| Débatmilitant | ||||||||||
| Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°190 |
06 mars 2008 | ||||||||
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| Sommaire : | ||||||||||
| Parisot et Sarkosy prétendent moraliser le capitalisme. Alors, qu'ils suppriment les inégalités et les injustices ! | ||||||||||
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Parisot et Sarkozy prétendent moraliser le capitalisme.
Alors,
qu'ils suppriment les inégalités et les injustices !
" Tous derrière
Parisot ! " Ce cri du cœur de Michel Rocard, dans une tribune publiée
dans le Monde, s'accompagne d'un vibrant plaidoyer pour l'économie de
marché et le capitalisme, qui, aujourd'hui, du fait de la " voracité "
des riches " sombre sous l'immoralité ". " Le combat de Mme
Parisot, conclut l'ancien ministre socialiste, nous concerne donc tous :
il ne s'agit pas seulement de redonner sa dignité à un système qui en a bien
besoin, mais surtout de lui permettre de revenir à un fonctionnement efficace et
régulier. Nous avons choisi la libre entreprise. Elle exige de bons patrons,
respectables et intègres. Sans éthique forte, il n'y a plus de capitalisme. Il
va probablement devenir nécessaire que la règle publique y pourvoie. "
C'est qu'avec les derniers rebondissements de l'affaire Gautier-Sauvagnac,
il y a du rififi chez les patrons ! Mis en examen suite à la révélation du
retrait suspect de 18,9 millions d'euros en liquide de la caisse de l'IUMM, on
vient d'apprendre que ce respectable bourgeois s'est fait attribuer par ses
amis, pour " prix de son silence ", d'après la presse, une " prime de
départ " de 1,5 million d'euros, et la garantie que les frais auxquels
pourraient le condamner le tribunal seraient pris en charge par l'organisation
patronale…
" Trop c'est trop ", a dit Parisot, qui vient de lancer,
sous prétexte de " moraliser " le patronat, une bagarre pour le pouvoir au sein
de l'organisation patronale dont les motivations ne se cantonnent certainement
pas aux aspects politiques, mais sont aussi l'expression de l'affrontement entre
factions rivales du patronat, pour l'accès aux postes de contrôle des
institutions de " partenariat social " détenus pour une très grande part par les
patrons de l'IUMM, cette héritière des Maîtres des forges du 19ème siècle.
Le " scandale " des fonds secrets de l'IUMM fait d'autant plus désordre dans
le contexte politique actuel qu'il n'est pas le seul à défrayer la chronique :
après l'affaire du trader de la Société Générale qui a mis au grand jour les
pratiques spéculatives peu scrupuleuses des banques, c'est celle des comptes
cachés au Lichtenstein, une fraude fiscale qui s'élèverait, d'après le ministre
du Budget, à un milliard d'euros. Ou encore l'enquête menée actuellement contre
quatre multinationales productrices de produits d'entretien soupçonnées
d'entente illicite sur les prix.
Prix qui ne cessent de monter, comme chacun
peut le mesurer en faisant ses courses. Une enquête récente de 60 millions de
consommateurs pointe des hausses très importantes sur des produits de
première nécessité : 40 % sur les yaourts, 45 % sur les pâtes, 44 % sur le
jambon… Tandis que la grande majorité des travailleurs et de la population subit
de plein fouet ces hausses, les annonces de licenciements et de fermetures
d'entreprise se poursuivent.
Cette situation apparaît d'autant plus
inacceptable que les résultats des grands groupes industriels, qui sont publiés
en ce moment, font apparaître, pour 2007, des bénéfices insolents. Bénéfices qui
profitent en premier lieux à leurs PDG -les " salaires " des patrons du CAC40
ont augmenté de 40 % en 2007-, et à leurs actionnaires qui vont toucher 40
milliards de dividendes, un record.
Aggravation des injustices sociales,
explosion des profits et des spéculations, scandales financiers, premiers signes
d'une crise du crédit participent d'une surchauffe économique qui ne peut que
déboucher sur une crise majeure.
Il y a quelques mois, la crise des "
subprime " se répercutait à l'ensemble du système financier international,
bloquant le crédit, et causant un effondrement brutal des Bourses. Le boom des
profits actuel pourrait laisser croire que le gros de la crise est derrière
nous, que le système a surmonté ses difficultés. Il n'en est rien. Il s'agit,
bien au contraire, du résultat très temporaire de l'application, par les
institutions financières et les Etats, de " remèdes " qui, s'ils peuvent en
retarder les échéances ont pour conséquence l'aggravation des causes de la
crise.
Les remèdes capitalistes à la crise du capitalisme ne font que
l'aggraver.
Une fuite en avant pour ramasser le gros de la
mise…
La crise actuelle marque la fin d'un cycle, la fin de la phase de
croissance commencée en 2003 aux Etats-Unis, et qui s'est répercutée sur
l'ensemble de la planète, tirant la croissance en Chine et dans d'autres pays "
émergents " comme l'Inde. La cause fondamentale de cette récession est dans le
décalage qui se creuse entre une offre gonflée par la croissance spéculative, et
une demande réduite par l'appauvrissement de la population des USA et des pays
occidentaux de l'Europe, principaux importateurs des produits fabriqués dans les
pays à bas coût de main d'œuvre, du fait de la stagnation des salaires, du
chômage, et du resserrement du crédit.
Aux Etats-Unis, les signes de
récession se précisent : " Baisse des revenus et hausse du chômage ont plombé
la confiance des consommateurs outre-Atlantique. L'indice de confiance des
consommateurs américains, mesuré par l'Université du Michigan, est tombé en
février à son plus bas niveau depuis 16 ans, un élément généralement considéré
comme un signe avant-coureur d'une récession… ", écrivent Les Echos.
Cette récession se répercute déjà sur l'ensemble de l'économie mondiale. La
détermination du PIB de 2007 pour plusieurs pays fait apparaître un
ralentissement de la croissance par rapport à 2006. Pour l'Inde, par exemple, la
croissance du PIB est passée de 9,6 % à 8,4 %.
En France, les chiffres
officiels du chômage qui avaient baissé régulièrement pendant quelques mois,
sont repartis à la hausse : + 0,7 %, d'après l'INSEE. Pour les jeunes,
l'augmentation est encore plus forte et atteint + 2,1 %. Le nombre " officiel "
(selon les critères du gouvernement) de chômeurs repasse au dessus de 1,9
million ; il ne représente que la moitié des 3,85 millions de personnes
effectivement inscrites à l'ANPE, c'est-à-dire qui cherchent réellement un
emploi. Quant au " moral des ménages ", indice qui se veut mesurer, en France,
l'opinion des consommateurs sur la situation économique, il ne cesse de baisser
et atteint son niveau le plus bas, depuis sa création en 1987.
Le
gouvernement cherche à relativiser la nouvelle et voudrait y voir une
" variation saisonnière ". Mais, pour l'OFCE (office français des
conjonctures économiques), " la faiblesse du moral des industriels et
des prévisions de croissance pour le premier trimestre 2008 (0,5 % selon
l'Insee) sont des explications plus objectives ".
Alors que les
revenus de la grande majorité de la population sont à la baisse, que le chômage
et la précarité s'étendent, les prix des produits de consommation courante, ne
cessent, eux, d'augmenter.
Le prix du pétrole est passé au dessus de 100
dollars au baril. Cette hausse, ainsi que celle de la plupart des matières
premières est essentiellement due à la spéculation. Alors que le marché du
crédit ralentit du fait de la hausse des taux et que la demande en énergie et
matières premières est soutenue, du moins pour l'instant, par la croissance des
pays en cours d'industrialisation rapide, comme la Chine, toute une masse de
capitaux disponibles cherche à se placer dans ce secteur, dans une spirale
spéculative qui entraîne les cours à la hausse.
Ces hausses du pétrole et des
matières premières ne peuvent justifier les augmentations constatées sur les
produits finis, énergie et matières premières ne constituant souvent qu'une part
relativement réduite de la valeur globale de ces produits. La véritable raison
de la flambée généralisée des prix vient du fait que chaque grand groupe
industriel, agro-alimentaire ou commercial qui intervient dans la chaîne de
production et de distribution veut avoir sa part du pactole et aligne ses marges
sur celles des producteurs et des rentiers du pétrole et des matières premières.
Le corollaire de cette politique, ce sont justement les ententes sur les
prix entre multinationales. Pour maintenir les prix de vente bien au dessus de
coûts réels de production, il faut s'affranchir de la régulation à la baisse qui
s'opère sur les marchés. Pour cela, il faut s'entendre, fixer des prix de
cartel. C'est cela le vrai visage du capitalisme, le vrai visage de la
" concurrence libre et non faussée "...
Ces ententes entre
capitalistes pour racketter le consommateur ne les empêchent par ailleurs pas de
se livrer, comme l'a rappelé récemment l'affaire du trader de la Société
Générale, aux jeux de casino de la spéculation, à travers lesquels ils tentent
de s'arracher mutuellement, sur les marchés financiers, la plus grosse part
possible du gâteau…
… avec la complicité active des institutions financières et des
gouvernements
L'alerte de la crise des
subprimes, l'effondrement des Bourses, la crise du crédit n'ont en rien
contribué à changer la politique des institutions financières et du pouvoir
politique. Les outils de régulation dont disposent les Banques fédérales,
fixation des taux de crédit et injection de capitaux frais sur le marché du
crédit, ont montré toute leur impuissance. Ce sont pourtant ces
" remèdes ", censés entretenir la confiance du monde de la finance,
que continuent à dispenser généreusement les institutions financières centrales
dans l'espoir de retarder les échéances… tout en finançant la spéculation !
Les gouvernements, quant à eux, participent à leur façon au maintien des
profits en accumulant les mesures contre les travailleurs et la population.
" L'agenda 2008 " présenté début février par le gouvernement est
une annonce claire de sa volonté d'aller plus loin dans la casse de la
protection sociale, des retraites, dans la mise en place d'une législation
sociale facilitant les licenciements et l'utilisation d'une main d'œuvre
toujours plus précaire.
Alors que les prix flambent et que les publications
indécentes des résultats financiers des entreprises se succèdent, pas question
d'augmenter les salaires ! Après l'annonce, il y quelques semaines, d'un
plan d'action pour le pouvoir d'achat, Sarkozy et le gouvernement nous
promettent maintenant une " opération coup de poing contre les
prix "… Le même nous promettait, il y a quelques mois, d'
" aller chercher la croissance avec les dents ", avec tout le
succès que l'on peut mesurer aujourd'hui.
Tout comme il promettait, en 2006,
aux 830 salariés de Metaleurop qui venaient de perdre leur emploi, une
" ré-industrialisation exemplaire ". Deux ans plus tard, sans
doute mal informé, il est retourné sur le site dans l'espoir de retirer un
bénéfice politique de cette ré-industrialisation… Il s'est heurté à la
protestation de la grande majorité des anciens salariés de l'usine qui n'ont
toujours pas retrouvé de travail : en fait de ré-industrialisation, le
site, repris par Suez-Environnement pour en faire un centre de traitement de
déchets, emploie actuellement une trentaine de salariés… Qu'à cela ne
tienne : " je reviendrai ici autant de fois qu'il le
faudra ", a-t-il promis.
Face à une situation économique, sociale et
politique qui leur échappe de plus en plus, Sarkozy et le gouvernement en
rajoutent dans le ridicule et la prétention à moraliser le capitalisme. Le
battage autour de l'enquête sur les " évasions fiscales ", tout comme
celle sur les ententes illicites sur les prix sont des hypocrisies qui ne
peuvent tromper personne, venant d'un gouvernement qui faisait voter, il y a
quelques mois, un bouclier fiscal au service des couches les plus favorisées de
la société. En prétendant vouloir sanctionner les coupables, ils manifestent
surtout leur crainte que le système ne se discrédite encore un peu
plus.
C'est, pour une part, ce même souci qui agite Parisot face à
l'étalement cynique des pratiques de l'UIMM. La crise qui secoue le Medef met en
lumière la véritable morale des patrons amis de Sarkozy. Mépris social, cynisme,
conflits d'influence où tous les coups sont permis, la situation de crise se
reflète en direct chez les patrons, confrontés à l'exacerbation de la
concurrence, à la montée de la contestation sociale et au désaveu politique de
leur homme de paille, Sarkozy.
Les interventions des institutions
financières, tout comme celles du pouvoir politique, n'ont d'autre choix que de
se plier à la logique du système sur lequel elles n'exercent aucun contrôle.
Elles sont complices dans la fuite en avant pratiquée par les responsables des
grands groupes industriels et financiers afin de ramasser tout ce qui peut
l'être avant l'effondrement économique que tous redoutent.
Ce faisant, en
contribuant à diminuer les ressources de la grande majorité d'entre-nous alors
qu'ils sont impuissants à juguler les hausses de prix, ils aggravent les
tendances à la récession. Après eux le déluge !
Face à la dégradation sociale et à la menace de crise, imposer
notre contrôle
L'écart de plus en plus
révoltant entre les conditions de vie qui sont faites à la grande majorité
d'entre-nous et les richesses affichées par une minorité pose l'urgence
d'imposer une autre répartition des richesses. Cette urgence est indissociable
de celle de faire face à la menace d'une crise économique
majeure.
Aggravation des inégalités sociales et menace de crise ont les mêmes
racines, celles d'une société basée sur le salariat, qui donne à une minorité de
parasites, sous prétexte qu'elle détient les titres de propriété sur l'appareil
de production et d'échange, le droit de s'approprier les richesses produites par
la grande majorité d'entre-nous. Et c'est parce qu'ils sont au service du
pouvoir et de la propriété des détenteurs de capitaux que les institutions
financières internationales et les gouvernements sont incapables d'exercer le
moindre contrôle sur l'évolution de la situation économique.
La crise qui
menace ne doit pas nous faire craindre d'engager la lutte immédiate
indispensable pour les salaires, le contrôle des prix, contre les licenciements,
les fermetures d'entreprises, pour une autre répartition des richesses. Bien au
contraire.
Ces luttes sont nécessaires, elles sont un premier pas vers la
remise en cause des fondements même de la crise : la façon dont ces
richesses sont produites dans notre société, le salariat, la propriété privée
des moyens de production. Seuls ceux qui produisent toutes les richesses, qui
font tourner l'ensemble de l'économie par leur travail, sont capables d'en
contrôler réellement le fonctionnement, justement parce qu'ils détiennent entre
les mains tous les leviers des moyens de production et d'échange. La lutte
immédiate pour une autre répartition des richesses trouve son prolongement dans
la lutte pour imposer notre contrôle sur l'ensemble de l'économie : pour
produire dans le but de satisfaire les besoins réels de l'ensemble de la
population, et non plus en fonction d'un marché solvable hypothétique ;
pour produire en assurant à la population dans son ensemble des revenus
suffisants pour permettre à chacun de vivre décemment et de profiter de
l'ensemble des progrès techniques, des loisirs, de la culture...
Face à tous
ceux qui nous appellent à être raisonnables, à respecter la logique du système
qu'ils prétendent moraliser, les travailleurs ont toute légitimité à poser leurs
exigences. La moralisation du capitalisme passe par une autre répartition des
richesses, la fin de l'injustice et des inégalités et si leur système ne permet
pas cela, alors il faut en changer !
C'est ce que nous dirons dimanche en
votant pour les listes présentées ou soutenues par la LCR.
Eric Lemel