| Débatmilitant | ||||||||||
| Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°204 |
2 octobre 2008 | ||||||||
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Oui, il faut sanctionner les responsables,
prendre le
contrôle des banques et du crédit
Les bourses
semblent se stabiliser après la déprime provoquée par le refus du congrès
américain de voter le plan Paulson, 700 milliards de dollars pour tenter
d'éponger les pertes des banques en rachetant les créances douteuses qui ont
envahi le système financier. Le vote, au final, du plan par le Sénat a convaincu
les spéculateurs que par delà le geste d'humeur des députés républicains et
démocrates qui n'ont pas voulu assumer la responsabilité de faire payer à la
population les frasques des financiers, l'Etat américain, comme tous les Etats,
sera résolument de leur côté pour éviter la faillite du système tout entier. La
détermination sans réserve affichée par tous les chefs d'Etat à empêcher les
faillites en chaîne rassure les brigands de la finance. Ils ne sont pas dupes
des discours indignés de Bush ou autres Sarkozy, des prétentions à "moraliser le
capitalisme", convaincus depuis longtemps que ce qui fonde la morale des uns et
des autres ce ne sont que l'argent et les rapports de force. Les spéculateurs
ont quelques garanties pour essayer de se rassurer mais pour les travailleurs,
les populations, il y a tout lieu d'être inquiets tant l'ampleur de la maladie
qui se révèle jour après jour est grande. La crise dans laquelle s'enfonce le
monde est bien la crise globalisée du capitalisme miné par le parasitisme de la
finance, c'est-à-dire de la propriété privée capitaliste. Le cancer des créances
douteuses, des dettes devenues objets de spéculations, métastase à travers tout
le système financier, c'est-à-dire à travers toute l'économie qu'il étouffe par
l'ensemble des multiples réseaux et ramifications grâce auxquels les
capitalistes s'approprient la plus-value.
Les mêmes qui, il y a quelques
semaines, affichaient confiance et optimisme n'ont plus le choix que de prendre
la mesure de la catastrophe en cours, de mettre en scène la dramatisation de la
situation dont ils sont les premiers responsables en espérant paralyser les
travailleurs, empêcher leur réaction.
La faillite d'une politique au service d'une minorité
parasite
"Je veux dire la vérité aux Français, ils sont prêts à
l'entendre. La crise actuelle aura des conséquences dans les mois à venir sur la
croissance, le chômage et sur le pouvoir d'achat", déclarait Sarkozy à
Toulon résumant l'essentiel de sa politique : faire payer aux travailleurs
la faillite du système et de la politique des classes dirigeantes.
Tout le
reste n'est que poudre aux yeux, une farce ridicule. "L'idée selon laquelle
les marchés ont toujours raison s'est avérée être une idée folle" découvre
Sarkozy pour prétendre "refonder le capitalisme" ou à la "moralisation
de l'économie", pour "reconstruire un système financier
viable".
"La crise actuelle doit nous inciter à refonder le
capitalisme sur une éthique de l'effort et du travail, à retrouver un équilibre
entre la liberté et la règle, entre la responsabilité collective et la
responsabilité individuelle", pontifie le petit homme qui rêve de se faire
grand dans la tourmente ! "Il faut remettre à plat tout le système
financier et monétaire mondial comme on le fit à Bretton Woods après la seconde
guerre mondiale", conseille-t-il s'identifiant sans doute à Bush ou Obama ou
les deux à la fois… Le dire ne coûte rien, tous les partis politiques
institutionnels entament la même rengaine. Et le PS n'a guère autre chose à
proposer que des phrases creuses à la sauce Sarkozy ou, pratiquement, d'utiliser
l'argent public pour éviter les faillites, subventionner à fonds perdus la
bourgeoisie et aider les PME ! N'a-t-il pas approuvé le sauvetage de
Dexia ?
Le PS, le PCF, le PRG et le MRC ne viennent-ils pas ensemble de
dénoncer "la crise que traverse le monde marque l'échec d'un système :
celui de la finance dérégulée" pour demander un débat national. Ils accusent
Sarkozy de démagogie mais, quant au fond, reprennent le même discours que lui
pour, comme lui, justifier leur attachement à la défense de l'économie de marché
et du capitalisme... "régulé".
Quand Sarkozy prétend ne pas accepter
"qu'un seul déposant perde un seul euro parce qu'un établissement financier
se révèlerait dans l'incapacité de faire face à ses engagements", il pense à
garantir "quoi qu'il arrive la sécurité et la continuité" du système
bancaire "par des cautions, par des garanties, par des apports en capital ou
par une modification de la réglementation bancaire (...) pour éviter que par un
engrenage fatal l'économie privée de financements s'enfonce durablement dans la
récession". Et surtout à justifier les attaques contres les salariés, la
population : "La crise appelle à accélérer les réformes, non à les
ralentir". Et d'annoncer plus de 30 000 suppressions de postes dans la
fonction publique.
C'est bien le seul domaine où l'on peut donner du crédit
à ses propos d'autant plus hargneux que sa propre faillite s'affichera aux yeux
de tous.
N'était-ce pas lui qui, pendant sa campagne présidentielle, se
faisait le champion des prêts hypothécaires, devenus célèbres sous le nom de
subprime : "Les ménages français sont aujourd'hui les moins endettés
d'Europe. Or, une économie qui ne s'endette pas suffisamment, c'est une économie
qui ne croit pas en l'avenir, qui doute de ses atouts, qui a peur du lendemain.
C'est pour cette raison que je souhaite développer le crédit hypothécaire pour
les ménages et que l'Étal intervienne pour garantir l'accès au crédit des
personnes malades. Je propose que ceux qui ont des rémunérations modestes
puissent garantir leur emprunt par la valeur de leur logement…"
En bon
petit élève zélé, il répétait ce que lui avaient dit, outre-atlantique, ceux qui
le subjuguent parce qu'ils ne craignent pas d'aller jusqu'au bout de la logique
capitaliste. Cette logique, c'est utiliser tous les expédients possibles et
imaginables pour permettre au capital de faire du profit, de s'accroître sans
cesse. Pour ce faire, les capitalistes et les Etats qui les servent n'ont
d'autre solution pour tenter de pallier aux limites du pouvoir d'achat des
populations qu'ils restreignent eux-mêmes, les limites du marché, que de
développer le crédit sous toutes ses formes, crédit à la consommation, crédit
sans obstacle à la spéculation comme chacun a pu le découvrir au détour de la
crise en apprenant que les financiers pouvaient acheter des produits financiers
sans les payer !
L'univers schizophrène de la bourgeoisie…
Contrairement à ce que disent les hypocrites ou les dupes de
droite ou de gauche qui prétendent moraliser ou réguler le système, cette bulle
financière globalisée qui s'est constituée sous les effets de la
mondialisation libérale n'est pas indépendante de l'économie dite réelle. Les
deux sont organiquement liées et c'est bien là le fond du problème. La finance
dirige l'économie, décide de sa politique, façonne le monde en fonction de ses
seuls intérêts. Au point même que toutes les sociétés, multinationales ou non,
sont devenues, d'abord et avant tout, des sociétés financières. Elle est
l'expression exacerbée d'un rapport de classe, le rapport d'exploitation fondé
sur la propriété privée capitaliste dans un monde malade où l'économie n'est pas
dirigée en fonction des besoins humains mais de l'avidité d'une minorité. Si au
XXème siècle s'est opérée la fusion du capital bancaire et du capital industriel
pour donner le capital financier, au XXIème siècle le capital financier a étendu
ses réseaux sur l'ensemble de la planète. Rien n'échappe à son parasitisme qui
dévore les forces vives du travail.
La crise financière que nous connaissons
aujourd'hui est étroitement dépendante de la marche de l'économie réelle dans le
même temps qu'elle l'influence. Certes, le rapport n'est pas mécanique, la
sphère financière a pris une relative autonomie du fait du développement du
capital fictif qui gonfle la bulle sans rapport avec le développement de la
production et des échanges. Cette sphère financière, ce capital fictif est le
lieu où se livre la concurrence entre financiers en lutte pour le partage des
profits, le casino de la haute finance. Mais l'ensemble de l'édifice de plus en
plus sophistiqué ne tient que tant que tient la confiance de l'aristocratie
financière en la capacité de l'exploitation de dégager suffisamment de profits
pour nourrir et satisfaire sa cupidité.
Que l'économie ralentisse, que naisse
le doute et c'est la crise de confiance. Les gros actionnaires perdent pied et
se noient dans l'océan agité des créances douteuses, de la reconnaissance des
dettes titrisées…
C'est bien le début du ralentissement de l'économie
mondiale après les années de surchauffe qui a entraîné la crise financière et,
en retour, cette crise financière accentue la récession jusqu'à la menace d'une
grave dépression, voire d'un effondrement de l'économie. Il est symptomatique
que le feu aux poudres ait été mis par la crise des subprimes, c'est-à-dire un
crédit à la consommation destiné aux classes populaires. Cela souligne la
contradiction de fond qui est à l'œuvre au cœur même de la crise financière :
dans leur soif de profit et sous le fouet de la concurrence, les classes
dominantes font tourner la production comme si le marché était illimité. C'est
l'économie de l'endettement globalisé… Tôt ou tard, c'est la surchauffe,
l'économie tourne au maximum, les prix montent, le crédit se gonfle, la pression
sur les salaires s'accroît, les licenciements se multiplient pour faire face à
la concurrence jusqu'au moment où tout bascule. Le marché sature, les crédits ne
sont plus honorés, la consommation ralentit, et se met en route la logique de la
récession… La crise du crédit provoque la crise de confiance, la bulle
financière commence à s'effondrer, puis c'est la crise financière qui accentue
la crise économique…
C'est bien pourquoi le capitalisme ne peut-être refondé
ni régulé. La crise est son seul moyen de régulation car il est soumis à la
logique aveugle du marché, de la concurrence, de la rentabilité financière.
Cette marche cyclique du capitalisme évolue aujourd'hui de façon mondialisée,
globalisée comme jamais par le passé.
Un tournant majeur
Il
est clair que la crise actuelle constitue un tournant majeur dans le cours de la
mondialisation libérale et impérialiste. La période pendant laquelle l'économie
mondiale a connu une forte croissance dans le cadre d'un libéralisme sans
entrave qui a abouti à la constitution d'une bulle financière, laquelle étouffe
maintenant l'économie, est finie. La bulle va se dégonfler plus ou moins
brutalement. La seule chose que peuvent faire les Etats, c'est éviter
l'explosion de la bulle pour la dégonfler progressivement tout en essayant
d'entretenir l'activité l'économique.
"Cette socialisation des pertes est
un phénomène classique : les institutions et les gouvernements ont pris la
mesure de la crise, comme le montre aussi l'injection de liquidités par la
Banque centrale européenne. Cela veut dire qu'un effondrement comparable à la
grande crise des années 30 est peu probable, mais que l'apurement des comptes va
s'étaler sur une longue période, un peu comme au Japon qui a mis une bonne
dizaine d'années avant d'éponger les effets d'une crise comparable intervenue au
début des années 90" écrit Michel Husson (1).
C'est le plus probable du fait que les protectionnismes à l'œuvre quand éclata
la crise de 29 ont dû, aujourd'hui, céder le pas au développement d'un marché
mondial dérégulé non seulement financier mais aussi des marchandises. Du fait,
aussi, des moyens d'intervention des Etats et des banques centrales, de leur
capacité à intervenir de façon coordonnée, contraints par l'interdépendance des
économies et du système financier.
Nous entrons dans une phase de dépression
mondialisée sous l'égide d'un libéralisme d'Etat qui va bouleverser les rapports
de force et créer les conditions tant objectives que subjectives d'une nouvelle
transformation révolutionnaire de la société. Ce n'est pas un modèle de
développement qui est en train de faire faillite mais bien l'ensemble du rapport
de domination bourgeois fondée sur la propriété privée et l'exploitation
salariée.
A travers la crise, la loi de la valeur reprend ses droits. Cette
loi qui dit que toute richesses est le produit du travail humain et qu'en
conséquence le prix des marchandises qui s'achètent et se vendent sur le marché
est déterminé par la quantité de travail socialement nécessaire pour les
produire.
Les automatismes et les réajustements opérés par la loi de la
valeur rappellent les spéculations folles à la réalité au prix d'une purge
drastique dont les classes dominantes veulent faire payer les frais aux
travailleurs, à la population.
S'il n'est pas possible immédiatement
d'enrayer la fuite en avant vers la récession mondialisée dans laquelle les
classes dominantes plongent le monde, il est possible d'en faire payer les frais
aux responsables eux-mêmes. Il n'y a pas de réponse technique à leur crise hors
d'un rapport de force entre les parasites du capital et la classe ouvrière, la
population.
Dès aujourd'hui il y a urgence
Urgence pour dénoncer
les responsables, les gros actionnaires, leur politique à laquelle se soumettent
les Etats.
Urgence pour exiger qu'ils fassent face à leur responsabilité et
payent les frais de leur crise en prenant sur leur capital et leur
patrimoine.
Urgence pour protéger la classe ouvrière et la population des
contrecoups de la crise, garantir ses droits, c'est-à-dire à un emploi et un
salaire décent pour chacune et chacun.
Une telle politique qui préserve
réellement les intérêts des travailleurs et des classes populaires nécessite la
mobilisation de toutes et tous. Rien ne sera possible pour s'opposer aux
contrecoups de la crise si nous n'exerçons une pression sociale et politique
pour exiger et imposer notre contrôle sur la marche de la société. Garantir les
droits des salariés et de la population signifie la fermeture de la Bourse,
mettre fin aux spéculations, le contrôle des changes et la nationalisation des
banques et du crédit sous le contrôle des salariés et de la population pour
mettre l'économie au service de la collectivité.
Il n'y a pas d'autre
politique pour mettre un coup d'arrêt à la régression sociale que patronat et
gouvernement annoncent dès aujourd'hui. Cela pose la question de qui dirige, qui
gouverne ? Le patronat, les banques et les partis qui les servent ou les
travailleurs et leurs organisations.
Il y a urgence pour que se regroupent,
s'organisent tous ceux qui veulent agir pour faire payer leur crise aux
capitalistes.
Yvan Lemaitre
1) La trajectoire de la crise, Michel Husson, à paraître
dans L'Ecole émancipée. Voir sur le site : http://hussonet.free.fr/ - Retour
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