui méritent naturellement d'être reconnus et soutenus en tant que médiateurs de la vie sociale et civique.
Il faut pouvoir aussi trouver les voies qui mènent à des relations directes, vivantes, adultes et libres avec la société en mouvement.
Il faut en particulier établir avec les jeunes un dialogue vrai authentique et fécond. Ce dialogue est vital pour l'homme public qui souhaite préparer l'avenir et ne pas se laisser guider par les impératifs du présent. Pierre Mendès-France pensait très fortement qu'il était impérieux pour l'appareil gouvernemental d'être stimulé par la vigueur des idées et la volonté de réforme des générations nouvelles. Aussi avait-il décidé de créer auprès de chaque ministre une petite cellule composée des représentants de mouvements de jeunesse chargée d'étudier des projets et de préparer les décisions en fonction des besoins profonds de l'avenir. Ainsi pensait-il aider les responsables à mieux discerner la route du futur et donner aux plus jeunes la pleine conscience de leurs devoirs envers la nation.
Le débat public, abusivement pris en mains par les techniciens et les experts, peut contribuer à assurer la maturation des idées et des décisions. Le débat public national est à la fois une condition et une composante de la vie démocratique. Il favorise la mobilisation des citoyens, permet d'éclairer les choix et facilite les arbitrages. Si la gauche a tant peiné à réformer la fiscalité, c'est largement par manque de débat public. Et le renforcement du service public appelle aussi la discussion publique sur ses objectifs, ses priorités et ses règles de fonctionnement. Le débat public est tout aussi indispensable pour éclairer les problèmes de société, par exemple, la santé, l'immigration, la drogue, l'environnement, l'énergie, et pour mettre en lumière les enjeux et les marges de manuvre.
Telle fut d'ailleurs la vertu du débat sur le Traité de Maastricht qui a permis pendant trois mois une vaste confrontation de points de vues.
En outre, le Plan offre, plus que jamais, par sa tradition et par sa méthode, une opportunité de renforcer la cohésion nationale, dans une période où des craintes sont émises quant à sa solidité. Il s'agit non seulement des commissions composées de représentants des diverses forces économiques et sociales, ainsi que de représentants de l'Etat et des autres collectivités publiques. Mais aussi et surtout du sentiment d'adhésion que peut provoquer, au nom de l'ardente obligation du Plan, l'annonce des ambitions et objectifs de la nation, et donc des grands chantiers dans lesquels les Français sont pressés de s'investir.
Ce lieu où peuvent se rencontrer toutes les forces économiques, sociales, intellectuelles de la nation, ce lieu d'où peut s'échafauder une ambition française, ce lieu devrait être un Commissariat Général du Plan qui serait, en quelque sorte, l'affaire de toute la nation. Ce qui implique que son responsable principal dispose d'une certaine indépendance, du droit d'initiative et de la liberté d'expression. Il faut établir dans l'espace public, ce regard sur l'avenir, cet approfondissement du débat démocratique et ce sentiment d'appartenir et de participer à une aventure collective.
Sur chacun des sujets fondamentaux de la société, le pays a tout à gagner à faire appel à l'intelligence, à la raison, à la générosité de ses habitants. Aucune réforme en profondeur ne peut aujourd'hui être dictée d'en haut et imposée au forceps à une nation qui n 'en veut pas. Seul un processus de maïeutique collective permettra le jour venu de prendre à bras le corps pour les résoudre les grandes questions du chômage, de la fiscalité, de la protection sociale ou de la santé. A cette occasion, de multiples exemples récents ont aussi souligné la nécessité de mieux définir les responsabilités respectives des politiques et des scientifiques.
Et lorsque les décisions sont enfin prises, chacun comprend alors qu'il est tour à tour bénéficiaire et coauteur de l'action à engager, ainsi peut s'édifier une société de responsabilité dans laquelle les droits sont indissociables des devoirs.
§2 - Débat public local
Renforcer la participation directe et continue des citoyens à l'exercice du pouvoir est d'abord une affaire d'initiatives et de pratiques locales. Beaucoup a déjà été fait, mais plus encore reste à faire.
La démocratie locale doit s'organiser au plus près des citoyens et reposer sur un renforcement des mécanismes de consultation et de participation de tous.
Cette démocratie participative permet un rapprochement plus étroit entre les citoyens et leurs représentants en instaurant des lieux de concertation. Ces lieux, sans se substituer aux instances élues, permettent le débat public et facilitent l'appropriation collective des projets et la gestion collective de leur espace de vie. Pour une bonne part en effet, l'efficacité de l'action locale en matière économique, sociale ou culturelle, repose sur la mobilisation des énergies, l'association des compétences et la coordination des initiatives.
Plusieurs propositions peuvent y contribuer, qui concernent d'abord les différentes formes d'élargissement de la démocratie locale :
création dans les villes de plus de 20 000 habitants de comités de quartiers regroupant élus, « forces vives » du quartier (acteurs économiques et sociaux, associations, services publics) et habitants sans aucune discrimination. Lieux d'échange et de concertation, ces comités devront être consultés sur les problèmes du quartier: le fonctionnement des services publics, les questions liées au développement économique et social du quartier ;
création dans les grandes villes et les départements de conseils économiques et sociaux qui seront consultés systématiquement sur les grandes orientations de l'action de la collectivité et sur son budget, à l'instar du comité économique et social régional ;
développement des instances consultatives permettant d'associer ceux qui par leur âge ou leur situation ne participent pas aux élections locales :
mise en place de structures « ad hoc » de consultation pour favoriser la participation des citoyens à l'occasion de toute opportunité particulière : élaboration d'un contrat de ville ou d'un grand projet urbain, engagement d'études préalables à la réalisation de grandes infrastructures de transport par exemple ;
développement des commissions extra-municipales, favorisant la participation des acteurs de l'initiative locale dans quatre secteurs prioritaires :
Le recours à ces différentes formes de débat public ne doit pas s'effectuer au détriment, mais au contraire sous la responsabilité des élus locaux dont la mission et la légitimité doivent être confortées (voir supra p. 16).
Enfin, la capacité d'initiative des citoyens pourra être renforcée par la création d'un droit de saisine directe du conseil municipal, qui contraindrait le maire à inscrire à l'ordre du jour une question ou une proposition relevant des compétences du conseil municipal et demandée par un nombre suffisant d'habitants (par exemple, 10% des habitants dans les communes inférieures à 50 000 habitants et au moins 5 000 habitants au-delà).
Dès lors que la participation des citoyens est ainsi mieux assurée, il n'apparaît pas nécessaire d'élargir le champ et de développer l'usage du référendum d'initiative locale, qui comporte des risques de dérive démagogique ou de demandes corporatistes.
2) Démocratie sociale
a) La participation des citoyens dans la gestion du service public
L'expression et la participation des citoyens-usagers est une condition de la bonne marche des services publics.
Des comités de citoyens-usagers seront mis en place auprès des services publics (par exemple dans les grandes gares, auprès des crèches, des cantines, du service des eaux, des hôpitaux) pour donner leur avis sur le fonctionnement, sur les changements envisagés, sur les besoins non satisfaits.
Des procédures d'évaluation des services publics par les citoyens-usagers seront mises en place, en particulier dans les domaines des transports publics, de l'énergie, de l'audiovisuel, des télécommunications, des services sociaux, de l'école, de la santé et de l'emploi. Il faudra naturellement s'appuyer sur les associations de citoyens-usagers, à condition qu'elles puissent faire preuve d'une certaine représentativité.
De même, il faut démocratiser en profondeur les procédures d'enquête publique, tant en ce qui concerne l'accès à l'information, les conditions de choix des commissaires enquêteurs ou les possibilités de contre-expertise indépendante.
De façon générale, le développement de la citoyenneté passe par un accès plus large et plus facile à l'information. Aujourd'hui, il existe un foisonnement d'informations. Depuis 1978, un droit d'accès aux documents administratifs a été instauré. Malgré cela, l'accès à certains types d'information reste très difficile : on a en mémoire les silences et les dissimulations des autorités publiques, lors de l'accident de Tchernobyl. Chacun connaît les difficultés d'avoir des informations pertinentes sur la répartition des patrimoines ou sur la fiscalité, malgré les très nombreuses données que possèle la D.G.I.
Les nouvelles technologies et le développement des autoroutes de l'information offrent d'ailleurs des perspectives particulièrement prometteuses pour permettre d'améliorer les relations entre l'administration et les citoyens, par exemple, en rendant possible l'accès aux documents administratifs 24 h sur 24 h et ce, sans contraindre les citoyens à des déplacements souvent importants. De même, une politique ambitieuse de numérisation de l'information publique au sens large (patrimoine culturel, grands textes réglementaires, informations des collectivités locales, projets de grands aménagements publics, etc.) permettra aux citoyens un enrichissement individuel et une meilleure participation au processus de la décision publique.
b) La participation du citoyen dans la gestion de la Sécurité Sociale
Dans le cadre d'un paritarisme rénové, notre volonté est de clarifier les missions des différents acteurs de la protection sanitaire et sociale : l'Etat, et au sein de l'Etat, le Parlement ; les partenaires sociaux ; les professions de santé.
L'Etat est garant des grands objectifs de la politique sanitaire et sociale, le Parlement votera une loi de programme pluriannuelle. Son vote sera éclairé par le rapport de trois organismes :
Dans le cadre de la loi de programme pluriannuelle, s'élaborera une politique contractuelle entre l'Etat et les caisses de Sécurité Sociale. Dans le respect du contrat annuel signé avec l'Etat, les caisses retrouveront une véritable autonomie en matière de gestion. Car nous refusons l'étatisation. Nous voulons au contraire renforcer le rôle des partenaires sociaux. C'est pour nous une condition du bon fonctionnement de la démocratie sociale.
Le patronat n'a aucune légitimité pour se retrouver, comme le propose l'ordonnance du gouvernement sur l'organisation des caisses ,à égalité avec les syndicats dans les Conseils d'Administration et à occuper ainsi une place centrale dans l'organisation des caisses.
Le nécessaire rétablissement des équilibres entre le patronat et les syndicats doit s'accompagner d'un élargissement des conseils d'administration au mouvement mutualiste et associatif. Cela s'inscrit dans notre objectif de couverture universelle et d'intégration, à côté des syndicats, de représentants associatifs et mutualistes, parties prenantes de la politique sociale de notre pays.
Notre conception du paritarisme rénové est donc à l'opposé de l'approche étroitement arithmétique du gouvernement. Pour nous, paritarisme rénové signifie contrat entre l'Etat et les partenaires sociaux et dans le cadre de ce contrat, réels pouvoirs de gestion, responsabilité des partenaires sociaux, élargissement des Conseils d'Administration, rétablissement des équilibres syndicats/patronat. Cela signifie aussi clarification des comptes entre l'Etat et la Sécurité sociale. Le paritarisme rénové ne trouvera sa légitimité que par le retour aux élections qui seront organisées tous les cinq ans, et qui, seules, peuvent donner une réelle assise aux partenaires sociaux, créer un lien fort entre les assurés et leurs représentants, allant au-delà du lien actuel entre cotisants et gestionnaires.
B - LES CONDITIONS CONCRÈTES D'UNE PARTICIPATION ÉLARGIE
1) Un citoyen préparé à l'exercice de ses responsabilités
a) Expliquer et faire vivre à l'école les valeurs de la République et de la démocratie : la formation à la citoyenneté passe par le contenu des programmes aussi bien que par des méthodes pédagogiques fondées sur l'esprit d'équipe, cultivant le goût de l'initiative et développant le sens des droits et des devoirs.
b) Développer l'instruction civique par des expériences locales concrètes tant à l'intérieur de l'institution scolaire que dans l'environnement associatif ou économique, et par une réflexion sur les grands événements nationaux et internationaux.
c) Cultiver le goût de la lecture de la presse et développer dans le public le sens critique.
2) Un citoyen informé
a) Assurer le pluralisme et l'honnêteté de l'information dans les médias
La médiatisation croissante de la vie politique et sociale et le développement foisonnant des nouvelles techniques de communication font éclater les cadres classiques de la démocratie. Ils risquent fort de menacer le fonctionnement des institutions démocratiques et le respect des droits et des libertés si l'Etat, protecteur des libertés publiques, n'intervient pas pour veiller à la sauvegarde des droits fondamentaux et à l'appropriation collective des nouveaux outils d'expression, pour éviter une mainmise de certains intérêts privés sur ces outils.
Le pluralisme de l'information repose aussi sur la presse écrite qui joue un rôle essentiel dans l'information du citoyen : elle est le contrepoids de la communication audiovisuelle, trop immédiate, trop brève, trop brutale pour créer les conditions objectives de l'actualité. Le citoyen qui veut être informé a toujours besoin, avec le journal télévisé ou radiophonique, de son complément indispensable : la lecture d'un quotidien, de son commentaire de l'événement, de ses analyses, de son argumentation et de ses références. Les nouvelles technologies qui permettent la consultation sur écran de la presse écrite bouleverseront le problème du support. L'intervention de l'Etat se justifie pour garantir :
§1 - Renforcer l'indépendance et les compétences du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (C.S.A.)
La composition du C.S.A. : afin de rendre plus indépendante et plus efficace cette jeune institution, il est proposé d'en réduire le nombre de membres de neuf à cinq et de les faire désigner par le Parlement à une majorité qualifiée des 4/5e, garantissant une forme de consensus politique sur les personnalités retenues.
- Un fonctionnement plus démocratique : il convient d'assurer une plus grande transparence des délibérations du C.S.A. en organisant :
Les moyens humains et matériels des services du C.S.A. seront renforcés en conséquence.
- Des compétences étendues:.
§2 - Garantir le pluralisme dans l'ensemble des moyens de communication
La garantie du pluralisme passe notamment par des dispositifs anti-concentration plus efficaces qui intègrent les données économiques nouvelles liées au développement des nouvelles technologies et à l'internationalisation des opérateurs et des réseaux.
- Dans l'audiovisuel :
- Dans la presse écrite :
La presse d'information générale et d'opinion est en mauvaise santé. Elle pâtit de la captation par la télévision de l'essentiel des ressources publicitaires. Elle est pénalisée par des coûts de fabrication anormalement élevés qui l'obligent à recourir à des investissements trop lourds et à des concentrations qui portent atteinte à son indépendance. Les aides de l'Etat qui ont progressivement diminué sont insuffisantes et fort mal réparties. A ces causes, s'en ajoute une qui n'est pas moins préoccupante, c'est la difficulté de recruter et de fidéliser de nouveaux lecteurs.
La survie et le développement de la presse d'information générale constituent un impératif civique, qui impose des mesures d'urgence :
b) L'information locale doit être activement développée
La responsabilité citoyenne s'exerce prioritairement là où on vit et il est donc nécessaire que le citoyen y soit suffisamment informé. En dépit des progrès introduits en 1992 par la loi Joxe-Marchand-Sueur, l'information reste un des parents pauvres de la démocratie locale.
Le développement de l'information est indispensable à tous les échelons de la démocratie locale, car les citoyens, s'ils se sentent concernés par l'action de leur commune, le sont moins par celle de leur département et de leur région.
- La consultation et l'information au-delà des procédures réglementaires (déclaration d'utilité publique, plan d'occupation des sols) doit être mise en uvre dans le cadre des projets, contrats ou chartes (charte de l'environnement, projet urbain, plans de déplacement et schémas régionaux des transports, équipements à fonction régionale ou d'agglomération).
- Il sera créé dans toutes les communes un lieu facilement ouvert au public de libre consultation de l'ensemble des documents relatifs à la vie municipale et intercommunale (budgets, délibérations du conseil municipal et des débats qui y seront liés, documents administratifs, avis de la Chambre régionale des Comptes et de la Préfecture, études et expertises diverses...).
- Le code d'usage du service public local doit être connu des habitants, une présentation sous la forme de chartes de citoyenneté leur en faciliterait l'accès.
- La coopération entre tous les services publics locaux, qu'ils relèvent de l'Etat ou des collectivités locales, devra être développée pour faciliter l'accueil et l'orientation des usagers.
- Il devrait être envisagé la mise à disposition dans les lieux publics (mairies, bureaux de poste, bibliothèques municipales...) de bornes interactives permettant à ceux qui ne possèdent ni Minitel, ni accès au réseau de type Internet de consulter facilement et gratuitement les pages d'information des services publics nationaux ou locaux (inscription à des examens, annonces ANPE, délibérations municipales, etc.).
Ces bornes favoriseraient en outre une plus forte participation démocratique à la vie locale car elles pourraient être utilisées par chaque citoyen notamment dans le cadre d'enquêtes publiques, pour recenser des projets, adresser questions ou pétitions.
- L'obligation pourrait être faite de réserver une place à l'expression des élus d'opposition dans tous documents d'information d'une collectivité publique.
- Une attention toute particulière sera portée aux moyens nécessaires à l'existence et au développement des radios et télévisions associatives.
- La mise en place d'un contrôle renforcé du pluralisme de l'information sur les médias (journaux, radio, télévision) subventionnés par des fonds publics venant de collectivités locales devrait être envisagée.
- Des mesures particulières doivent être envisagées pour garantir la liberté d'information et d'expression en Outre-Mer, et en particulier assurer le pluralisme et la couverture de la totalité du territoire par les médias publics et privés.
c) Le recours aux nouveaux outils d'information et de communication doit contribuer à une émancipation démocratique des citoyens
§1 - Des espoirs
La société de l'information est porteuse d'espoirs démocratiques multiples, puisqu'elle favorise une intégration culturelle mondiale, porteuse de compréhension mutuelle et de dilution des sociétés répressives, et condamne à terme toute tentative de repli autarcique des régimes autoritaires.
En entraînant une démultiplication des centres de diffusion de l'information (pour un coût minimal, chacun peut créer ses propres pages d'information sur le « Web » d'Internet), elle contribue à libérer la capacité d'expression des citoyens. Elle allège leurs contraintes matérielles dans leur vie professionnelle (développement du télétravail) comme dans leur vie quotidienne (mobilité, accessibilité). Elle facilitera la rénovation de l'action publique et de la vie politique par une amélioration des relations entre la puissance publique et le citoyen (diffusion de l'information, modernisation de la gestion des grands services publics, dialogue entre élus et citoyens).
Enfin, elle peut favoriser le rééquilibrage territorial d'un pays très centralisé comme la France.
§2 - Des risques
Les dangers que représentent les nouveaux outils de communication au regard des exigences de la démocratie ne doivent pas être sous-estimés.
Entraînant une transformation des métiers existants et l'apparition de nouveaux métiers, ils risquent d'entraîner des suppressions d'emplois et des délocalisations d'activité (parfois vers les pays en voie de développement).
Ils peuvent provoquer une dilution du lien social qui fonde la démocratie, en entraînant un retrait de l'individu de la sphère sociale :
- dans le cadre professionnel, par le développement du télétravail ;
- dans la vie privée, par un recours accru aux modes d'accès à distance aux services les plus
- divers, en substitution à certaines activités, jusqu'à présent génératrices de contacts sociaux (télé-achat, télé-enseignement, télé-culture).
Ils peuvent aggraver les inégalités sociales (en s'adressant prioritairement à des usagers solvables) et culturelles (en accentuant le nivellement culturel déjà constaté dans les médias traditionnels).
Ils sont enfin porteurs de menace pour la vie privée des citoyens (dans la mesure où ils reposent sur la multiplication des fichiers informatiques et leurs connexions aux grands réseaux) et pour le pluralisme (du fait des risques de domination des grands groupes mondiaux de communication issus des concentrations en cours).
§3 - Une intervention publique nécessaire
C'est pourquoi une intervention de l'Etat, à la fois dynamique et protectrice, est indispensable pour garantir un développement maîtrisé et démocratique de la société de l'information.
A cet effet, les pouvoirs publics doivent :
- réglementer et réguler :
- former et préparer les citoyens par une lutte contre l'analphabétisme de l'information en préparant, dès l'école primaire, les futurs citoyens de la société de l'information à l'usage des nouveaux outils ;
- faire jouer aux services publics un rôle moteur d'incitation par une modernisation exemplaire des grandes fonctions collectives fondée sur le recours aux nouvelles technologies (éducation, santé, protection sociale, sécurité, culture, etc.).
3) Un citoyen engagé : associations, syndicats, partis
a) Associations
L'association est à la vie quotidienne ce que le syndicat est à l'entreprise. La dynamique de la société mobilisée ne peut s'amorcer pleinement sans s 'alimenter à cette source de proximité.
Il est donc indispensable de protéger l'autonomie de l'action associative en soutenant ses cadres d'organisation et en préservant son indépendance financière.
Le mouvement socialiste doit se nourrir de la légitimité de la contestation qu'elles portent et de la force de négociation qu'elles présentent. Le législateur doit être offensif pour assurer aux associations les moyens de leur indépendance financière, en instaurant une politique audacieuse d'encouragement fiscal aux dons, la transparence des subventions et leur contractualisation plurian-nuelle, l'accès plus ouvert au statut d'utilité publique ou sociale.
En même temps, un contrôle public plus efficace doit accompagner une meilleure transparence dans la gestion des associations qui bénéficient de subventions publiques.
C'est dans ce contexte que seront systématiquement développées des formes de contractualisation entre les collectivités publiques et les associations remplissant une activité d'intérêt général, qu'elles exercent une fonction de représentation, d'animation ou de défense de droits, ou qu'elles participent à la mise en uvre d'activités dans divers domaines, par exemple sociaux ou culturels.
Des conventions pluriannuelles seront mises en place précisant les objectifs, les conditions et les délais de paiement et les modalités de suivi et d'évaluation.
La vie des associations sera également encouragée :
L'engagement volontaire de citoyens associés à la réalisation d'un projet collectif n'a rien à voir avec l'utilisation de la loi de 1901 à des fins de commerce ou l'assouplissement de la gestion des fonds publics.
C'est pourquoi il faudra procéder à la suppression des associations parapubliques, para-administratives, qui polluent la vie associative.
Dans le champ de la vie économique, il faudra s'interroger (à l'exemple du secteur sportif) sur l'obligation pour les associations de créer une ou plusieurs filiales commerciales dès que le volume des actes de commerce d'une ou de plusieurs branches d'activités dépasse un certain seuil financier.
Il convient d'insister sur le rôle primordial joué depuis toujours par l'Education populaire. Par son expression associative et fédérative, elle assure une vraie éducation de la citoyenneté. Elle reste plus que jamais une valeur d'avenir.
Les pouvoirs publics doivent donc garantir par une loi cadre les moyens humains et financiers appropriés afin de soutenir l'action indispensable engagée dès le plus jeune âge avec et autour de l'école de la République.
b) Syndicats
Pour l'équilibre social du pays, nous devons travailler à renforcer le syndicalisme. Un faible taux de syndicalisation affecte les moyens des organisations. Surtout le déséquilibre de la syndicalisation selon le sexe et l'âge se fait au détriment des catégories les plus exposées au chômage et aux situations précaires. La disparité d'implantation entre secteur privé et secteur public amène une sous-représentation des salariés du secteur privé et de leurs préoccupations.
La démocratie a besoin de corps intermédiaires forts. Le renforcement du syndicalisme est indispensable.
Les libertés syndicales doivent être garanties et les sanctions administratives et pénales pour atteinte au droit syndical renforcées. La protection des élus devra être assurée par un « statut de l'élu» protégeant ceux-ci de l'arbitraire qui les frappe de plus en plus souvent. Il devra également assurer le déroulement de leur carrière professionnelle.
Une force syndicale puissante est nécessaire pour nourrir le dialogue social, pour permettre la négociation collective par branche et mettre en uvre une véritable politique contractuelle. Les moyens d'information, de formation, d'expertise doivent être développés. La Commission Nationale de la négociation collective doit devenir un véritable lien de débat sur tous les problèmes qui sont à la confluence de l'économique et du social. La négociation de branche doit être revalorisée. Pour tenir compte de la faiblesse de la négociation dans trop d'entreprises, elle doit évoluer vers une fonction d'orientation de l'activité contractuelle des entreprises. Il est souhaitable également de valoriser le rôle et d'améliorer le fonctionnement du Conseil Economique et Social. Les Conseils Economiques et Sociaux régionaux peuvent acquérir plus de poids en participant aux travaux des Commissions du Conseil Régional.
Le développement de la syndicalisation est d'abord l'affaire des organisations syndicales elles-mêmes. Mais nous devons nous préoccuper également de ce problème. Sans adhérents en nombre suffisant, le rapport de force social est impossible dans la vie quotidienne de la plupart des entreprises. Nous devons donc avancer des raisons et proposer des mesures qui favorisent la syndicalisation. Deux possibilités s'ouvrent :
- il faut d'abord favoriser un plus grand accès aux médias pour les organisations syndicales, des moyens conséquents doivent être donnés pour qu'elles puissent mener des campagnes d'information à l'occasion des élections pour les prud'hommes et pour la Sécurité Sociale ;
- il faut ensuite ouvrir un débat avec les organisations syndicales pour décider des moyens qui sont nécessaires pour renforcer l'autorité et l'influence du syndicalisme. Aucune question ne doit être écartée de cette concertation (la nature des conventions collectives, le financement du syndicalisme, les voies d'un syndicalisme de service, les droits syndicaux dans l'entreprise, etc.). Il faut que nous sortions de la situation de sous-syndica-lisation qui est la nôtre et qui handicape gravement l'efficacité de la négociation sociale.
c) Partis
Bien que reconnus dans la Constitution, les partis politiques ont été souvent malmenés ou méprisés par la droite. La gauche a souhaité leur redonner une véritable place dans la société démocratique.
Deux mesures pourraient contribuer à asseoir plus solidement la vie des organisations politiques :
- la première consiste à donner à l'opposition un véritable statut. La réforme proposée du Parlement y contribuera ;
- la seconde vise à améliorer leurs ressources. Il faudrait par ailleurs éviter les détournements d'aide publique en en limitant le bénéfice aux seuls partis ayant obtenu au moins 2,5 % des suffrages.
Les formes du militantisme ne sont plus adaptées aujourd'hui aux attentes des citoyens. Alors que ces derniers souhaitent plus de transparence, plus de participation et plus de délibération, une meilleure information, des engagements plus efficaces dans certaines luttes concrètes, les partis n'ont pas su évoluer pour répondre à cette demande légitime. De même, les différentes catégories de la population exclues de la représentation politique le sont trop souvent des instances dirigeantes des partis : l'absence de femmes, de jeunes, de diversité sociologique est ici aussi frappante et déplorable.
Conscient de cet état de fait et n'acceptant pas de s'y soumettre ou seulement de s'y résigner, conscient aussi que la capacité qui sera la sienne de réformer sa vie interne et ses pratiques sera le gage et la condition de sa capacité à réformer la société, le parti socialiste s'est engagé sur la voie d'une profonde rénovation. D'ores et déjà, certaines mesures significatives ont été adoptées lors du vote du 14 octobre, et elles se traduiront dans les statuts et les actes dès le prochain Congrès : élection directe des responsables par les militants, inscription dans les statuts de l'objectif de parité, participation des jeunes à la vie du parti, création d'un conseil économique et social, rédaction d'une charte éthique, accueil des sympathisants...
De nouveaux engagements sont également pris, en particulier pour ce qui concerne la place des femmes lors des prochaines élections, le cumul des mandats et des fonctions à terme rapproché, la redéfinition d'un statut de l'élu.
Mais il va de soi que la nécessité de faire de notre parti un parti exemplaire, en phase avec la société, ouvert sur sa diversité et ses préoccupations, suppose de poursuivre ce mouvement. Dans la perspective de notre prochain Congrès, d'autres pistes devront être débattues et explorées, tout particulièrement afin de permettre la traduction en actes d'un certain nombre de principes (notamment un renforcement du rôle du Conseil National, le non cumul des mandats internes et externes au sein du parti à titre d'objectif). Dès maintenant, un groupe de travail préparera cette prochaine consultation des militants en proposant les modifications statutaires et réglementaires nécessaires.
4) Un citoyen disponible
Participer à la vie publique exige à la fois du temps et de la disponibilité mentale ou effective à s'occuper des autres. Ces conditions manquent aussi bien à ceux que des durées de travail trop longues conduisent à la fatigue ou au stress, qu'à ceux qui se sentent écrasés par la pauvreté, le chômage, l'isolement ou l'insécurité de l'emploi, du revenu ou du logement. Porter remède à ces situations est l'ambition en même temps que le devoir principal des socialistes.
Or l'état d'esprit de nos concitoyens sur le problème de la durée du travail est en train de changer dans le bon sens.
On travaillait quelque 3 200 heures par an au tournant du siècle, on travaille 1 600 heures environ par an aujourd'hui, et les revenus ont été multipliés par 8 ou 9. Plus clair encore, ce lent mouvement de baisse de la durée du travail s'est ralenti, pour se quasi stabiliser, vers le tournant des années 1970. Ces années sont justement celles où le chômage de masse commence à prendre son essor. Nous sommes pratiquement bloqués vers trente-neuf heures depuis une vingtaine d'années pour des raisons qui tiennent principalement aux réticences des employeurs et aux habitudes des syndicats.
Il est possible et il est temps de reprendre la marche en avant. Bien conduite, la réduction massive du temps de travail est un moyen puissant de lutte contre le chômage. Les socialistes feront par ailleurs des propositions importantes et précises sur ce sujet.
Réduire le temps de travail pemettrait aussi, tout au long de la vie, d'alterner les périodes de formation et de travail afin de mieux équilibrer vie professionnelle, vie privée et vie sociale.
Mais la diminution significative du temps de travail n'est pas qu'un moyen de lutter contre le chômage. Elle implique beaucoup plus que cela, elle est le moyen d'adapter la société au fait que le travail la fuit, alors qu'elle est tout entière organisée autour de lui.
Les deux premières révolutions industrielles (charbon, puis électricité) ont massivement permis de remplacer l'homme par la machine dans les tâches pénibles ou répétitives. La troisième, la révolution de l'information, qui commence à peine son essor, aboutit au même remplacement dans les tâches de contrôle, de conception, de régulation où la machine s'évalue et se corrige d'elle-même. De ce fait, à l'inverse de ce qui se passait autrefois, la machine, au lieu de créer autour d'elle plus d'emplois qu'elle n'en supprimait directement, les détruit aujourd'hui sans compensation. Dès 1930, Keynes entrevoyait pour la fin du siècle une société qui subviendrait à ses besoins avec trois heures de travail par jour ou quinze heures par semaine de travail productif salarié.
Il ne faut pas avoir peur de ce mouvement, il faut le maîtriser et l'organiser. Depuis toujours, le rêve de l'humanité est que la machine la débarrasse de la peine du travail.
Il faut aussi réagir contre les formes sauvages de réduction du temps de travail à travers l'augmentation du chômage ou du travail à temps partiel contraint, particulièrement discriminatoire pour les femmes.
L'homme ou la femme s'épanouit quand il se dépasse, quand il crée, quand il prend des risques ou des responsabilités. C'est dans un tel contexte que le temps consacré à la vie associative, coopérative, mutualiste, syndicale ou politique trouvera sa place et sa signification sans amputer le temps du travail ou de la famille.