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3. Entraves au développement économique [page-number of print-ed.:13] 3. Entraves au développement économique Le point suivant examine les contraintes économiques fondamentales auxquelles est confrontée la région des îles du Pacifique. La plupart de ces entraves ont été recensées dans les rapports dexpertise fournis à foison par les institutions financières multilatérales et les donateurs daides bilatérales. Ces rapports sont en quelque sorte des produits homogènes offrant un ensemble plutôt uniforme de conclusions et de recommandations. Bon nombre dentre elles sont pertinentes, mais dautres et cest regrettable sont erronées, se risquant à des prescriptions de politiques inadéquates dans une région où les recommandations traditionnelles dajustement structurel ne peuvent quasiment pas être suivies en raison du faible niveau de développement économique et de la multiplicité des contraintes de développement. 3.1 Envergure du marché et des opérations La taille restreinte du marché intérieur et le faible apport de travail et de capital limitent les économies déchelle et influencent donc défavorablement la compétitivité des producteurs des îles du Pacifique. En règle générale, lon ne peut pas envisager de produit exigeant une production de grands volumes au sein de cette région, de telle sorte que les États insulaires doivent se concentrer de plus en plus sur des produits destinés à des créneaux spécialisés. Pour résoudre le problème de la taille réduite du marché intérieur, les pays insulaires du Pacifique pourraient faire partie dun bloc économique plus important
[L’accord SPEC (Bureau du Pacifique Sud pour la coopération économique) de 1975 qui a instauré le précurseur du Secrétariat du Forum visait spécifiquement à ce que les préoccupations des Etats insulaires du Forum s’orientent vers une coopération régionale plus étroite. Le mouvement le plus significatif dans ce sens a été l’accord commercial de non-réciprocité SPARTECA (Accord de coopération commerciale et économique pour la région du Pacifique Sud). En 1992, le Melanesian Spearhead Group composé de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, des îles Salomon et de Vanuatu a ratifié l’accord commercial MSG, un accord multilatéral de préférence commerciale qui s’étend actuellement à 150 groupes de produits. Les Fidji ont également proposé récemment des accords commerciaux bilatéraux spécifiques à certains produits à leurs voisins, notamment à Tuvalu, à Tonga et à Vanuatu.].
[page-number of print-ed.:14] structures de transport dans le cadre de Lomé II et III [La Ligne du Forum pacifique n’aurait pas pu être mise en place si la Banque européenne d’investissement, en vertu de la Convention de Lomé, n’avait pas débloqué des lignes de crédit.]. Lexiguïté du marché associée à lisolement nest un problème en soi que si lon cherche des marchés de grande taille distants. Les coûts élevés associés à cette caractéristique apparemment fondamentale et immuable des pays ACP du Pacifique signifie tout simplement que lexportation à grande échelle est impossible. Les caractéristiques disolement et de déséconomie interagissent dune manière non linéaire. Un exemple devrait suffire à illustrer la complexité des processus sous-jacents. La distance entre Suva et Tokyo est le double de celle qui sépare Honolulu de Tokyo et pourtant, en 1994, les tarifs du fret aérien pour des fleurs coupées entre Suva et Tokyo était quatre fois plus élevés quentre Honolulu et Tokyo. Cela découlait largement du fait quà cette époque, il ny avait quun seul transporteur disposant dune capacité suffisante pour transporter du fret et que la plupart de lespace disponible était utilisé pour des poissons congelés. Les tarifs du fret suivent une tendance à la baisse depuis lapparition dun nouveau concurrent. Une expérience similaire a été réalisée dans le cas du Royaume de Tonga lorsque celui-ci commença à exporter des citronnades au Japon. Dans un premier temps, il déboursa 260.000 paangas par cargaison. Cependant, en lespace dun ou de deux ans, lorsque les exportations eurent augmenté et que la compétition pour le transport maritime eut commencé à sintensifier, le tarif de fret a chuté à 100.000 paangas par cargaison, doù une diminution du coût lié à lisolement. Létroitesse du marché est seulement problématique parce que les pays ACP du Pacifique ont choisi dopérer dans le cadre du contexte de lhéritage géopolitique des puissances coloniales. Les pays ACP du Pacifique ont peu de poids sils font cavalier seul. Mais il nexiste absolument aucune raison pour quil en soit ainsi. Par ailleurs, une coopération régionale accrue est porteuse de profits économiques évidents. Lexemple dun traité daccès multilatéral aux pêcheries conclu avec les États-Unis, qui offre des revenus de 10% des prises par rapport aux 2% que reçoivent les pays ACP du Pacifique dans le cadre des accords bilatéraux avec Taiwan, ne fait quillustrer comment les pays ACP du Pacifique peuvent tirer parti de la coopération à léchelon régional. En tant que petits producteurs individuels de thon, les pays ACP du Pacifique peuvent en outre sattendre à continuer de recevoir de faibles dividendes de la vente de leur produit. 3.2 Mobilisation des ressources foncières Une des contraintes des plus paralysantes et des plus sensibles rencontrée par les pays ACP du Pacifique a consisté en la mobilisation des ressources foncières dans leffort de développement. Dans tous les pays ACP du Pacifique, la majeure partie des terres est détenue de manière traditionnelle, et un seul pays les îles Fidji a élaboré un mécanisme adapté pour créer une intermédiation entre les propriétaires terriens traditionnels et les promoteurs immobiliers. Le modus vivendi fidjien entre investisseurs et propriétaires terriens a permis un degré correct de location à bail des terres et a ainsi évité lapparition des difficultés rencontrées par les autres pays mélanésiens. Les Fidji sont un exemple unique dans le Pacifique, puisquelles ont des ressources foncières relativement abondantes, au contraire de la plupart des pays polynésiens, et quelles disposent de moyens transparents, importants et relativement fiables pour louer à bail une certaine partie de leurs terres, au contraire de la plupart des pays mélanésiens. Cette description du système foncier fidjien, qui contribue à un développement des investissements et du commerce, nest en aucun cas statique. Des bouleversements considérables sont intervenus et lon dispose de preuves de plus en plus nombreuses indiquant que dimportantes superficies de terre retourneront à des propriétaires traditionnels lorsque la principale législation régissant la location à bail de terres de canne à sucre, à savoir la Loi sur les propriétai- [page-number of print-ed.:15] res et les exploitants agricoles (ALTA), arrivera à son terme en 1997. Par ailleurs, les blocus des hôtels décrétés par des propriétaires fonciers traditionnels au cours de ces dernières années ont ébranlé la confiance des investisseurs dans le secteur du tourisme sur des terres louées à bail [En 1995, en dépit d’une très nette pénurie d’hôtels cinq étoiles et de la nécessité d’en construire au moins deux ou trois du même type, il n’y a eu aucun investissement. Cette situation n’a été rectifiée que lorsque le gouvernement fidjien a introduit une taxe de séjour de 20 ans pour les nouveaux hôtels cinq étoiles.]. En Mélanésie, spécialement en Papouasie-Nouvelle-Guinée et dans une moindre mesure dans les îles Salomon, labsence de délimitation claire entre les terres a conduit à des conflits fonciers qui ont ralenti ou complètement arrêté les contrats de développement. A cette difficulté vient sajouter une idée très répandue parmi les investisseurs, selon laquelle les propriétaires fonciers traditionnels en Mélanésie ne sont pas disposés à satisfaire aux conditions de différents contrats fonciers. Ce manque de foi en la force et lapplicabilité des contrats a nui aux investissements et, en définitive, a affaibli la croissance orientée vers les exportations*
... la clarification des droits de la propriété et l’allèg ement des barrières réglementaires relatives à l’utilisation de la terre par des étrangers… telles sont entre autres les mesures que les États des pays membres du Pacifique (PMC) pourraient adopter pour que l’environnement économique du marché national soit plus attirant pour les investisseurs étrangers.]. 3.3 Prédisposition aux catastrophes naturelles et aux chocs extérieurs Les petits États insulaires du Pacifique sont particulièrement exposés à des chocs extérieurs de deux ordres: [Le Rapport de la Banque mondiale (v. 2.18 et v. 2.22) développe ce point.]
3.4 Respect de la loi et de lordre public Une des plus graves contraintes structurelles du développement en Papouasie-Nouvelle-Guinée, et de plus en plus dans les îles Fidji, consiste en la détérioration visible du respect de la loi et de lordre public. Les conséquences économiques de cet état de choses ont été une augmentation [page-number of print-ed.:16] des coûts de fonctionnement et une diminution de la compétitivité relative des pays ACP du Pacifique qui sont confrontés à de tels problèmes. Laugmentation des coûts résulte non seulement des coûts directs associés au maintien dune sécurité accrue, mais également, et peut-être bien dans une mesure plus importante, des primes de risque plus élevées pour la main-doeuvre qualifiée et les cadres appelés à des missions professionnelles dans de tels pays. Cela entraîne une augmentation de lémigration nette de tels travailleurs et cadres qualifiés et tempère la volonté dinvestir des petits investisseurs locaux. 3.5 Niveaux de compétence médiocre et de formation relativement faible Le taux dalphabétisation dans la région, particulièrement en Mélanésie, est faible. En outre, il manque habituellement de main-doeuvre qualifiée dans ces pays
[On estime que le taux d’alphabétisation de la Papouasie-Nouvelle-Guinée était de 22% en 1990. A Vanuatu, on estime le taux d’alphabétisation à 30% et sur les îles Salomon, le taux d’alphabétisation effectif est compris entre 15 et 20%. Si ces taux d’alphabétisation semblent étonnamment faibles, il faut garder à l’esprit que ce n’est qu’en 1968 qu’un citoyen de Papouasie-Nouvelle-Guinée obtint pour la première fois de l’histoire un diplôme universitaire, soit 7 ans avant l’indépendance.].
En fait, labsence dun réservoir de main-doeuvre et de cadres qualifiés est la plus importante entrave au développement de la région. Cela tient au fait que dans la plupart des industries exportatrices, la main-doeuvre non qualifiée ne constitue pas un élément suffisamment important du coût total pour compenser les éventuelles mesures salariales que les pays ACP du Pacifique pourraient envisager pour contrebalancer le coût du recours à une main-doeuvre importée (qui perçoit non seulement un salaire comparable à ceux du marché international, mais également souvent une prime de risque ou une clause dexclusivité destinée à lattirer dans les pays ACP du Pacifique). Une étude a montré quune usine modèle de confection fidjienne naurait pas été rentable, vu la structure des coûts, dans les douze autres Etats insulaires du Forum du Pacifique sud.
[Voir R. Grynberg et M. Powell. „Taxation in the Island Na tions of the South Pacific". Vol. I, pp. 85-90.]
Les faibles niveaux de productivité observés dans les pays ACP du Pacifique découlent en grande partie du stade de développement de ces [page-number of print-ed.:17] pays. Parallèlement à lélévation du niveau de formation et dexpérience professionnelle dans un environnement moderne, la productivité augmentera également. Cependant, force est de constater que lon ne peut rien entreprendre rapidement pour obtenir des niveaux de productivité comparables à ceux actuellement observés en Asie. Cest un domaine où les gouvernements des pays ACP du Pacifique doivent peser de tout leur poids, puisque les politiques économiques orthodoxes ne seront couronnées de succès que lorsquun réservoir de main-doeuvre qualifié aura été créé. 3.6 Contraintes imposées par limpact de la politique macro-économique a) Devise Nombre de problèmes de développement économique auxquels la région est confrontée ne résultent ni dévénements extérieurs imposés ni de catastrophes naturelles ni de la situation géographique de la région. Létat de lenvironnement macro-économique a alimenté en permanence les débats entre économistes des banques de développement. Il existe une bonne raison à cela. Ils comprennent les taux de change. La complexité des problèmes micro-économiques culturels et structurels des pays est une question que tout un chacun nest pas à même de résoudre facilement, même le temps nefface pas ces difficultés aisément. Par conséquent, alors que les banques de développement multilatérales ne sintéressent toujours quen paroles aux questions structurelles, elles se concentrent en fait sur les questions macro-économiques. *
Une stratégie sur trois plans est nécessaire pour exhausser la compétitivité… Cela nécessitera
L’appréciation du taux de change réel effectif de 12% entre 1990 et 1994 sur les îles Fidji est venue s’ajouter à ces pressions (concurrentielles). Tout en reconnaissant le rôle anti-inflationniste important du taux de change nominal, le gouvernement devrait également reconnaître que le taux de change reste le seul instrument capable d’influencer dans une large mesure la compétitivité globale de l’éco nomie et de stimuler les possibilités commerciales. Il semble qu’il soit largement reconnu que le dollar fidjien est surévalué (voir Coultas et al., p. 43; Thompson Pacific. Fiji Exports to New Zealand , e. 6.8).] b) Marché du travail Dans la mesure où les politiques des gouvernements des îles du Pacifique narrivent pas à brider laugmentation des salaires, la compétitivité sévanouira, entraînant dans son sillage une diminution des perspectives commerciales. Le rapport Price Waterhouse intitulé Traded Services in the Forum Countries tire la conclusion suivante (v. 2.4): Par conséquent, une plus grande flexibilité du marché du travail pourrait savérer nécessaire dans des destinations à coûts relativement élevés telles que Vanuatu, Fidji, Tonga et Papouasie-Nouvelle-Guinée. Ce rapport épingle également quun certain nombre de progrès limités avaient déjà été réalisés en ce sens (v. 3.14): [page-number of print-ed.:18] Dans les îles Fidji et en Papouasie-Nouvelle-Guinée, on sest engagé dans des négociations sur les salaires à léchelle de lentreprise et la croissance de la productivité est devenue un facteur permettant de définir des augmentations de salaires. Ces démarches sont très utiles pour débloquer le marché du travail, ce qui devrait contribuer à améliorer lefficacité de la population active et lutilisation de la main-doeuvre. c) Système fiscal Les pays ACP du Pacifique étaient largement dépendants des droits dimportation et cet élément a rendu ces pays inefficaces par le passé. De nombreux rapports recommandent un processus de réforme, quoique cette solution ait rarement trouvé un accueil favorable. Selon les termes du rapport de la Banque mondiale (v. 2.64 et v. 2.66): Alors quils fournissent un flux continu de revenus, les droits dimportation élevés augmentent les coûts de ceux qui entendent faire des affaires avec les pays membres du Pacifique (PMC) et découragent les exportations. En termes de protection des producteurs nationaux, les droits de douanes élevés ont un effet contraire à leffet recherché. Léloignement des principaux marchés fournit déjà un haut degré de protection commerciale naturelle aux pays membres du Pacifique Alors que des droits de douanes élevés véhiculent une mesure de protection des producteurs nationaux, les possibilités de substituer les produits nationaux aux produits importés sont vite épuisées, en raison de la rareté de la population et de la faiblesse des revenus. La réponse qui saute aux yeux consiste naturellement à réduire les droits dimportation, mais une telle démarche suppose de trouver des sources alternatives aux revenus du gouvernement. Le rapport de la Banque mondiale préconise un passage à une taxe sur la valeur ajoutée ou à un impôt sur la consommation proprement dite (v. 2.66): Par le biais de politiques macro-économiques habilement gérées, les gouvernements des îles du Pacifique peuvent aider à améliorer lefficacité des producteurs nationaux et, par ce biais, encourager le commerce et les investissements. Cependant, ces mesures nauront aucun effet si, dans la pratique, la volonté dinvestir se heurte à des procédures bureaucratiques complexes. d) Perte des préférences commerciales Les États ACP du Pacifique qui sont parvenus à exporter avec succès en grands volumes ont souvent bénéficié de lassistance des préférences commerciales telles que prévues par la Convention de Lomé, par lAccord de coopération commerciale économique pour la région du Pacifique Sud (SPARTECA) et par le Système généralisé de préférences en faveur des pays en développement (SGP). La fin des Négociations dUruguay et la libéralisation des tarifs extérieurs ont érodé la marge de préférence commerciale dont disposaient les États ACP du Pacifique sur leurs marchés traditionnels. Ceci a dévalorisé ces accords de préférences commerciales. Le rapport de la Banque mondiale indique clairement que les pays ACP du Pacifique perdront directement leur préférence commerciale à la fin des Négociations dUruguay (v. 2.43, p. 20): Pratiquement toutes les exportations actuelles et futures de tous les États ACP du Pacifique subiront les conséquences dun certain nombre de mesures érodant la préférence commerciale inhérente à des réductions des tarifs douaniers prises en accord avec le GATT Mais quelle sera lincidence dune telle évolution à court et à moyen terme sur les performances commerciales au sein des États insulaires du Pacifique? Réponse: très limitée à court terme, mais sans doute beaucoup plus importante dans 5 ou 10 ans, à moins que les États insulaires du Pacifique ne sérigent en un marché global plus compétitif. Le rapport 1995 de la Commission économique et sociale pour lAsie et le Pacifique (CESAP) est plus explicite dans son évaluation des répercussions des Négociations dUruguay. En effet, selon le rapport de la CESAP (p. 13): [page-number of print-ed.:19] Avant son entrée en fonction, le Directeur général du GATT a déclaré énergiquement que la conclusion fructueuse des Négociations dUruguay signifiait plus dinvestissements, plus demplois et une plus grande croissance des revenus pour tous Cependant, linterprétation est moins euphorique lorsque lon découvre les détails des accords globaux convenus aux cours des Négociations dUruguay. De nombreux analystes estiment en effet que les profits découlant de la nouvelle donne seront distribués de manière déséquilibrée. Les économies dAfrique sub-saharienne, des Caraïbes et de petites îles du Pacifique pourraient en fait être perdantes sur toute la ligne, en dépit de dispositions compliquées visant un traitement spécial et différencié pour les pays en développement et des traitements plus favorables pour les pays les moins développés et importateurs nets de denrées alimentaires. Au nombre des effets résultant de la fin des Négociations dUruguay, figurent:
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