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FEMMES, ETHIQUE ET POLITIQUE

Aminata Diaw
Département de Philosophie, Université Cheikh Anta Diop

Le triptyque qui fait l’objet de notre questionnement peut paraître surprenant à première vue mais non dépourvu de légitimité. En effet et parce qu’elle est une façon de faire informée par une dynamique socio-historique, la politique renvoie à un univers trop souvent peuplé d’hommes. Peu nombreux sont les ouvrages d’histoire, de science sociale ou de science politique qui, en parlant de politique, mettent en scène l’élément féminin. Il semblerait que la politique soit une pratique masculine, qu’elle renvoie à un imaginaire masculin.

Par ailleurs, et toujours du point de vue de la représentation et de l’imaginaire , la politique en tant que pratique renvoie très souvent à l’artifice, au faux semblant ; elle est le lieu d’élection du mensonge, de la manipulation et de la tromperie. Elle semble ainsi, non dans son essence même mais dans la pratique, signifier l’absence de moralité, l’incapacité de générer un comportement moral, une position éthique.

Comme le soulignait Aristote dans l’Ethique à Nicomaque, la politique est la science suprême et architectonique par excellence, celle dont la fin englobe la fin des autres sciences_. Il ne s’agit point de confondre Ethique et Politique mais bien de mettre l’accent sur les rapports intimes existant entre les deux. Pour autant cette intimité ne doit pas faire perdre de vue la substance paradoxale qui est la sienne et qui fait le «drame de l’histoire, c’est-à-dire celui du divorce entre l’éthique et le politique »_. Nous savons, depuis Max Weber, que cette intimité

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paradoxale de la Politique et de l’Ethique résulte du fait que la politique est le royaume de la violence, le lieu de prédilection de conflits dont l’enjeu constitue le pouvoir, l’espace où trop souvent n’importe quelle fin peut justifier n’importe quel moyen, au nom de l’impératif de l’efficacité.

Ces deux remarques qui permettent de mettre en exergue l’intimité paradoxale de l’Ethique et de la Politique ne peuvent manquer de susciter quelques interrogations :

  • l’acteur politique est-il toujours en mesure d’avoir une position éthique et de se prévaloir des règles d’une morale formelle? Autrement dit, la logique de l’efficacité lui permet-il de se risquer à l’incertitude et l’inquiétude propre à la position éthique dès l’instant où la fin constitue la conquête du pouvoir?
  • Qu’est-ce qui lui incombe logiquement? L’éthique de la conviction qui ne tient pas compte des conséquences de ses actes ou l’éthique de la responsabilité comptable de ce qui advient même si ce n’est pas ce qui est voulu?

Ces questionnements s’imposent à nous parce que le Politique est essentiellement humain, parce que l’humain est le seul être capable de moralité mais aussi le seul délibérement capable de violence. En un mot, c’est le seul être doté de la capacité d’historicité. Donc c’est cette historicité qu’il conviendra d’interroger pour savoir ce qui fonde cette intimité paradoxale de l’Ethique et de la Politique, pour voir si elle incombe à la fatalité de notre nature humaine ou alors si elle relève simplement du fiat humain_. Si le deuxième terme de l’alternative prévaut et c’est celui qui doit prévaloir, alors il nous faudra revenir au triptyque de départ pour voir comment parvenir à une intimité conviviale Ethique-Politique. Pour ce faire, revenons à l’historicité et essayons de dégager les sites de légitimité de la problématique pour lui donner une pertinence à travers le cas du Sénégal en montrant comment l’imaginaire politique sénégalais est

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fondamentalement un imaginaire masculin. Ceci nous permettra par la suite de voir dans quelle mesure les femmes pourraient se départir du simulacre, du faux semblant, du mensonge afin d’être porteuses d’une dynamique éthique au cœur du politique. Enfin, nous pourrons examiner dans le cadre de ce pari féminin, quelles sont les stratégies pour une nouvelle civilité politique.

Il est de fait que ces questions n’ont de sens que si notre lieu de départ, qui est un parti pris, est le suivant : la politique n’a pas pour fin la conquête du pouvoir mais le Souverain Bien et nous entendons par celui-ci la qualité de l’existence de la communauté des hommes et des femmes, leur épanouissement physique, intellectuel et moral aussi bien sur le plan individuel que collectif.

Notre analyse se situera plus dans une perspective analytique que factuelle et de comptabilité. Il s’agira de mettre en exergue la dynamique des logiques structurant l’espace et l’action politiques afin de pouvoir mesurer l’impact de l’élément sexuel ou sexiste, et voir comment il peut compromettre le mode d’être du politique et dans quel sens est-ce qu’il faut infléchir ce dernier pour qu’il soit à visée éthique.

1. De l’actualité et de la légitimité de la problématique

Trois repères permettent de circonscrire les sites de légitimation de notre problématique : « Femmes, Ethique et Politique ».

Le premier site de légitimation serait sa dimension planétaire. En effet, si nul aujourd’hui ne songe à remettre en cause ou à opposer une fin de non-recevoir à l’exigence démocratique sous peine de réclusion de l’espace de la rationalité et de l’humanité, force est de constater que le « désenchantement du monde » qui était à l’origine de cette exigence démocratique perdure. L’humanité n’a pas encore trouvé une réponse adéquate, pertinente, rationnelle, humainement acceptable à la crise qu’elle vit : crise du sens de l’histoire, crise de l’idée de progrès, crise du politique. La déliquescence des mythes fondateurs

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de notre modernité (mythe de l’automaticité du progrès historique, mythe du messianisme révolutionnaire, mythe de l’Etat protecteur, mythe des Lumières avec la foi sans bornes nourrie envers le complexe technico-scientifique) traduit ce que Alain Bihr décrypte comme étant la crise du sens qui n’est pas absence de sens mais foison de sens.

Visiblement la crise du sens, du fait même de son universalité, autorise à inscrire le Politique et subséquemment la Politique dans une perspective éthique. Il y a là une injonction faite à l’homme et à la femme de retrouver ou de créer un ordre symbolique qui puisse restituer un sens à leur présence au monde.

Le second site de légitimation réside dans la contemporanéité des tentatives de délégitimation des formes autoritaires du pouvoir en Afrique et des procédures de restauration autoritaires. La libération de la parole et de l’espace politiques a ramené la démocratie au cœur du politique et du discours politique. Même s’il ne peut être question de nier le progrès accompli du fait de la restauration de certaines pratiques telles le multipartisme, la presse plurielle, la compétition électorale et l’expression du suffrage universel dans des zones où elles n’avaient plus cours depuis fort longtemps, il importe cependant de préciser que l’expérience africaine suscite des interrogations cruciales. Le constat fait du retour démocratique au pouvoir de certains hommes politiques qu’on considérait il y a peu comme des dictateurs ( Bénin, Madagascar), le coup d’arrêt et le dévoiement du processus de libéralisation politique dans certains pays (Togo) ou encore la discussion sur la nécessité impérieuse de mettre en place une commission nationale indépendante (CENI) comme au Sénégal par exemple, amènent effectivement à s’interroger sur la nature de l’entreprise démocratique.

Qu’entendons-nous par démocratie aujourd’hui en Afrique? N’a-t-on pas trop hâtivement opéré une confusion entre démocratie et démocratisation en ramenant toute la démocratie à sa dimension exclusivement institutionnelle? Il y a, nous semble-t-il, un enjeu à la fois

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méthodologique et théorique dont il importe de bien saisir la portée afin de se donner les moyens heuristiques pour appréhender l’intel-ligibilité du problème. Qu’on soit en face de « démocraties de façade » pour reprendre l’expres-sion de Babacar Sine_ ou qu’on verse dans le radicalisme de Achille Mbembe pour qui « contrairement à l’illusion générale, il n’existe aucun régime démocratique en Afrique noire »_, force est de constater que la démocratie souffre d’un déficit qui compromet sa qualité et sa viabilité.

L’émergence de la violence comme idiome politique principal, voire exclusif dans certaines zones avec l’émergence de recompositions territoriales repose de façon cruciale la question des rapports de la démocratie et de la sécurité. Mais ce qui reste encore plus problématique aujourd’hui, c’est l’ampleur que prennent les processus d’anétatisation, marque suprême de la déconnexion du social et qui ne reconnaissent plus à l’Etat une « vocation d’intégration citoyenne »_. La complexification des logiques d’exclusion repérables dans le champ sociétal autorise à se demander si on peut encore parler de l’entreprise démocratique sans ce qui constitue le sujet et l’objet de celle-ci à savoir le citoyen? Il y a, aujourd’hui en Afrique, un consensus au niveau du discours politique voire intellectuel : l’existence du citoyen est postulée et considérée comme une réalité effective. La conséquence majeure qui en résulte est de réduire la démocratie à un certain formalisme, ce qui empêche de l’inscrire dans une perspective éthique et donc de l’interroger sur le mode d’être et la façon de faire qu’elle implique nécessairement.

La communauté de destin qui se donne à voir comme exigence philosophique et éthique rivée à l’horizon de l’identité humaine repose fatalement la question de la citoyenneté et donc celle de l’égalité. Il s’agit par là de se demander par exemple si « l’autre moitié du ciel », à un niveau individuel, collectif et institutionnel, a pu trouver un point d’ancrage dans la modernité entrain de se construire, surtout dans sa dimension politique.

Les pratiques et procédures politiques en cours n’ont pas rompu

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avec le paradigme colonial qui reste informé par la logique d’assujettissement qui est une logique d’exclusion. Cette remarque faite à propos de la situation africaine vaut aussi pour le Sénégal et sa démocratie.

Les élections rurales, municipales et régionales de novembre 1996 ont mis en exergue, entre autres questions, deux principalement qui posent le problème de l’égalité et donc nécessairement le souci de l’équité. Il s’agit ,d’une part, de la question des candidatures indépendantes et, d’autre part, de la réalité et de la qualité de la place accordée aux femmes sur les listes électorales. Ne sommes-nous pas là au cœur même du troisième site de légitimation de notre problématique.

L’étude prospective Sénégal 2015 avait mis en évidence le rôle déterminant des femmes dans toute entreprise de transformation de la société ; cette étude avait en effet identifié les femmes comme des acteurs de ruptures. Confirmation est faite par Femmes sénégalaises à l’horizon 2015 qui souligne que « la promotion des femmes à l’horizon 2015, la résolution de la crise sénégalaise, passeront aussi par l’attribution, aux femmes, de la place qui leur revient de droit au sein du développement global »_. L’acceptation et la prise en charge de la centralité de la femme sont ainsi posées comme incontournables dans le futur désirable du Sénégal. Elles le sont dans la mesure où elles ont effectivement la capacité de subvertir la logique d’assujettisse-ment, de subordination et d’ex-clusion qui informe le paradigme colonial qui continue encore à prévaloir bien après les indépendances. La subversion réside dans le fait que la détermination ne se fait plus à partir de la marge (d’où la marginalisation de la femme) mais bien à partir du centre, ce qui fait essentiellement reposer le système sur le principe d’égalité et le souci d’équité. C’est cela, nous semble-il, qui fait que la catégorie femme peut inscrire la politique dans une perspective éthique en ce qu’elle se trouve alors rivée à cette fin qu’est le bien proprement humain, c’est-à-dire le Souverain Bien dont parlait Aristote. Cet esprit ramené à ce que nous venons d’énoncer nous

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permet alors de nous approprier la remarque de Kä Mana : « Dans nos pays africains, la démocratie ne pourra être fertile que si elle est pensée et vécue dans cette perspective éthique. Elle ne pourra porter des fruits que si nous la concevons non comme un nouveau mythe mais comme une méthode éthique de transformation de nos espaces de vie : l’espace politique, l’espace économique, l’espace social et culturel en tant que dynamique morale et spirituelle par laquelle une société se compose une mentalité et un style d’être »_.

Il convient alors, après avoir visité les sites de légitimation de la problématique, de voir concrètement ce que peut vouloir signifier la méthode éthique de transformation de nos espaces de vie et surtout en quoi les femmes peuvent être dépositaires et initiatrices en partie de cette méthode. Mais auparavant, essayons d’abord de voir ce qui est à transformer. Parce que ce qui est visé n’est pas seulement du domaine de la matérialité et de l’institutionnel mais surtout du domaine de l’imaginaire, il importe de revisiter cet imaginaire en essayant de saisir la trajectoire historique qui l’informe.

2. Un imaginaire politique masculin

a - Le poids de l’histoire

La période précoloniale voit se dessiner une différence de statut des femmes en fonction de leur état social_. Dans les Etats centralisés du Nord et du Centre (royaume du Fuuta Tooro, du Walo, du Kajoor...) est mis en exergue, de par leurs titres politiques et matrimoniaux, la centralité des opérations de patronage des Guelwar et Garmi plus que des Toroodo dans les jeux d’alliance et d’opposition.

Cet impact réel des femmes dans la sphère du pouvoir est d’autant plus significatif qu’elles ont accès à certaines richesses même si elles ne participent pas directement à la vie économique. Ainsi, l’appartenance aux ordres supérieurs place la femme au cœur du dispositif de dévolution et d’acquisition du pouvoir. En parlant de la linguer et de la awo dans le royaume du Waalo, Boubacar

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Barry fait la remarque suivante : »Ayant un entourage nombreux, ces princesses, par les fêtes fastueuses qu’elles donnaient, les cadeaux qu’elles faisaient aux nobles à titre de subsides, contribuaient largement à asseoir l’autorité du brak, et jouaient ainsi un rôle important dans la succession au trône. La linguer notamment, jouera un grand rôle politique dans l’histoire du Waalo,car elle est avant tout la détentrice des biens de la famille meen dont la bonne gestion devait assurer la victoire dans la course au pouvoir »_. Mamadou Diouf aboutit au même constat en ce qui concerne le Kajoor : « Les femmes jouèrent un rôle considérable dans les campagnes pour l’élection de leurs parents utérins...Par leur xawaré, importantes fêtes de prestige et de distribution de cadeaux, aussi fréquents et grandioses que possible, elles participaient concrètement à l’élargisse-ment de la clientèle de leur matrilignage. Ces xaware sont le cadre d’affirmation d’une générosité affichée, d’un entourage nombreux et richement doté ; ce sont en quelque sorte ce que l’on appelle de nos jours des opérations de promotion »_.

Il ressort de ces constats les éléments suivants :

  • la femme est effectivement au cœur du dispositif du pouvoir : elle y est non en tant qu’actrice mais plutôt en tant que médiatrice,
  • et c’est ce qui donne effectivité à ce rôle de médiatrice, l’accès à la richesse apparaît comme une condition sine qua non,
  • enfin, la femme participe à la mise en scène, à la théâtralisation du pouvoir, mais surtout de la puissance et de la munificence. La dynamique festive utilisée ( fêtes de prestige ou fêtes fastueuse, xawaré) participe à l’idiome politique, elle est une manière d’inscrire symboliquement la puissance du pouvoir politique dans la réalité et la quotidienneté sociales.

Ces éléments corroborent l’idée d’une division sexuelle de l’action et du champ politiques qui maintient

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la femme dans un rôle de médiation et de subordination et parallèlement érige l’homme en bénéficiaire absolu du système et donc en fait l’unique acteur, l’unique sujet. On peut effectivement trouver confirmation dans le fait que le champ politique apparaît comme le lieu d’exercice de la violence surtout depuis que le pouvoir politique a perdu de sa sacralité. Selon Abdoulaye Bara Diop, « la dévolution du pouvoir n’étant pas automatique - avec l’inexis-tence du droit d’aînesse et la pluralité des clans royaux, surtout matrilinéaires, favorisée par la polygamie -, des luttes incessantes se nouent pour l’accession au trône, aussi bien entre des clans qu’entre des membres d’une même famille, luttes qui ont occasionné des fratricides, voire des parricides. Aux yeux du peuple, le droit au trône n’était plus conféré par le caractère sacré du candidat mais par la force dont il disposait et qu’il utilisera non seulement pour conquérir le pouvoir contre ses rivaux mais pour gouverner ses sujets après son élection »_.

La violence comme moyen privilégié de conquête du pouvoir et comme inhérente à l’organi-sation politique structure ainsi l’espace public, désigne les acteurs et les médiatrices et façonne de ce fait le mode d’être du politique et surtout la mémoire politique.

Pour autant, ce mode d’être du politique intègre une « trajectoire ambiguë »_: la fonction de médiatrice et donc d’élément essentiel dans les opérations de patronage et de clientélisme n’est dévolue à la femme que parce qu’elle appartient aux ordres supérieurs. Il en est autrement de la Badoolo frappée d’une double exclusion parce que femme et parce qu’appartenant aux classes populaires. Confinée dans son rôle de production et de reproduction dans le cadre d’une économie de subsistance, elle se fera plutôt l’élément moteur des stratégies de survie_.

Les sociétés égalitaires du Sud ne réserveront pas à la femme un sort fondamentalement différent de celui de la Badoolo; sans doute, peut-on faire exception de la fonction religieuse qui la rendra plus visible sur le plan politique et public.

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La mise en place de la société coloniale et ses procédures de totalisation ont parachevé la marginalisation presque complète de la femme avec une monétarisation et une masculinisation de l’économie qui confinent de plus en plus la femme dans l’espace domestique, processus qui ne sera point remis en cause par l’accès, tardif du reste, à l’école. Le paradigme colonial circonscrit la femme dans l’espace domestique, ce qui en fait une reproductrice et la gardienne du foyer.

Ce remodelage de la réalité sociale qui consacre la marginalisation de la femme sera d’autant plus facilité par la religion qui inscrit l’inégalité de l’homme et de la femme dans le registre du sacré.

b - Le suffrage universel ou la consolidation de la division sexuelle de l’action et du champ politiques

Le droit de vote accordé aux citoyens en 1848 ne le sera pour les femmes qu’en 1946, soit un an après l’avoir reconnu à celles de la métropole. Après une lutte très âpre pour l’égalité des droits où le soutien des hommes politiques a été déterminant du fait du gain qu’ils pouvaient en tirer, les femmes obtiennent la promulgation d’un nouveau décret statuant que « les femmes africaines citoyennes françaises sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les citoyennes françaises ». Par le suffrage universel, les femmes redeviennent une force politique dès l’instant où elles sont électrices et éligibles. Si elles sont réintroduites dans l’espace politique, on ne peut pour autant affirmer que ceci met fin à leur marginalisation. Faut-il rappeler, comme le souligne Aïssatou Sow Dia_, que le droit de vote était plus une question d’honneur qu’une question vraiment politique pour les femmes et que son octroi fut plus le fait d’hommes politiques. Aussi n’a-t-il pu conduire à l’effet escompté, c’est-à-dire la mutation des femmes en véritables citoyennes. Ce droit conquis les a plutôt réduit à n’être qu’une masse des manœuvres, à être simplement instrumentalisées : en effet, elles se battent pour des intérêts et une logique qu’elles n’ont pas mise en place. La place qu’el-

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les occupent dans le jeu politique moderne avec des acteurs comme la SFIO et le BDS les confine dans des « opérations de promotion politique à travers les meeting, tannebers, composition de chants pamphlétaires destinés à saper le moral de l’adversaire, boubous estampillés de l’idole politique (...) »_. On retrouve non seulement cette théâtralisation du pouvoir déjà mentionnée mais il semble, en plus, qu’il y ait, de la part des femmes, une appropriation de la violence. Ce recyclage d’une valeur masculine dans le registre féminin qui fait passer la violence du champ de bataille à la ronde du tanneber ou à la joute verbale, confirme s’il en était encore besoin que l’imaginaire politique sénégalais reste bien un imaginaire masculin. Ainsi, le processus de modernisation va-t-il simplement procéder à une consolidation de la division sexuelle du champ politique, qui voit les hommes acteurs de plein droit de l’espace public se réserver l’exclusivité de la conception de la chose politique.

c -Modernisation, clientélisme politique et technocratie : la Républiques sans citoyennes

Les indépendances ne constituent pas réellement une rupture et le projet post-colonial ne s’inscrit pas hors du paradigme colonial. En effet, était inscrite dans l’agenda nationaliste l’indépendance et non la démocratie. Aussi, la logique unitaire qui a informé le discours identitaire_ a continué à prévaloir et le Droit n’a été pensé qu’en termes de libération du joug colonial. Dans une telle perspective, la notion d’individu et par conséquent celle de droits individuels n’ont pu être posées : le peuple seul s’est trouvé réifié en sujet de droit et en catégorie politique. Il en a résulté le gommage des particularités et la femme, par conséquent, ne pouvait être prise en compte comme acteur autonome.

Le double impératif devant lequel s’est trouvé l’Etat post-colonial le prouve amplement : d’une part il fallait construire la Nation sénégalaise et, d’autre part, promouvoir le développement économique et social des populations. Ce double im-

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pératif ne pouvait trouver effectivité que dans sa prise en charge par les populations, c’est-à-dire dans des changements de mentalités et de comportements les plaçant dans des dispositions de responsabilité. L’animation s’est inscrite comme stratégie de développement dans ce processus de modernisation avec les volets suivants : l’Anima-tion rurale, l’Animation urbaine, l’Animation des administrations publiques et l’Animation féminine. Malgré les apparences, cette prise en charge par l’Etat de la problématique femme ne pouvait libérer cette dernière de l’économie domestique et donc lui conférer une autonomie dès lors qu’elle ne procédait pas de façon concomitante à la remise en cause de la position et du rôle des femmes dans la société. Il n’est point surprenant alors que les quatre premiers plans de développement ne comportent aucune spécification des objectifs par rapport à la femme. De ce point de vue le constat de l’étude prospective Femmes sénégalaises à l’horizon 2015 est plus que pertinent : »(...) durant les quinze premières années, les femmes ont été plus consommatrices que productrices de ces politiques nationales. Elles ne se sont pas mobilisées autour de leurs intérêts propres. Elles n’en ont même pas tenu le discours, car le discours dominant était celui de leur nécessaire participation au développement. Elles ont été au service de projets et d’investissements collectifs qui n’ont pas pris en compte leurs propres préoccupations. ».

Cette non visibilité de la femme, sa non-inscription spécifique dans l’impératif de développement est par ailleurs confirmée par le complexe modernisateur de l’Etat sénégalais avec la réforme foncière (loi sur le domaine national - 1964), la réforme administrative(1972) et enfin le Code de la famille(1972). Ainsi que le souligne Mamadou Diouf « toutes ces mutations avaient pour but, non de faire participer mais de serrer le maillage administratif sur la société pour accroître l’efficacité de la politique de développement dont l’extension du domaine étatique était l’élément moteur ».

Est-il besoin de préciser qu’il s’agit d’appréhender des tendances

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lourdes pouvant offrir une grille d’intelligibilité? Certes la décennie des Nations-Unies pour la femme va impulser de nouvelles stratégies de promotion pour la femme mais peut-on pour autant conclure qu’elle met fin à sa marginalisation?

Le processus de modernisation a été le terrain d’élection du clientélisme politique dès l’instant où il y a eu un glissement de la fonction instrumentale de l’Etat vers le parti unique ou unifié. Parce que la femme a été au service du développement et non une des finalités du développement, le discours politique n’a pu, dans une visée programmatique, circonscrire un espace public qui en fasse un élément opératoire et agissant du processus de délibération. Nul doute que les femmes ont été au cœur des transactions politiques, aux avant-postes de la confrontation et de l’affrontement, mais comme l’indique Katy Cissé Wone, elles ont toujours été « au service d’entrepreneurs politiques ». Médiatrices dans le dispositif de patronage, elles continuent à participer à la théâtralisation du politique sans en être véritablement les initiatrices. Elles ont su mobiliser les ressources de l’espace privé telles la parenté, le voisinage, la solidarité, l’amitié pour des enjeux qu’elles n’avaient point contribué à élaborer, à concevoir. Il y a là une logique d’assujettissement et de subordination qui exclut de fait la femme du processus de délibération, vecteur essentiel de l’espace politique et public. Et parce qu’il n’y a pas un discours de femme, en tant que la femme est objet et sujet de son propre discours, la femme ne peut être acteur politique et, du coup, la République se retrouve sans citoyennes. Le fort taux d’analphabétisme conjugué à une non autonomie financière, économique a très certainement beaucoup contribué à cet état de fait. Il reste, puisqu’il s’agit d’appréhender les éléments structurants de l’imaginaire sénégalais, que l’image que la sénégalaise a d’elle-même et celle que lui renvoie sa propre société ont été plus que déterminantes. Le sacro-saint lien matrimonial gage de l’entrée au paradis et d’une progéniture réussie, la fidélité et la soumission absolue à l’autorité parentale et marit-

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ale, le respect scrupuleux de la norme sociale qui fixe les critères de l’idéal féminin constituent autant d’élé-ments de verrouillage de la sphère publique qui reste la chasse gardée des hommes. Les femmes ne peuvent y être que sous tutelle, c’est-à-dire autorisées. Elles ne peuvent dès lors que véhiculer les valeurs masculines.

Dans cette perspective, la technocratie, loin de constituer un élément de rupture, a tout au plus accentué la logique d’assujettissement en mettant en exergue la qualité et l’expertise. L’arrivée des femmes intellectuelles avec leur savoir, leur capacité d’argumentation n’a pas d’une certaine façon aidé à la sortie du paradigme colonial, à l’invention d’un nouvel imaginaire politique, à l’inculturation d’un nouveau mode d’être du politique et surtout d’une nouvelle éthique politique.

L’opposition cadres politiques - cadres intellectuelles, sous bien des aspects, a fragilisé la femme et a rendu problématique sa situation à l’intérieur du parti. En effet, l’émergence de l’expertise politique féminine n’a pas eu comme conséquence l’éclosion d’un discours politique dont la centralité de la femme a constitué l’axe d’ordonnancement, autrement dit un discours qui, en sa problématique même, intègre l’élément femme au lieu de se le greffer après coup. Parce qu’il est question de situation de pouvoir et pas de Souverain Bien, l’alliance objective des cadres intellectuelles et de l’élite masculine montre que l’expertise féminine va contribuer davantage à la marginalisation des femmes car elle ne remet pas en cause la division sexuelle du champ politique. Même si ces propos peuvent être nuancés selon le parti politique en question, il n’en demeure pas moins que la femme intellectuelle ne peut donner sens à son ambition politique et ne peut voir celle-ci se concrétiser qu’avec la bénédiction des hommes. Là encore, le succès de la transaction politique reste tributaire d’une non remise en cause du statu quo dans le champ politique.

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d - Conscience civique et raison alimentaire

La pratique politique est certes tributaire de cet imaginaire politique fondamentalement masculin, mais « l’on peut difficilement rendre compte du façonnage politique des sociétés post-coloniales en faisant fi de l’état de disette chronique dans lequel elles se sont installées »_. Les politiques d’ajustement structurel n’ont pas inversé cette tendance et parce que les femmes ont été les véritables victimes de la paupérisation, leurs conduites et leurs pratiques politiques se sont sans doute beaucoup ressenties de la raison alimentaire. Du fait de la structure inégalitaire de la répartition des ressources, la mobilisation politique s’est subordonnée l’impératif alimentaire. La distribution de certaines denrées de première nécessité, de pièces de tissu, le financement de Yendu ou de sabar constituent des formes de mobilisation politique mais aussi de contrôle social où la femme constitue l’élément central mais non actif. En investissant l’espace public par le code vestimentaire(boubou avec effigie), par le bruit (musique, chant, sabar), elle participe à la théâtralisation de la politique, à son inscription symbolique dans la réalité du terroir en activant comme toujours les leviers de la solidarité, de la parenté, du voisinage. Mais cette forme de transaction qui relève de l’initiative des hommes et qui voit la loyauté politique s’échanger contre l’éloignement provisoire ou ponctuel de la disette, montre que la théâtralisation que nous avons mentionnée tient beaucoup plus du jeu de marionnettes. Que faut-il en déduire?

Il s’agit de bien comprendre, toujours en restant dans le cadre de l’analogie avec les marionnettes, que la conduite et la pratique politiques des femmes, parce qu’étant en partie soumises à l’impératif alimentaire, ne peuvent en référer à aucune valeur d’ordre moral. La procédure de détournement de la conscience civique des femmes, en se nourrissant de l’imaginaire de la pénurie, met en branle les mécanismes de la non-civilité dans les rapports politiques, ce qui ramène l’humain à la sphère du corps. Il s’agit effectivement de ripaille, de parure,

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de « l’habit en guise de media visuel du champ politique »_ avec une surimposition de l’identité du leader (le tee-shirt ou le boubou avec l’effigie du leader). En un mot, il s’agit de jouissance ou de réjouissance du corps réalisée aussi à travers le gommage de chaque identité particulière, l’effacement de chaque individualité pour une uniformisation productrice d’une masse inerte dont la conscience est capturée, une masse de manœuvre. Cette dimension festive en tant que signe de refoulement de la rareté et de la pénurie d’une part, d’autre part en tant qu’elle inscrit l’idiome et le sens du politique dans le corps, s’avère incapable de toute transcendance comme le disait Raymond Polin_. En se réduisant à une simple gestion du corps et à ce qui s’y réduit, la politique ne peut s’ouvrir à l’éthique. La force d’inertie du corps empêche à la politique d’en référer à l’idée d’une nature de l’homme « permettant de juger en termes de valeur les entreprises sociales et politiques »_. Le corps ne peut être que le site de l’appétit ou encore de l’impulsion, ce lieu où nos actions n’ont pas besoin d’être fondés, n’ont pas besoin de justification ou d’argumen-tation mais simplement de monstration pour être.

Par opposition, la conscience serait le site des valeurs, ce lieu où le moi se dédouble, se fait juge de l’être grâce à une certaine idée du devoir-être. Dans une telle perspective, l’action n’est jamais le résultat de la pression de l’instant (comme c’est le cas avec l’appétit), elle traduit d’abord une intentionnalité, un mouvement vers. En clair, dès l’instant où nous parlons de conscience, nous nous situons dans le champ de la délibération, délibération qui engage notre liberté et notre responsabilité donc naturellement notre conviction et surtout notre autonomie.

Le clientélisme politique, la division sexuelle de l’action et du champ politiques n’orientent pas la femme vers le site des valeurs, qui implique le choix, la délibération, la responsabilité et donc nécessairement l’autonomie. Il y a corrélativement à la logique d’exclusion et de marginalisation une volonté délibérée de ne pas permettre à la femme

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l’accès à la citoyenneté, en d’autres termes une volonté de la réduire à une simple ressource politique, ce qui en fait l’objet de transaction qu’elle n’initie pas.

Procédons autrement en essayant de mettre différemment en lumière cette même question. Les femmes qui vont aux meeting politiques aux sabar ou yendu organisés dans un but politique y vont-elles pour des raisons politiques c’est-à-dire des choix idéologiques bien précis, y vont-elles pour des raisons de sociabilité, par curiosité ou simplement pour passer le temps? Il aurait été intéressant de pouvoir faire une enquête à ce sujet pour pouvoir identifier avec beaucoup plus de fiabilité leurs motivations. A défaut, on peut gager sans prendre trop de risques que les raisons politiques et idéologiques occuperaient une proportion peu importante là où des raisons de sociabilité ou le passe-temps se taillent la part du lion. De manière très empirique et à titre d’indicateur et non d’argument, on peut observer que les meeting politiques organisés par des partis aux options idéologiques très différentes peuvent, quant à l’auditoire, présenter quelques similitudes. Cela ne peut être surprenant dès l’instant où les motivations sont présidées par des raisons de sociabilité.

A ce niveau, le problème politique qu’on ne peut déconnecter de son soubassement éthique reste comment disqualifier la division de l’action et du champ politique, comment soustraire la femme de la logique d'assujettissement et de servilité pour qu’elle devienne véritablement citoyenne, comment faire pour qu’on lui reconnaisse une dignité et qu’elle soit elle-même convaincue de la dignité dont elle est porteuse, de cette dignité qui est la valeur suprême parce que définissant l’humain et qui, de ce fait, est ce vers quoi tendent toutes les actions humaines.

La question de l’impératif alimentaire semble donc incontournable dès lors qu’elle affecte la notion de valeur, c’est-à-dire ce à l’aune de quoi se jauge toute action humaine. Aussi ne pouvons-nous que sous-

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crire à la remarque de Achille Mbembe qui déconnecte le concept de valeur de toute instance morale et éthique pour souscrire à « une tension critique caractéristique des temps d’instabilité et d’excessive volatilité, en tant que cette tension brouille la relation qu’une société avait coutume d’établir entre les biens, leur disponibilité ou leur rareté d’une part, et leur destination d’autre part. »_.

3. Les femmes peuvent-elles être porteuses d’une dynamique éthique au cœur du politique

a - la centralité sociale et culturelle de la femme

L’étude prospective Femmes à l’horizon 2015 avait mise en exergue la centralité qui place la femme au cœur du jeu social, à « la source de la production, de la circulation, de l’échange et de la consommation sociale des valeurs »_. Ces valeurs qu’elles aient pour nom le jom (amour-propre, honneur, respect de soi), la kersa (pudeur), le mandu (honnêteté), la téranga (hospitalité), traduisent, d’une certaine façon, la morale sociale, une forme de civilité qui semble se prémunir essentiellement du conflit et de la dérégulation sociale. La prévalence de l’esprit communautaire, de la solidarité sociale n’a de sens que si elle est soutenue par un mode d’être et de faire individuel exclusivement déterminé par le rapport à autrui magnifiquement symbolisé par la téranga. Toute la socialité véhiculée par les cérémonies comme le mariage, le baptême, le deuil qui sont les lieux de la transaction sociale, reste empreinte de cette primauté accordée au groupe, à l’esprit communautaire par la qualité de la relation à autrui.

Il y a là une dynamique constructive qui place au principe de l’action le respect de l’autre, la reconnaissance à autrui de la dignité qu’on s’accorde. Il est important de souligner cet aspect dans la mesure où il exclut, de fait, toute instrumentalisation de la personne humaine.

Cette centralité sociale et culturelle de la femme corrélative à son rôle dans l’éducation, dans le système de solidarité sociale permet-

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elle de parler d’une pratique politique au féminin? La réponse est positive si on suit Awa Kane dans son travail sur les récits de vie de femmes politiques_. La conclusion qu’elle tire et qu’elle dit aller à l’encontre des idées reçues consiste à affirmer l’existence d’une pratique politique au féminin et qui est essentiellement marquée par le souci du social, de l’entraide et du partage. Le témoignage de Madame Caroline Diop reste sur ce point assez éloquent : en affirmant qu’elle ne s’est point enrichie et qu’elle a tout réinvesti dans le réseau d’entraide et de solidarité qui était autour d’elle, elle souscrit à cette primauté accordée à la qualité de la relation à autrui, à l’harmonie et à la solidarité sociale. Cet investissement sur le plan social est aussi confirmé par les récits de Ndèye Coumba Diakhaté Mbengue et de Arame Diène

Pour autant, l’affirmation de l’existence d’une pratique politique au féminin ne permet pas encore, de façon évidente, de voir en quoi les femmes seraient porteuses d’une dynamique éthique au cœur du politique.

La faiblesse de cette pratique politique au féminin a résidé essentiellement dans son ancrage dans la logique de soutien mercenaire et du jeu politique clientéliste. Elle n’a pas été initiatrice d’une logique de subversion ou de rupture par rapport à la division sexuelle de l’action et du champ politiques ; elle n’a pas été productrice d’un discours où la femme est à la fois objet et sujet.

La fonction de procréation de la femme l’a arrimée presque exclusivement à l’univers domestique, au domaine privé et comme le souligne le Père de Benoist « la responsabilité de la transmission de la vie conférait un si grand pouvoir qu’il faudrait lui fixer des limites »_. Ainsi les justifications d’exclusion du domaine public qui est celui de la parole et du pouvoir ont pu mobiliser la ressource religieuse qui cristallise l’infériorité physique, intellectuelle et morale de la femme, son statut d’être juridiquement mineur. Il en a résulté « l’apprentissage des comportements du genre »_ au sein de la famille, avec un pôle positif ou de référence que constitue l’élément masculin et un pôle négatif ou

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de tutelle, celui de l’élément féminin. Paradoxalement, la femme a été le vecteur essentiel de cet apprentissage des comportements de genre, d’abord en l’intériorisant et ensuite en le pérennisant. La socialisation de la petite fille et du petit garçon se fait sur deux modèles diamétralement opposés : il s’agit pour la première de cultiver l’accoutu-mance à la douleur, à la frustration, à l’obéissance, à l’annihi-lation ou au don de soi et pour le second de cultiver l’endurance à la compétitivité, la valorisation de soi, la puissance et une aptitude certaine à l’autorité. Ainsi, la socialisation ou pour être plus précis la culture, en mettant à nu le rôle de la femme dans l’édu-cation à l’inégalité et ce, dès le cercle familial, conforte les limites d’une certaine pratique politique au féminin, d’autant plus que celle-ci ne s’est pas révélée antinomique du clientélisme politique.

La centralité sociale et culturelle de la femme nourrit dès lors sa propre marginalisation, c’est-à-dire le fait qu’une égale dignité répondant au principe de l’égalité et au souci de l’équité ne lui soit pas reconnue. La question politique et singulièrement la question démocratique ont à affronter sans détour les problèmes culturels comme la religion, le statut de la femme dans la société qui ont des implications politiques en ce sens qu’ils sont les lieux d’élection de l’autoritarisme social ou de la tradition. L’inobservance de l’identité humaine avec comme corollaire le respect des droits de l’homme et de la femme, en tant que cette identité humaine constitue l’horizon éthique du politique montre suffisamment les difficultés de la gestation de la citoyenneté chez la femme.

Les mutations sociologiques induites par la crise économique n’ont pas réellement bouleversé l’imaginaire social. Sans doute est-ce ce qui explique l’aptitude des femmes au compromis social, leur option pour la négociation et les stratégies de contournement plutôt que l’affrontement.

Dans une étude sur les femmes chefs de famille à Dakar, Codou Bop s’interroge : « le gain de pouvoir économique s’est-ill accompagné d’une élévation du statut social des fem-

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mes? En d’autres termes, assiste-t-on à une redistribution en faveur des femmes du pouvoir familial, jusque-là monopolisé par les pères et les maris? »_. La réponse mérite attention en ce qu’elle met en évidence la non prise de conscience par les femmes « que l’effritement des bases matérielles de l’autorité masculine et l’importance croissante de leur poids économique pourraient leur donner la possibilité de changer les règles du jeu ». L’exemple des femmes leaders de groupements économiques à Grand-Yoff qui attribuent leur succès à la soumission à leurs maris, ou encore celui des femmes mareyeurs à Hann-sur-mer qui jouent la comédie en demandant à leurs maris et devant ses pairs l’autorisation ou l’excuse de sortir de bonne heure ou trop tard, sont des indicateurs du comportement ambigu des femmes mais surtout de l’autorita-risme des valeurs sociales. Il y a là un recours à la manipulation, au jeu, qui permet de mesurer l’écart entre les mutations sociologiques et l’imaginaire sénégalais.

Cet aspect n’est pas exclusif de la centralité de la femme et de la dynamique constructive dont elle est porteuse. Le rôle incontestable et incontournable de la femme aujourd’hui dans les stratégies de survie, dans l’équilibre social et familial n’est pas sans rapport avec le fait qu’elles donnent la vie et sentent par conséquent l’obligation morale de la protéger. Aussi, ont-elles plus tendance, non pas à s’occuper d’équilibres macro-économiques mais à s’ancrer dans la quotidienneté, c’est-à-dire le bien-être familial et social et ce, même en manipulant.

Dans quelle mesure alors les femmes pourront-elles se faire les vecteurs d’une éthique politique?

b - L’approche féministe est-elle porteuse d’une nouvelle éthique politique ? La femme est l’avenir de l’homme

Il importe de préciser d’emblée, afin d’éviter toute équivoque, que la question sous-jacente demeure comment repenser la démocratie à partir de la problématique femme?

Dans son document de base

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pour le séminaire international « Cultures en crise : quelles alternatives pour les femmes africaines » Yewwu Yewwi affirmait cette position de principe : « Parce que les femmes, de par leur fonction sociale et biologique sont les piliers de la famille, lieu par excellence de l’éducation, de la transmission des valeurs, et laboratoire des mutations nouvelles sur le plan social et culturel, les femmes donc se doivent de réfléchir sur les crises actuelles et leur impact sur le rôle et le statut des femmes et de proposer des alternatives pour leur libération »_.

En fait, ce qui est en crise c’est ce que Sémou Pathé Gueye appelle le « paradigme de l’exclusion »_ qui adjoint à l’espace politique la logique du conflit et du rapport de forces. Ce paradigme de l’exclusion a d’autant plus atteint ses limites que la crise est globale. Si les femmes ont très rarement été les initiatrices de l’exclusion, elles en ont trop souvent été les victimes : pauvreté, analphabétisme, précarité de l’emploi, accès difficile au crédit, discrimination sur le plan juridique, etc. Les violences domestiques, conjugales à leur endroit et qui font de plus en plus l’objet d’un discours public montrent jusqu’à quel point les femmes peuvent être exclues de la sphère de l’humanité si ne leur est opposée et imposée que la force brute, idiome pré-politique et irrationnel par excellence. Si la division sexuelle de l’action et du champ politiques a tendance à confiner la femme dans l’espace domestique, cette dérive montre que même dans la sphère privée sa qualité d’humain peut être problématique, tant la raison en elle est annihilée, la liberté proscrite, la volonté bâillonnée. En la femme est niée ce qui fait la spécificité de l’humain, c’est-à-dire la liberté. Et pourtant, « seul, d’ailleurs, un sujet libre dispose du pouvoir de s’obliger, de lier sa liberté à une valeur, à une loi d’action »_.

Sans doute, sommes-nous là véritablement au cœur du problème : le paradigme de l’exclusion est proprement incompatible avec une position éthique si cette position éthique présuppose la liberté et l’auto-nomie, si elle englobe la capacité de transcendance c’est-à-dire celle de subordonner son ac-

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tion à une valeur. Quand nous parlons de position éthique nous ne faisons pas référence à la morale sociale en tant que celle-ci est un absolu qui n’inclut pas la délibération, la tension, la transcendance propre à l’éthique. Il s’agit plutôt d’indiquer que la morale sociale est un construit porté par une dynamique socio-historique qu’on ne peut inscrire dans la sphère de l’essence.

La résurgence des conditions de possibilité de l’éthique pourrait-elle alors résider dans un projet féministe? Oui si nous entendons par féminisme « le combat contre l’oppression et l’exploitation du sexe féminin » mais à la condition expresse que cela soit pour le Souverain Bien. Il s’agit en fait d’inventer une nouvelle culture politique, portée par de nouvelles valeurs, de nouveaux idéaux avec des acteurs conscients de leur humanité et donc de leur dignité. Les femmes ne sont pas porteuses de cette dynamique par essence, elles le sont historiquement, conjoncturellement. L’ouverture démocratique intégrale au début de la décennie 80 a sans aucun doute permis l’éclosion d’un discours radical sur les femmes et par les femmes avec les sections féminines des partis de gauche, avec le mouvement féministe Yewwu Yewwi, avec Femmes et Société. C’est un acquis considérable, qui a libéré la parole féminine, mis l’accent sur les discriminations de toutes sortes dont les femmes font l’objet, consolidé au niveau des femmes elles-mêmes la prise de conscience de leur propre situation, de leur propre marginalité. Ces avancées significatives ne doivent cependant pas faire perdre de vue certaines limites ou insuffisances que nous caractérisions déjà en ces termes en parlant de l’impasse politique qu’on peut noter au Sénégal depuis 1988 : « A défaut de penser une nouvelle modernité, ils (les intellectuels et les politiques) se sont laissés enfermer dans le schéma de modernisation hérité de la logique coloniale et qui articule de façon organique le savoir et l’expertise intellectuelle, la prise de parole et l’intervention dans le champ politique. Pouvoir du politique et pouvoir de la pensée, il semble que les deux ont contribué à mettre en place une démocratie...pour les lettrés ! »_.

Le projet féministe doit s’inscrire

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dans la modernité à inventer, il doit en être le moteur sous peine de consolider et d’approfondir la capture de la démocratie sénégalaise qui est le fait de la déconnexion du politique et du social. Les modes de faire aujourd’hui, les comportements politiques qui ont cours et qui sont répréhensibles, l’instru-mentalisation des femmes comme masse de manœuvre électorale, la transhumance politique, le clientélisme politique de façon générale, ne facilitent pas l’émergence de cette modernité mais sont bien les avatars de la modernisation. Le pari consiste à mettre en œuvre une démocratie inclusive.

Au principe de l’alternative à proposer, de la modernité à inventer, il y a nécessairement la réappropriation par les femmes du savoir sur elles-mêmes, et donc sur leur société. Cette réappropriation permettra de remettre en question « le caractère patriarcal des connaissances socio-scientifiques qui, d’une part ignorent et marginalisent la contribution des femmes dans la société et, d’autre part, aident à inférioriser et subordonner les femmes en générant des données sexistes »_. En se donnant les moyens sur le plan académique et intellectuel de montrer que la femme est un produit historique et culturel et non un fait naturel et en articulant cette dimension au travail du mouvement des femmes, les femmes se trouveront dotées d’armes efficaces pour ruiner les éléments de légitimation de leur oppression et s’ériger en individus autonomes. Un tel projet, en renouvelant les grilles d’intelligibilité de la réalité sociale qui ne sont plus légitimées par le paradigme de l’exclusion, en offrant un champ d’actions et de pratiques transversales, s’inscrira nécessairement au cœur de la modernité qui « est le résultat d’une double formalisation juridico-idéologique d’une part, intellectuelle et scientifique de l’autre »_.

C’est dans cette perspective uniquement que nous parlons de projet féministe comme porteur d’une dynamique éthique au cœur du politique en tant que ce qui est en jeu c’est de reconstituer la géographie de notre imaginaire, de redessiner un territoire, un espace

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de liberté où «l’autre moitié du ciel » aura sa place. La particularité d’un tel projet, dont il ne s’agit pas de dire ici le contenu mais simplement d’indiquer la nature, réside essentiellement dans sa capacité à subvertir globalement et à innover radicalement : la réalité sociale, nos schèmes de pensée, notre perception de la Cité, la façon de gérer celle-ci. En d’autres termes, il s’agit, en choisissant la femme comme lieu d’impulsion, de modifier radicalement nos modes d’être et nos façons de faire, de créer de nouvelles formes de communication, de nouvelles aires de solidarité et de coopération entre hommes et femmes, bref un nouvel humanisme, une nouvelle culture. La dimension novatrice et humaniste de cette culture et qui est aussi ce pourquoi nous mettons en exergue ce projet féministe, consistera essentiellement dans la place focale accordée à la question de l’intersubjectivité, au consensus par la discussion et non par la force de la tradition. Cette pratique de la discussion et de l’argumentation peut être considérée comme éminemment éthique si elle se réduit à ce que Michel Foucault appelait « la pratique réfléchie de la liberté »_. La femme comme territoire de l’asservissement et de l'assujettissement devient l’avenir de l’Humain en s’érigeant comme sujet, comme lieu de cette pratique réfléchie de la liberté.

En fait, le projet féministe ne peut avoir de sens c’est-à-dire être porteur d’une dynamique éthique au cœur du politique si la politique, les mœurs qui en découlent ne sont pas fondées en liberté : en clair, il s’agit d’abord d’un projet intellectuel mais dont la finalité est nécessairement pratique, politique.

C’est peut-être en cela qu’on pourra dépasser l’expérience présente qui a du mal à s’extraire du paradigme de l’exclusion. La représentation des femmes reste faible dans les instances dirigeantes des partis surtout dans les partis de gauche. Au bureau politique, elles représentaient respectivement 10,7 % pour le PS, 8,11 % pour le PDS, 6,6 % pour le PIT, 9 % pour la LD/MPT ( les chiffres sont de 1992). La prise de conscience de plus en plus sensible des femmes de leurs problèmes, de la discrimination dont

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elles sont l’objet, le manque d’intérêt pour des sujets jugés si peu nobles par les hommes expliquent la nécessité pour les femmes de se regrouper dans leurs partis respectifs pour prendre en charge de façon spécifique leurs intérêts. Ghettoïsation ou discrimination, il reste qu’avec le paradigme de l’exclusion, la question féminine ne peut être prise en charge que de manière particulière, marginale dans un lieu qu’on peut plus qualifier de féminin que de politique.

La capacité novatrice du projet féministe résidera dans son aptitude à accorder au problème de la femme la même dignité qu’on attribue naturellement au politique et de ne plus en faire une simple bagatelle, une chose dont on parle moins parce qu’on y croit que pour se donner bonne conscience ou pour se rallier des voix. Il importe tout de même d’apporter une précision qui nous paraît fondamentale : les femmes ne seront pas porteuses d’une dynamique éthique au cœur du politique parce qu’elles seront plus nombreuses. C’est une condition nécessaire mais qui est loin d’être suffisante. Il faut que les femmes soient de plus en plus présentes et nombreuses dans les instances de décision, que leur participation à la prise de décision soit le reflet de plus en plus fidèle de la composition sociale afin de contribuer au renforcement de la démocratie. C’est un impératif, du reste incontestable, d’autant plus qu’il est inscrit sur la plate-forme d’action de Beijing. Mais ce qui est autrement plus incontestable c’est qu’il ne s’agit pas réellement de quantité mais de qualité. Plus de femmes ? Oui, mais pour quoi faire? Pour quel projet de société? Si la question de l’éthique se pose de façon aussi cruciale et même de façon aussi planétaire, c’est assurément parce que la pratique politique aujourd’hui ne s’identifie guère à une pratique réfléchie de la liberté, elle ne respecte point le principe d’autonomie qui postule l’indi-vidu, elle œuvre à la déliquescence de la dignité de l’homme et de la femme, elle menace, au sens littéral du terme, la vie. Parce qu’elle trouve son fondement dans le paradigme de l’ex-

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clusion, cette pratique politique loge toute sa pertinence dans le principe de l’inégalité : aux hommes les choses nobles dont la politique, aux femmes à les aider dans cette tâche. C’est cela qu’il convient non pas de corriger simplement mais de changer radicalement. La responsabilité historique de la femme est de subvertir, de changer cet état de fait, d’inscrire au cœur du politique une pratique qui se donne comme principe la liberté de l’homme et de la femme et comme finalité la dignité de l’homme et de la femme. Seule une telle pratique respecte les droits de la personne humaine, en rendant impossible son instrumentalisation et le détournement de la conscience civique, surtout celle des femmes. Cette perspective dénie au pouvoir la fonction qui lui est aujourd’hui assignée : il n’est plus question d’en faire une finalité (ce qui réduit l’homme et la femme à être non pas des citoyens mais des clients et des marchandises politiques) mais simplement un instrument pour se prémunir de la déchéance sociale et morale, pour réaliser l’aspiration à la liberté, à la justice et au fond à l’épanouissement.

En posant ainsi la problématique Femmes, Ethique et Politique il ne s’agissait pas simplement, comme on aurait pu le croire du reste, d’aborder un aspect particulier de la problématique politique ; bien au contraire, et on s’en rend de plus en plus compte, il s’agit de revisiter radicalement et globalement la problématique politique. Nous sommes effectivement au cœur de la question politique mais aussi, faut-il le rappeler, au cœur de la question démocratique. Comment se départir du clientélisme politique qui procède à une instrumentalisation de la personne humaine, compromet la pratique réfléchie de la liberté et génère nécessairement l’exclu-sion ?

Le projet féministe, tel que nous l’entrevoyons, permet d’inscrire la politique non sur le registre de l’avoir mais sur celui de l’être. Sa clause de viabilité résidera alors dans sa capacité à faire participer de façon égale les hommes et les femmes, de prendre en charge de façon égale les préoccupations et les

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droits des hommes et des femmes. Cependant, s’il y a à parier sur la femme pour la génération d’une nouvelle civilité politique, il y a à voir, avec plus de netteté, les stratégies à mettre en œuvre.

4. Stratégie pour une nouvelle civilité politique : le pari féminin

a - l’innovation politique : un impératif éthique

L’innovation politique est une obligation parce que l’humain se définit d’abord par sa capacité de créer, par sa capacité de se mettre à distance de l’ordre naturel des choses, ou de ce qui est tenu pour tel : c’est pour cette raison essentiellement que l’humain est être de culture et de civilisation. Il convient dans cette perspective, de signifier avec force l’impérieuse nécessité de revisiter de manière critique ce qu’on appelle tradition. Parce qu’elle est plutôt « capacité permanente d’initiative historique et créative »_ la tradition comme ouverture « ménage pour un être libre la capacité, par rapport à ce qui est et ce qu’il est, de poser des fins définissant ce qui doit être et ce qu’il doit être »_.

L’appréhension critique de la tradition permet de dire que celle-ci n’est pas clôture mais ouverture, ce qui la soustrait à toute sacralisation et à toute ritualisation ; bien au contraire, elle fonde en raison la reprise de l’initiative historique. Si l’inno-vation permet de résister aux formes déshumanisantes de l’oppression et de l’exploitation, elle peut, de ce fait, contribuer substantiellement à articuler de manière cohérente mais surtout efficace les dynamiques internes de la société afin de leur imposer l’impératif du droit et les exigences de la démocratie.

Il s’agit, en un mot, pour la femme de reprendre l’initiative historique, « de construire mentalement et pratiquement les réalités d’ici-bas et de l’au-delà et, ce faisant de se constituer en opérateur historique »_. En effet, parce que l’universel sénégalais s’est décliné au masculin, le « totalitarisme sexiste » a signifié pour la femme l’inca-pacité de penser et de consolider un territoire imaginé qui l’érige en sujet de droit. Il y a sans doute un travail de réappropriation et de

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réinterprétation qu’il convient de mener, des stratégies d’inno-vation à élaborer dès lors que la prétention à ramener l’imaginaire politique sénégalais à un imaginaire masculin ne peut, en aucun cas, être conforme aux exigences de la démocratie mais surtout à l’éthique corrélative à celle-ci. C’est à ce titre seulement que les femmes peuvent se faire porteuses d’une rupture dans la praxis politique, qu’elles peuvent impulser l’émergence d’une nouvelle éthique dans la sphère du politique.

b - Transformer une conscience en force : quel rôle pour le COSEF?

Les femmes représentent au Sénégal plus de la moitié de la population et près de 70 % de l’électorat, paradoxalement, elles ne constituent guère 5 % d’élues dans les instances de définition et d’exécution des politiques. Ces chiffres, en ce qu’ils ont d’ahurissant, ont fondé, dans la foulée de Beijing, l’argumentaire du séminaire-atelier de mai 1996 sur « Femmes et processus de prise de décisions », et surtout la démarche du COSEF envers les partis politiques. Là n’est sans doute pas le plus important du point de vue de l’appréhension et de l’intelligibilité du politique, si nous entendons par là la potentialité et la possibilité d’inno-vation qui peuvent affecter la qualité, la substance du politique, voire les modalités et procédures de la politique.

La chose la plus innovante ou la plus révolutionnaire lors des élections de novembre 1996 ne réside ni dans les carences graves notées au niveau de l’organisation matérielle des élections, ni dans la contestation des résultats du scrutin qui, une fois de

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plus, ne rompt pas avec la tradition du jeu politique et du rituel électoral au Sénégal. Ce qui est innovant parce que s’inscrivant dans une logique de rupture ou pouvant amorcer cette logique, est passé presque inaperçu : il s’agit de l’encart publicitaire mentionnant l’esprit COSEF et qu’on pouvait trouver dans la presse lors de la dernière campagne électorale. Qu’est-ce qui peut fonder la capacité d’innovation que nous attribuons à l’esprit COSEF?

Les mutations à entreprendre pour inscrire la politique dans une perspective éthique sont nombreuses et fondamentales. La transformation de nos lieux de vie et de penser, en ce qu’elle est corrélative à la méthode éthique qu’est la démocratie, doit être tributaire non de l’exigence d’efficience (pour la conquête du pouvoir) mais plutôt de l’exigence de solidarité pour une amélioration de la vie, pour un mieux-être fondé sur le respect de la dignité et de l’égalité.

Si la femme est l’avenir de l’homme comme le chantait Aragon, alors il faut à cette chanson devenir obsession afin de pouvoir se traduire en acte. Il n’est certes pas besoin d’argumentation pour démontrer et convaincre de l’utilité du COSEF. En la matière, sa simple existence suffit. Cependant, l’efficacité et l’efficience d’un instrument dépendent de l’utilisation qu’on en fait.

Nous pensons avoir démontré, en nous inscrivant dans une dynamique prospective et constructive, le rôle des femmes dans l’émergence d’une démocratie qui ne soit pas exclusive mais inclusive, la consolidation d’une société qui fasse de l’identité humaine l’horizon éthique du politique, bref l’érection d’une culture humaniste qui fasse de chaque homme et de chaque femme un sujet moral dont la dignité constitue un lieu indépassable. En d’autres termes et pour que la démocratie ne souffre d’aucun déficit,

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il faut que la relation politique aujourd’hui cesse de mettre en jeu des clients et des marchandises pour ne s’intéresser qu’à des citoyens, nous entendons par là des hommes mais surtout des femmes dotés de capacité citoyenne. Tous ces éléments s’inscrivent dans ce qui a donné naissance au COSEF, à savoir le fait de repenser la démocratie à partir de la problématique femme mais surtout le fait de repenser le mode d’être et de faire du politique en lui insufflant une dynamique éthique pour que la dignité humaine soit vraiment la seule finalité acceptable. Le COSEF en a conscience car c’est pour cela qu’il est. Mais il faut aller au-delà de la simple conscience ; il faut transformer cette conscience en force et en pratique quotidienne : il s’agit réellement d’un impératif catégorique. Faire de telle sorte que le COSEF soit un élément incontournable du fait de sa présence réelle dans le champ social : voilà le véritable défi.

Le premier axe stratégique en la matière serait la consolidation du COSEF auprès de certains groupes cibles en tant qu’ils structurent ou ont la capacité de structurer l’action politique. Nous pensons aux femmes ministres, aux femmes parlementaires, aux femmes politiques et aux femmes intellectuelles.

Ce but ne peut être atteint que si par exemple, les militantes des partis politiques s’appro-prient cet instrument, si elles y voient un élément d’identifica-tion et d’appartenance pouvant contribuer au renforcement de leur position à l’intérieur même de ces partis, une arme leur permettant de peser sur les décisions. Le mouvement des femmes dans les partis politiques constitue certes un plus, mais il ne remet pas fondamentalement en question le paradigme colonial et la logique

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d’exclusion qui l’informe. Renforcer ce mouvement transpartisan pour œuvrer pour la cause de la femme et donc de la société, n’est-ce pas là une formidable manière de se doter d’un pouvoir de subversion qu’auto-risent déjà le poids démographique des femmes. IL est vrai que la représentation des femmes dans les instances dirigeantes des partis se passe de commentaire ; leur nombre dérisoire au regard de la présence féminine massive dans ces partis et du rôle déterminant que joue leur suffrage, doivent amener les militantes politiques à imaginer qu’elles peuvent avoir une potentialité-hypothèque d’au moins 52 %. Le COSEF sera ce qu’on en fera. Si la démocratie n’est pas une affaire de partis, il est également évident qu’elle ne peut se faire sans les partis ou contre les partis. Pour cette raison, l’action envers les femmes dans les partis politiques constitue une des voies d’accès les plus efficaces vers les partis en tant qu’organisations.

Les femmes parlementaires constituent un autre groupe cible parce qu’elles sont au cœur de l’acte de législation. Mais pour quoi faire? Pour traduire la force de représentativité de leur parti? Pour consolider juridiquement la position de la femme dans la société? Est-ce que les deux objectifs se recouvrent l’un l’autre? N’y a-t-il pas, jusqu’au sein de la représentation nationale, la présence et la pérennisation de ce paradigme de l’exclusion qui ne peut être porteur d’éthique? Il y a à travailler avec ce groupe cible parce qu’on ne peut parler d’éthique s’il n’y a pas le souci de l’égalité et de l’équité et ces femmes sont censées participer à l’élaboration des lois qui permettent ou empêchent cela.

On peut en dire autant des femmes dans les syndicats ou dans les ONG, secteurs où sont sensés être défendus les droits de la femme d’une part et se modeler l’image de la femme d’autre part.

Encore une fois, il s’agit moins de faire un listing des co-acteurs du COSEF que d’imaginer comment constituer un puissant lobby, avec quels leviers agir, pour peser sur les décisions prises à

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l’endroit des femmes et qui peuvent hypothéquer leur liberté, leur autonomie, leur responsabilité.

L’autre axe stratégique c’est le renforcement du pouvoir de négociation des femmes à l’intérieur des structures de pouvoir, ce qui suppose réellement qu’elles aient conscience de l’importance de leur rôle qui est trop souvent détourné à d’autres fins.

L’efficacité de ce travail réside dans sa capacité à peser sur deux secteurs essentiels : l’éducation et la communication, autrement dit les secteurs où se forme et se fabrique l’image de la femme.

L’éducation, surtout l’éduca-tion de la petite fille, doit constituer une priorité absolue pour le COSEF. Il convient de mener des actions concrètes pour que de plus en plus de filles aillent à l’école mais surtout y restent. Il ne peut être question de renforcer la capacité des femmes si elles sont exclues du savoir. La donne avec laquelle il faut compter désormais c’est que le monde va de moins en moins compter sur les matières premières et de plus en plus sur la matière grise et les effets induits c’est-à-dire l’information et la haute technologie. Mais changer le rapport au savoir signifie aussi changer les images véhiculés par ce savoir, les images pas toujours valorisantes de la femme produites par ce savoir. Il importe d’être vigilant et patient , d’inscrire l’action dans la durée car elle porte directement sur notre imaginaire. On voit bien qu’on ne peut se limiter à une conception étroite de l’éduca-tion: sont impliquées en effet l’éducation au sein de la famille, ce qui présuppose beaucoup de changements, mais aussi l’éduca-tion à la citoyenneté et à la démocratie. Aussi, cette éducation ne doit-elle négliger aucun lieu féminin : les mbootay, les tontines, les dahiras, etc.

La communication demeure une autre composante sensible de la démocratie et donc un enjeu considérable dans la mesure où elle contribue à la production et au modelage de l’opinion publique et donc de l’imaginaire.

Il y a, pour le COSEF, une ur-

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gence à avoir un plan d’action avec des objectifs précis sur le plan juridique, politique, social pour pouvoir amener la femme sénégalaise à la citoyenneté. Qu’est ce qui dans le code de la famille s’oppose à la qualité de citoyenne de la femme? Qu’est-ce qui globalement et d’un point de vue juridique est incompatible avec l’égalité de l’homme et de la femme, ou alors maintient la femme sous tutelle? Ces éléments doivent être identifiés par le COSEF pour constituer des pistes de réflexion et des points d’action. Le plan d’action qui gagnerait beaucoup à trouver un ancrage dans l’étude prospective Sénégal 2015 mais surtout dans Femmes à l’horizon 2015 et le plan d’action du Ministère de la femme, de l’enfant et de la famille, pourrait être renforcé par la création d’un observatoire pour suivre la question de l’éducation des filles, l’évolution des droits de la femme, le traitement des questions relatives à la femmes dans les media, l’évolution politique de la femme à savoir l’inscription sur les listes électorales, l’importance de la candidature des femmes, le nombre d’élues etc. Cet observatoire permettra de surveiller les acquis juridiques par rapport à la pratique quotidienne et donc pourra avec beaucoup plus d’efficace guider l’action.

Il est évident que ces quelques points que nous venons de soulever ne nous mènent pas sur le terrain de l’éthique mais sur celui du politique. Notre hypothèse consiste à dire que la femme ne peut être porteuse d’une dynamique éthique si sa capacité citoyenne n’est pas renforcée, consolidée. C’est dans cette perspective seulement qu’elle peut initier une nouvelle civilité politique marquée du sceau de la tolérance.

c - Capacité citoyenne et tolérance : pour une nouvelle civilité politique

Il en est de la citoyenneté comme de la démocratie et de l’Etat de droit : ces trois concepts ont ceci en commun qu’ils peuvent renvoyer à une existence formelle sans pour autant en référer à une existence effective et ceci du fait de l’écart entre les acquis juridiques et leur appropriation effective

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par les bénéficiaires.

En effet, nous pouvons voir affirmer par le texte fondamental la soumission de l’Etat à la loi, l’organisation par l’Etat d’un cadre juridique pour sa société, la protection des droits de l’homme. Toujours d’un point de vue formel, peut être affirmée l’option démocratique avec la tenue d’élections libres, l’exis-tence du multipartisme, la liberté d’expression etc. De même, le texte fondamental peut fixer la qualité de citoyen, ce qui fait qu’un individu est membre d’un Etat et ce, du point de vue de ses devoirs et de ses droits.

Tout ce que nous venons d’énoncer renvoie à la sphère matérielle, à la matérialité des institutions qui comporte un code et des procédures en principe rationnels. Nous savons aussi que l’individu, homme ou femme, qui est au cœur du dispositif, procède par identification, par appropriation et réappropriation, par rejet, par indocilité si ce n’est par ignorance. Il se détermine par quelque chose de symbolique, quelque chose qui est nourri par l’histoire et la culture de sa société et qui déborde la rationalité. L’individu peut se sentir appartenir à son lignage, à son ethnie, à son terroir, à son quartier et pas nécessairement à son Etat, ce qui laisse supposer qu’un décalage peut exister entre la sphère matérielle et la sphère symbolique.

La politique, quant à elle, recouvre ces deux sphères : matérielle et symbolique. Autrement dit l’habillage institutionnel est une condition nécessaire pour rendre compte de la citoyenneté ou encore de la démocratie et de l’Etat de droit. Cependant, il faut qu’il y ait nécessairement une prise en compte du symbolique pour qu’on puisse passer du niveau formel au niveau effectif, et c’est là où on voit se dégager une prééminence de la citoyenneté sur la démocratie et l’Etat de droit : ils ne peuvent en effet se prévaloir de la qualité qui est la leur sans la citoyenneté. La prééminence évoquée est celle que traduit la capacité citoyenne. L’individu peut être citoyen formellement et être totalement dépourvu de capacité citoyenne. La reconnaissance par l’Etat de la qualité de citoyen n'entraîne pas ipso

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facto la mise en œuvre par l’individu de sa capacité citoyenne : il fera preuve de sa capacité citoyenne le jour où il sortira de l’âge de la minorité comme le dit Kant.

La capacité citoyenne suppose des principes :

  • la responsabilité qui fait que l’individu se sent co-responsable de l’espace institutionnalisé de vivre ensemble;
  • l’autonomie qui, parce qu’elle conditionne la responsabilité, n’est pas comprise sous l’angle de la stricte indépendance des individus mais sous le mode de l’intersubjec-tivité; l’autonomie doit être comprise comme la soumission exclusive de l’individu aux valeurs républicaines.

C’est l’absence de ces principes qui rend la capacité citoyenne problématique. Des valeurs d’ordre social, culturel ou religieux peuvent se révéler en contradiction avec les valeurs républicaines. Les premières contribuent à ancrer la femme dans l’espace et l’économie domestique alors que les secondes tendent à en faire une actrice de plein droit de la sphère publique ; par exemple le fait que la femme soit mère, épouse, sœur, et donc toujours sous tutelle selon la morale sociale ne compromet-il pas sa capacité citoyenne?

Nous touchons là un point névralgique parce qu’étant à la jonction de la sphère matérielle et de la sphère symbolique. Toutefois, il reste que les individus, hommes et femmes, ne peuvent se penser ensemble s’ils n’ont pas la capacité de transcender les différences, d’aller au-delà des cultures et des traditions, de s’élever à l’identité humaine. La tolérance, en tant que capacité d’écoute critique et d’accepta-tion, ne sera possible que si la citoyenneté est comprise non en termes d’appartenance, c’est-à-dire d’héritage, mais en termes de reconnaissance de valeurs juridiques c’est-à-dire de projet. C’est dans cette perspective que nous inscrivons la nouvelle civilité politique à construire.

Cette nouvelle civilité politique doit avant tout raffermir le fait répu-

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blicain, c’est-à-dire donner une consistance accrue aux principes qui fondent ce dernier, à savoir la liberté des membres de la société, la soumission de tous à une législation unique, l’égalité de tous les citoyens.

Pour être opératoire, cette nouvelle civilité politique doit être adossée à une citoyenneté active. Faire usage de sa capacité citoyenne c’est mettre un terme aux manœuvres de détournement de la conscience civique, c’est exiger des comptes et donc sanctionner. Si comme le disait Aristote, « la république désigne l’objet de la vie politique légitime, le bien commun, l’intérêt général », alors chaque citoyen est comptable de cette république : il n’a ni le droit de faire n’importe quoi, ni surtout le droit de laisser faire. Le droit d’exiger des comptes qui en découle contribue à la transparence par l’évaluation des moyens par rapport aux fins et celle de l’action politique par rapport aux promesses. Il ne peut en être autrement s’il faut aller dans le sens de la démocratisation de la société, dans le sens de la radicalisation démocratique.

Ne pas perdre de vue la responsabilité civile en se souciant de comment permettre aux populations de s’autogouverner, s’intéresser aux modes populaires d’action politique, c’est avant tout œuvrer pour une opinion publique forte, pour une société civile active. Toutefois, il ne s’agit pas d’être dupe de la nébuleuse romantique qui entoure la société civile au Sénégal. Cette société civile n’est pas toujours le domaine de la liberté; paradoxalement, elle peut s’avérer être un haut lieu de la manipulation, l’endroit où s’élaborent des stratégies de position de pouvoir que Machiavel n’aurait aucun mal à reconnaître tant la ruse qui permet de se rendre invisible comme menace fait office de ressource essentielle d’une action qui s’autoproclame non politique. Les exemples sont nombreux et il n’y a pas lieu d’insister outre mesure.

Ce sur quoi il importe d’insister cependant, toujours dans la perspective de la radicalisation démocratique et de la nouvelle civilité politique, c’est le bénéfice que les femmes peuvent tirer de la régionalisation. Un des objectifs de la régionalisation consiste en la responsabilisation pour la gestion

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des services publiques d’instances élues, proches des citoyens mais aussi soumises à leur sanction politique régulière. La proximité doit être un atout et une opportunité pour les femmes pour s’intégrer effectivement au processus politique et de développement, et devenir de véritables actrices de la gouvernance locale. Leur efficacité au niveau des groupements féminins, tant au niveau organisationnel que de gestion, constitue un capital à fructifier et qui peut les aider dans le sens de l’auto-estime, de la confiance en soi, de la capacité à travailler avec d’autres pour l’intérêt général et surtout dans la transparence ; ce capital n’est pas à négliger si on sait, par ailleurs, que les femmes n’ont pas toujours le monopole du manque d’expertise au niveau local.

Il semble bien qu’il y ait par là moyen d’arriver à une pratique réfléchie de la liberté.

La question de l’éthique et de la politique se pose parce que la démocratie elle-même a perdu son sens, le citoyen ses repères et les mots leur signification. Que veulent dire aujourd’hui au Sénégal parti au pouvoir et parti d’opposition? Quel est le sens, voire la consistance des projets politiques? Qu’est-ce qui fait l’identité des partis politiques? Qu’est-ce qui différencie les acteurs politiques entre eux? Il y a aujourd’hui une opinion qui se dégage, comme l’attestent les résultats de l’enquête menée par l’étude, qui incrimine la quasi-totalité de la classe politique.

La transhumance politique génératrice d’une opposition à géométrie variable, les renouvellements politiques qui se font dans un climat de tension et de violence, l’accueil empressé et ostentatoire des démissionnaires d’un parti par leurs nouveaux camarades, le manque de démocratie interne aux partis, l’implication de certains acteurs politiques dans certaines affaires ne contribuent pas à asseoir dans la mentalité populaire une image crédible et positive de la politique ; ils n’aident pas non plus à l’inculturation de la démocratie dans nos terroirs et dans nos imaginaires.

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Les effets d’une telle situation sont là: qu’ils aient pour nom départicipation ou désocialisation, ils mettent en évidence la déconnexion du politique et du social et font planer un danger sur la res publica tant celle-ci est en état de déliquescence. La politique semble ainsi avoir perdu son âme mais l’obligation d’espérer nous est imposée par la mondialité comme culture. Il s’agit de choisir entre la vie et la civilisation d’une part, la destruction, la guerre, la pauvreté et la mort d’autre part. L’alternative, dans sa simplicité et sa gravité extrêmes, nous somme d'œuvrer pour une nouvelle civilité politique, pour une pratique réfléchie de la liberté.

Il est peut-être vrai comme le disait Rousseau, en parlant de la démocratie, « qu’un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes »; par cette affirmation, le philosophe pariait sur l’Humain, sur la raison humaine. Les femmes, en tant qu’elles participent à cette humanité peuvent contribuer à l’émergence d’une nouvelle éthique politique.

NOTES

1Aristote, Ethique à Nicomaque, Paris, Vrin, 1979.

2Jean Brun, Ethique et Politique, p.21.

3Nous donnons à cette expression le sens de l’homme comme fabricateur de l’humain.

4Alain Bihr, Crise de sens et tentation autoritaire, Le monde diplomatique, mai 1992, p. 16

5Babacar Sine, Démocraties Africaines, n° 7, juillet - août - septembre 1996.

6Achille Mbembe, « Des rapports entre la disette, la pénurie et la démocratie en Afrique subsaharienne », Etat, Démocratie, sociétés et culture en Afrique, Editions Démocraties Africaines, 1996, p. 45.

7L’Etat en Afrique : indigénisations et modernités, Cahier du GEMDEV, Cahier n° 24, Paris, Juin 1996, p. 172.

8Femmes sénégalaises à l’horizon 2015, Ministère de la femme, de

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l’enfant et de la famille, Dakar, Juillet 1993, p. 147.

9Kä Mana, L’Afrique va-t-elle mourir?, Paris, éd. du Cerf, 1991, p. 163.

10Rokhaya Fall, Femmes et pouvoir dans les sociétés nord sénégambiennes, Communication présentée à l’atelier sur Héritages historiques et Processus de démocratisation en Afrique : Commentaires d’Historiens, Bamako 26 - 29 avril 1994.

11Boubacar Barry, Le royaume du Waalo, Paris, Karthala, 1985, p. 80.

12Mamadou Diouf, Le Kajoor au XIX° siècle- Pouvoir ceddo et conquête coloniale, Paris, Karthala, 1990, p.61.

13Abdoulaye Bara Diop, La société wolof, Paris, Karthala, 1981 , p.131.

14Katy Cissé Wone, Femmes et pouvoir politique, Cosef-Info, p. 25.

15Rokhaya Fall, ibid.

16Aïssatou Sow Dia, L’évolution des femmes dans la vie politique sénégalaise de 1945 à nos jours, Mémoire de maîtrise, FLSH, Département d’histoire, UCAD, 1994 - 1995.

17Katy Cissé Wone, ibid., p. 26.

18Abdoulaye Ly, Les regroupements politiques au Sénégal (1956 - 1970), Dakar, Codesria, 1992, p. 337. Voir aussi Aminata Diaw, Démocratisation et logiques identitaires en acte : l’invention de la Politique en Afrique, Série de Monographies 2/94, Codesria.

19Femmes sénégalaises à l’horizon 2015, p. 13.

20Sénégal - Trajectoires d’un Etat (sous la direction de Momar Coumba Diop), Dakar, Codesria, 1992, p. 253.

21Katy Cissé Wone, ibid., p. 26.

22Achille Mbembe, Afriques indociles, Paris, Karthala, 1988, p. 157.

23Ousseynou Faye, L’habillement et ses accessoires dans les milieux africains de Dakar (1857 - 1960) in Revue sénégalaise d’histoire, n° 1, 1995, pp. 84 - 85.

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24Raymond Polin, La compréhension des valeurs,Paris,PUF,1945, p. 8.

25Clément Rosset, L’anti-nature, Paris, PUF, 1986, p. 184.

26Achille Mbembe, Une économie de la prédation, Foi et Développement, n° 241 mars-avril, 1996, p. 2.

27Femmes africaines et Démocratie, Dakar, éditions Unesco, 1995, p. 47

28Awa Kane, Femmes et Politique : des Récits de vie et/ou de Pratiques de quelques militantes sénégalaises, Mémoire de maîtrise, FLSH, Département d’Histoire, UCAD

29Femmes africaines et Démocratie, p.76

30ibid., p. 77.

31Codou Bop, Les femmes chefs de famille à Dakar, Afrique et Développement, vol. XX, n° 4, 1995, p. 62.

32Yewwu Yewwi, Cultures en crise: quelles alternatives pour les femmes africaines?, Dakar 17 - 20 avril 1989. C’est nous qui soulignons.

33Sémou Pathé Gueye, Plaidoyer pour la tolérance politique, Démocraties Africaines, n° 9, janvier - février - mars 1997.

34Raymond Polin, Ethique et politique, Paris, Sirey, 1968, p. 43.

35Sénégal - Trajectoires d’un Etat, p. 324

36Liberté académique en Afrique, sous la direction de Mamadou Diouf et de Mahmood Mamdani, Dakar, Codesria, 1994, pp. 94 - 95

37Jean Copans, La longue marche de la modernité africaine,Paris, Karthala, 1990, p. 227

38Cité par Luc Ferry et Alain Renaut, La pensée 68, Paris, Gallimard, 1988, p. 179.

39Kä Mana, op. cit., p. 21

40Luc Ferry et Alain Renaut, op. cit., p.315

41Achille Mbembe, Afriques indociles, p. 28


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