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Eddy Laurijssen, Secrétaire général-adjoint de la CISL


Restructuration économique et politique de privatisation - Point de vue de la CISL


Des politiques de restructurations économiques unilatéralement imposées par les gouvernements en place ont tendance à susciter une opposition de la part des populations et c’est ainsi que ces politiques échouent généralement à mettre en place un développement économique et social durable et socialement acceptable.

Même si les syndicats ont souvent admis la nécessité d’une réforme à large échelle, les investisseurs privés nationaux et internationaux ont généralement montré une attitude hostile à l’égard de l’organisation syndicale libre. Les syndicats ont trop souvent été exclus de toute influence sur le rythme et l’ampleur du changement et sur la mise en œuvre de programmes sociaux qui sont souvent inadéquats pour venir en aide aux plus touchés par ces restructurations économiques.

Cette situation a crée de nombreux conflits avec les gouvernements, en particulier à propos des effets de budgets d’austérité, de l’érosion des services sociaux, de plans de privatisation mal conçus et de l’incapacité d’établir des relations saines de partenariat social et de dialogue.

Pour ceux et celles qui ont un emploi, l’insécurité s’est accentuée et a pris d’ampleur.

Avec les politiques de privatisation, il est courant pour des milliers de travailleurs - même les plus qualifiés - de risquer d’être licencié sans guère de perspectives de trouver un nouvel emploi.

Les licenciements massifs touchent principalement les importantes entreprises manufacturières et d’autres sociétés où les syndicats ont

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négocié des salaires et des conditions plus favorables tandis que la plupart des nouveaux emplois se situent dans les entreprises relativement petites du secteur des services où les syndicats éprouvent davantage de difficultés à organiser la main-d’œuvre et où les salaires et les conditions de travail sont particulièrement inadéquats.

Le temps où un emploi dans le secteur public était synonyme de sécurité est depuis longtemps révolu. Aujourd’hui, les gouvernements et les autorités locales dans le monde industrialisé et autres privatisent ou sous-traitent les services publics et appliquent aussi des disciplines salariales rigoureuses aux travailleurs et travailleuses.

Dans l’ajustement structurel, l’accent placé sur la privatisation et le développement du secteur privé à l’exclusion de toute solution de substitution, constitue une question gravement préoccupante.

Alors même que la propriété privée peut constituer un mécanisme adéquat pour effectuer des réformes de gestion et obtenir l’élimination des déficits du secteur public, elle n’est pas toujours réalisable. Les institutions financières nationales et internationales devraient se concentrer sur la mise au point d’un éventail plus étendu d’options de commercialisation des secteurs en question, en particulier des domaines tels que les transports et les services publics qui se trouvent au cœur de la décision politique. Dans beaucoup de cas, une formule mixte du privé et du public à fait preuve d’être la meilleure solution.

Lorsqu’une privatisation partielle ou totale de biens publics est effectuée, il convient donc d’exécuter les programmes après avoir consulté les syndicats représentant les travailleurs concernés, dans le but de veiller à ce que l’emploi et les conditions de travail, y compris les avantages sociaux qui existaient auparavant, soient sauvegardés dans leurs aspects essentiels. Nous devons surtout faire comprendre que les syndicats font partie de la solution. Contrairement aux critiques prétendant que les syndicats seraient opposés à tout changement et à toute transformation, de nombreuses centrales syndicales ont présenté

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des propositions constructives de stratégies alternatives de réformes structurelles et de privatisation.

Parmi ces stratégies, on relève des politiques actives de marché de travail mettant en place des plans de création de postes, de formation et de redéploiement des travailleurs licenciés.

L’effet de la déréglementation des prix sans prendre de précautions a souvent été de permettre aux producteurs de facturer des prix gonflés pour leurs produits, avec des conséquences négatives aussi bien pour les travailleurs que pour les efforts de réduction de l’inflation.

Nous croyons que la croissance économique dépend d’un secteur public vigoureux travaillant main dans la main avec le secteur privé. Dans tous les pays, il est nécessaire de reconnaître le rôle du pouvoir dans la mise en place d’une infrastructure venant en appui au marché, en particulier dans les cas où il n’est pas vraisemblable que les entreprises privées seules, soient en mesure de travailler avec efficacité. Les exemples d’une telle structure essentielle comprennent la sécurité sociale, les institutions du marché du travail chargées de la formation et du placement des employés, la possibilité d’offrir une égalité d’accès à l’éducation et aux soins sanitaires, la protection de l’environnement, un système adéquat de transport, la production et la distribution de l’énergie.

A ce propos, il faut dire que les politiques de privatisation manquent souvent d’évaluation correcte du rôle respectif des secteurs publics et privés. L’expérience de l’histoire démontre aussi que les économies les plus réussies sont celles où le secteur public doit tenir compte de ses fonctions propres. Beaucoup de services rendus par le secteur public tiennent des rôles pour lesquels le secteur privé n’a aucune motivation, tels l’assistance aux groupes pauvres et aux régions reculées ou encore les investissements dont la rentabilité à très long terme dans les domaines comme le transport, l’éducation et la santé.

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Une des causes principales de non-réussite de projets de privatisation et surtout aussi de conséquences néfastes sur le plan social est le rythme d’exécution. Donc les gouvernements ne devraient pas se précipiter dans des programmes de privatisation qui n’ont pas été convenablement préparés. On devrait avoir un mécanisme transparent permettant au public d’étudier les meilleurs usages possibles des infrastructures publiques. Avant de se lancer dans la privatisation, les gouvernements devraient d’abord passer en revue les options permettant d’atteindre leurs objectifs d’efficacité et de productivité accrue en gardant les entreprises dans le secteur public. En tout cas, il est un fait que le secteur privé n’a pas le monopole de l’efficacité. Dans cet exercice, il faut, une fois de plus, une participation active de la part de toutes les forces productives, c’est-à-dire des patrons et des travailleurs par la voie de leurs syndicats.

Il faut donc mettre fin à la tendance irrationnelle et précipitée de privatisation et de compression de personnel dans le secteur public. Il faut au contraire d’abord examiner avec soins tous les problèmes rencontrés par la fonction publique et par les sociétés d’état, en demandant la participation des syndicats concernés qui seront à même de signaler par leur expérience les carences dont leurs membres sont tous bien au courant.

En cas de privatisation, il faut prévoir le recyclage et des mesures sociales adéquates, dans le cadre d’un filet de sécurité social global afin de protéger les travailleurs qui risquent de souffrir sans que ce soit leur faute, surtout si des licenciements s’avèrent inévitables. Lorsqu’une privatisation se produit, il convient de prendre sérieusement en considération des dispositions autorisant une prise en main par les travailleurs ou leur participation au capital social. Il faut utiliser les produits retirés de la privatisation à la poursuite de buts productifs ou sociaux.

Pour que l’ajustement et les politiques de restructuration économiques réussissent, il faut avoir un partage équitable de ses frais, aussi bien

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que de ses bénéfices. Le mouvement syndical est prêt en cas de besoin à demander à ses membres de consentir des sacrifices pour permettre d’atteindre le redressement de leur entreprise ou de leur secteur, à condition que ces sacrifices soient partagés de façon équitable et qu’ils s’accompagnent de réformes visant à éliminer la corruption, à décourager les activités de spéculation et à impliquer les syndicats à la prise de décision sur les questions qui concernent le sort des travailleurs.

Pour pouvoir arriver à un accord consensuel sur ces réformes économiques, un environnement démocratique est essentiel car c’est dans un tel climat de dialogue et de sérénité que des décisions peuvent être ouvertement débattues et que les partenaires sociaux peuvent participer pleinement aux débats par le biais d’accords tripartites. A part cela, les gouvernements doivent aussi faciliter l’élaboration et la mise en œuvre des accords contractuels librement établis entre les partenaires sociaux.

Pour conclure, j’aimerais ajouter quelques considérations sur le thème des privatisations sous l’angle spécifique de cette conférence sur le partenariat Euro-méditérranée. Dans ce contexte particulier, j’aimerais souligner tout d’abord la responsabilité sur le plan du développement social des gouvernements et des investisseurs européens par rapport à leurs partenaires du sud de la région Méditerranée.

Nous devons insister en premier lieu pour que l’Europe, quand elle participe à des projets de restructuration ou d’investissement dans ses pays partenaires, respecte - et fait respecter - les mêmes normes et les mêmes valeurs qui sont d’application chez elle. Ceci pour dire que les politiques et les projets à réaliser doivent être développés dans un cadre démocratique et doivent contribuer à l’épanouissement de sociétés démocratiques. Ensuite, il faut s’assurer que le social ne soit pas sacrifié à l’économique. Ceci veut dire que les plans de développement économique, industriel et commercial doivent être liés sans ambiguïté, aux objectifs de la création d’emplois, de la réduction de la pauvreté

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et de la promotion de la justice. Ceci signifie également une responsabilité conjointe des autorités et des investisseurs des pays respectifs pour la sauvegarde des services essentiels pour les populations tels que santé, éducation, transports en commun, énergie et autres infrastructures sociales sous une gestion rationnelle et transparente des autorités publiques. Comme nous l’avons dit auparavant, une participation active et constructive de la part des syndicats nationaux indépendants dans la réalisation de ces objectifs, s’est avérée indispensable et très fructueuse dans les pays d’Europe et doit également être adoptée comme une revendication incontournable dans le contexte du partenariat Euro-méditérranée. Nous devons saisir des occasions comme celle-ci afin d’articuler des revendications et d’examiner dans quelle mesure l’Europe progresse dans la promotion du partenariat dans ce sens.


© Friedrich Ebert Stiftung | technical support | net edition fes-library | März 2000

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