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Abrégé



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La République Fédérale d'Allemagne
Un modèle au banc d'essai


Le modèle (ouest-) allemand - naissance et croissance

Le modèle allemand qui voit le jour après guerre se caractérise par une économie dynamique, un sytème politique fondé sur la coopération, un Etat social très protecteur et une répartition des tâches de type traditionnel en fonction des sexes. Croissance économique et concurrence inhérente à l'économie de marché permettent l'accès au plein emploi. De larges couches de la population jouissent de l'augmentation de leur pouvoir d'achat. Des rentrées fiscales en hausse permettent à l'Etat de financer une infrastructure performante. La sous-évaluation de la monnaie améliore les chances à l'exportation d'une industrie allemande qui s'affirme dans la production par une main-d'oeuvre qualifiée de biens d'investissement et de consommation techniquement à la pointe. La reconstruction et l'aspiration à de meilleures conditions de vie sont les moteurs de la croissance économique ; les menaces d'ordre écologique pèsent d'un poids minime, lorsqu'elles ne passent pas inaperçues.

L'organisation des rapports entre employeurs et salariés selon un schéma coopératif muselé les ardeurs capitalistes de l'économie de marché. Patronat et syndicats négocient les salaires et les conditions de travail en application du principe de l'autonomie tarifaire. Les conventions collectives garantissent aux entreprises des conditions identiques d'accès à la concurrence et donnent aux travailleurs un poids accru dans la négociation. Le droit du travail et le règlement des conflits sociaux devant les juridictions compétententes protègent les travailleurs tant sur le lieu de travail que sur le marché du travail. A l'échelon micro-économique, les statuts définissant l'organisation du travail et la codécision sont un premier pas sur la voie de la démocratisation de l'économie.

Comme aujourd'hui, le principe qui gouverne alors l'Etat social allemand est celui de la prévention du glissement vers la pauvreté des actifs et de leurs familles. Cela explique que le critère quasi exclusif d'accès aux régimes sociaux fondés sur la solidarité soit l'exercice d'une activité

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professionnelle rémunérée et que ces mêmes régimes soient essentiellement financés par des cotisations calculées sur le revenu du travail. A l'époque, le niveau de vie auquel on accède par le travail ne pâtit quasiment pas du passage à la retraite ou d'éventuels épisodes de chômage ou de maladie. La stabilité de la croissance économique et l'occupation d'un emploi par tous ou presque augmentent la marge de répartition et garantissent des prestations sociales étendues au-delà des risques inhérents à l'activité professionnelle: accès à la formation, accès au logement, exercice de la responsabilité parentale et assistance aux personnes dépendantes.

Le système allemand de l'assurance sociale ne peut exister qu'en présence d'une croissance économique assurant le plein emploi. Jusqu'aux années soixante-dix et pendant une partie de la décennie encore, l'expression «plein emploi» signifie que les chefs de famille de sexe masculin ont en permanence la possibilité de trouver un emploi. Le modèle allemand de l'assurance sociale repose sur le principe d'une répartition des tâches en fonction des sexes: c'est avant tout à l'homme qu'il incombe de gagner l'argent nécessaire aux besoins de la famille tandis que la femme se charge essentiellement de l'éducation des enfants et des travaux ménagers. Pour un homme, l'exercice ininterrompu - pendant 45 ans - d'une activité professionnelle tient tout autant de la norme au titre du modèle allemand que les droits de co-assurées des épouses mères de famille et femmes au foyer. A l'inverse, la politique sociale de la RDA a pour objectif de promouvoir l'intégration au monde du travail des mères de familles en leur garantissant l'égalité des droits.

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L'apparition des limites

C'est à la phase de construction qui se prolongea pendant une bonne partie des années soixante et vit une croissance économique continue s'accompagner d'un essor du marché du travail et d'une extension du champ d'intervention de l'Etat-providence que le modèle de l'économie sociale de marché dut sa plausibilité et sa popularité. En République Fédérale comme ailleurs, la prospérité générale et la démocratisation croissante de la société favorisèrent à partir du milieu des années soixante les bouleversements socio-culturels auxquels se virent confrontées toutes les sociétés occidentales: remise en question des rapports d'autorité traditionnels entre sexes et générations, assouplissement des règles de comportement propres à chaque sexe et des normes sexuelles, priorité des valeurs liées à l'épanouissement personnel et non imposées.

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Tout comme l'univers dans lequel évoluait au quotidien le citoyen de République Fédérale, le système économique fut contraint de s'adapter. Les chocs subis dans les années soixante-dix par l'économie mondiale ont certes affaibli les performances économiques du modèle, mais ni l'effondrement du système monétaire international de BrettonWoods, ni la double flambée du prix du pétrole brut, ni l'effondrement de la conjoncture, ni enfin l'explosion du chômage en 1973/74 puis en 1980/81 n'ont incité les dirigeants d'entreprises ou les décideurs nationaux à changer sérieusement de cap. On persista au contraire, en dépit des limites que commençaient déjà à imposer aux Gouvernements nationaux des marchés financiers en formidable expansion, à essayer d'atteindre grâce aux moyens éprouvés qu'offrait le «modèle allemand» les objectifs de poursuite de la croissance économique et d'accès généralisé à l'emploi. C'est surtout dans la deuxième moitié des années quatre-vingt, marquée par une croissance économique continue et la création de nouveaux emplois, que l'on a négligé d'encourager le changement structurel par la suppression des subventions «de maintien en vie» et la promotion de l'innovation; l'économie n'a pas non plus négocié le virage à 180° qui aurait pu la réorienter vers le souci de l'écologie.

Le «modèle allemand» ne fut pas assez fort pour résister aux conséquences de l'unification allemande. Le mode de financement des crédits transférés à destination des nouveaux Länder mit clairement en lumière les défauts de construction de nombreux organismes d'assurance sociale.

Au début des années quatre-vingt-dix, la nouvelle version du modèle allemand sombra à son tour dans l'impuissance du fait de la coïncidence de bouleversements majeurs qui la dépassèrent bientôt totalement: la fin de la «guerre froide« et l'ouverture de l'Europe de l'Est aux investisseurs occidentaux, l'unification allemande et son coût, la réalisation du Grand marché européen et l'interconnexion à l'échelle planétaire des marchés de capitaux.

Il en résulta notamment un extraordinaire durcissement de la concurrence internationale qui aboutit, lors de la crise conjoncturelle du début des années quatre-vingt-dix, à une chute vertigineuse de la production industrielle à laquelle les entreprises allemandes réagirent par un relèvement soudain de leur niveau de productivité. Le noyau dur que constituaient les travailleurs qualifiés est à présent lui aussi victime des suppressions d'emploi qui se succèdent par vagues entières. Toutes ces évolutions sont rattachées dans le débat public à la notion fourré-tout de «mondialisation».

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La mise en avant des problèmes structurels

La Commission a étudié de façon exhaustive les différents aspects de la mondialisation. Ses conclusions sont les suivantes: la concurrence à l'échelle planétaire a clairement mis en lumière les rigidités et déficits structurels de l'économie allemande. Des adaptations s'imposent, qui n'épargneront pas certains éléments fondamentaux du «modèle allemand». La Commission a par conséquent estimé utile de définir ce que pourraient être les piliers d'un nouveau «modèle allemand» qui ferait preuve d'autant de robustesse et de cohérence que l'ancien. Au-delà de la réelle nécessité de procéder à certains aménagements, le risque existe toutefois de voir partir à vau-l'eau, sous l'effet du débat actuellement suscité par la mondialisation, certaines institutions héritées de la société industrielle qui mériteraient d'être conservées (par exemple les relations industrielles, la formation professionnelle ou les statuts fixant l'organisation du travail dans l'entreprise). Pour la Commission, l'essentiel des défis inhérents au renforcement de la concurrence ne se situe pas dans le rapport entre pays riches et tiers monde en développement ; elle pense plutôt que la concurrence intra-européenne va, plus que toute autre, se durcir considérablement, avec, si l'on ne parvient pas à s'entendre à l'échelon de l'Europe, un risque de reculade par rapport aux réglementations fiscales, sociales et écologiques actuellement en vigueur.

On parle souvent du berceau industriel qu'est l'Allemagne en remettant fondamentalement en question la compétitivité de son économie, alors qu'il est au contraire prouvé par diverses analyses empiriques que l'économie allemande a jusqu'ici réussi à défendre ses parts de marché avec succès face à la concurrence internationale. Il est toutefois possible que sa puissance à l'exportation ait masqué certaines faiblesses structurelles de l'économie allemande préjudiciables à son potentiel de développement futur. La Commission estime que les Allemands, lorsqu'ils débatent de l'attrait de leur pays auprès des entreprises, accordent une place trop importante aux aspects liés aux coûts et insuffisante aux problèmes structurels. Ses réflexions et recommandations sont par conséquent centrées sur les défauts structurels et adaptations indispensables à long terme.

La République Fédérale d'Allemagne n'est pas le seul Etat actuellement aux prises avec de sérieuses difficultés dans sa volonté d'attirer ou de conserver sur leur sol une forte présence industrielle. Elles frappent toutes les grandes nations industrialisées concurrentes de l'Allemagne parmi

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lesquelles plusieurs Etats européens, le Japon et, en dépit de tous leurs succès, les Etats-Unis. Les conditions de départ et le contexte général diffèrent toutefois si fortement d'un pays à l'autre qu'il serait illusoire de vouloir calquer mécaniquement des stratégies empruntées à l'étranger - et pire encore de vouloir n'en tirer que quelques éléments. Il ne rimerait par conséquent à rien que l'Allemagne se lance avec ses concurrents dans une course à la réduction des coûts. L'important est au contraire de poursuivre en faisant preuve de dynamisme les stratégies de diversification et de spécialisation menées jusqu'ici avec succès et de miser sur des produits, services et systèmes dont le succès sur le marché dépend plus de la qualité et de la nouveauté que du prix.

La Commission n'adhère pas à l'idée souvent exprimée dans le débat relatif à la mondialisation selon laquelle l'Etat national n'aurait plus aujourd'hui aucune marge d'action. Elle ne conteste pas qu'il soit nécessaire d'adopter des réglementations européennes et transnationales, même si c'est loin d'être chose facile. Elle ne nie pas non plus que l'internationalisation de l'économie a eu pour effet de limiter le champ d'action des différents Etats. Mais l'Etat fédéral, les Länder, les syndicats, le patronat, le monde scientifique, les partis et les Eglises jouissent encore à l'échelon national d'une capacité d'action considérable. La Commission s'est par conséquent concentrée prioritairement sur les stratégies réalisables dans un cadre national.

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Contre les stratégies unidirectionnelles: les impasses sociales et écologiques

Face aux questions précédemment évoquées posées par la mondialisation, les voix qui s'expriment à propos de politique économique traduisent deux types de réactions qui - si on les suit jusqu'au bout - débouchent chacune sur des perspectives d'avenir différentes.

Le premier scénario correspondrait à une stratégie résolue de réduction des coûts destinée à préserver la compétitivité internationale et à reconquérir la dynamique de croissance dont a besoin l'emploi. Il consiste dans un premier temps à demander aux travailleurs et à leurs syndicats d'accepter des augmentations de salaires inférieures aux gains de productivité réalisés, voire une baisse du salaire réel, afin de comprimer par rapport à la concurrence les coûts salariaux par unité produite. S'y inscrivent également les revendications de suppression totale ou partielle, pour les entre-

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prises, du poids des charges sociales et taxes frappant les autres facteurs de production, ainsi que de baisse sensible de la fiscalité sur les bénéfices et le chiffre d'affaires. Les demandes de suppression ou d'assouplissement à l'extrême des conventions cadres, de déréglementation du droit du travail - y compris des mesures de protection en cas de dénonciation du contrat de travail - et de flexibilisation radicale de l'organisation et du temps de travail correspondent à la même logique. Certaines de ces revendications sont aux yeux de la Commission parfaitement raisonnables. Leur réalisation simultanée entraînerait toutefois une baisse du revenu nominal du travail et des recettes fiscales dont l'impact macro-économique pourrait être dommageable.

La menace que représenterait pour l'intégration de la société allemande une stratégie résolue de réduction des coûts est aux yeux de la Commission plus importante encore. Associée à une augmentation des écarts de salaires, une baisse des revenus du travail renforcerait le risque de voir s'appauvrir des familles à revenu déjà faible, ainsi que nombre de célibataires peu qualifiés. Au bout du compte, la diminution des chances d'accès au revenu et la raréfaction de la sécurité de l'emploi pousseraient les individus au doute et au découragement quant à leurs ambitions et projets personnels. Ce type de stratégie a pour effet de les dissuader de s'engager à long terme dans une vie de couple ou de famille et de participer à la vie locale ou associative; les attaches à court terme fondées sur l'intérêt égoïste, qui diminuent le risque de dépense, prennent alors une place de plus en plus grande dans leur univers quotidien. Les occasions de pratiquer confiance et coopération se raréfient; ainsi se tarissent pour finir les sources auxquelles s'abreuve une culture politique démocratique.

Si l'Etat social se voit dans le même temps privé des moyens de stopper ce risque d'appauvrissement, on peut s'attendre à ce qu'une part croissante de la population se retrouve exclue de la société. Les plus durement touchés sont alors les enfants de familles socialement et économiquement défavorisées et les jeunes sans formation qui, sans soutien de l'Etat, loupent pour de bon leur entrée dans la vie professionnelle et, comme nous l'enseigne le cas américain, se laissent aller de plus en plus couramment à la remplacer par des formes d'existence en marge de la légalité. Il est impossible de prédire quelles seraient les conséquences sociales et politiques d'une telle évolution.

Cela est d'autant plus grave qu'à l'Est de l'Allemagne, le processus de transformation n'est pas encore achevé. Il entre au contraire dans une

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phase nouvelle. C'est vrai d'une part en ce qui concerne les conditions de vie et les mentalités, autrement dit les «séquelles» socio-politiques et culturelles d'une unification menée à grande vitesse. C'est vrai d'autre part en ce qui concerne la renaissance économique et sociale qu'étaient censés connaître les nouveaux Länder et qui semble devoir se faire attendre pour de bon. La stagnation n'est pas une petite pause conjoncturelle permettant de souffler un peu; elle témoigne au contraire de difficultés structurelles. On peut donc s'attendre à ce que la cassure qui traverse actuellement le marché du travail persiste à long terme aux dépens des nouveaux Länder. Le processus de transformation de l'économie est-allemande vient probablement seulement d'entrer dans une très longue seconde phase. Les conditions qui y président sont celles qui résultent de la première phase des réformes : à l'actif, une infrastructure technique modernisée et la possibilité pour l'ensemble des actifs d'accéder à des formations qualifiantes équivalentes; au passif, un résidu de tissu industriel et un danger de «crise tertiaire» et de polarisation des conditions de vie.

En résumé, la Commission estime que le scénario de développement généré par une stratégie résolue de réduction des coûts aboutirait à une «impasse sociale».

Le second scénario correspondrait lui à une stratégie résolue de croissance. Celle-ci suppose une politique monétaire et une politique fiscale expansives, mais également la possibilité de recourir à des instruments permettant de limiter les coûts lorsqu'aucun autre moyen ne réussit à prévenir les tendances inflationnistes. Mais une stratégie qui mise essentiellement sur la croissance a surtout besoin d'éliminer les «obstacles à l'investissement» de toute nature afin que se multiplient et que s'accélèrent les investissements porteurs de croissance et d'emplois. On pourrait par exemple associer à ce second scénario les revendications d'assouplissement du droit actuel de l'environnement, de révision des plafonds d'émissions en vigueur, de renonciation aux longs et pénibles examens de conformité aux normes environnementales et de suppression ou du moins d'accélération radicale des procédures d'agrément.

La Commission se demande là encore si les espoirs de croissance associés à une telle stratégie seraient exaucés. Il est par contre certain que la dégradation de l'environnement nuirait non seulement à la qualité de vie des personnes, mais également aux chances qu'aurait l'Allemagne d'attirer sur son sol les investissements de secteurs d'activité fortement consommateurs de services, de capital humain et de travaux de recherche. Elle

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obligerait surtout à renoncer aux avantages compétitifs qu'ont acquis à ce jour sur le marché les technologies de protection de l'environnement.

En résumé, la Commission estime qu'une stratégie misant essentiellement sur la croissance aboutirait en raison des risques incalculables qu 'elle comporte à une «impasse écologique».

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Potentiel économique, cohésion sociale, écologie équilibrée et durable:
trois objectifs - une méthode


Abandonnant ces scénarii, la Commission a acquis la conviction que les difficultés actuelles de l'économie et de la société allemandes ne pourraient être vaincues que par des stratégies aptes à assurer un équilibre entre puissance économique, cohésion sociale et sauvegarde de l'environnement. Envisagé de façon abstraite et théorique, un triangle comme celui-ci peut sembler cohérent et non sujet à controverse. Or d'aucuns estiment actuellement que les intérêts économiques doivent dominer. D'autres défendent ardemment le caractère prioritaire de la cohésion sociale ou de la protection de l'environnement, alors qu'il est patent que la poursuite aveugle d'un seul objectif sans égard pour les autres compromet sa réussite. Miser par exemple exclusivement sur la performance économique, c'est miner, en même temps que l'intégration sociale et la stabilité de l'environnement, les conditions sociales et environnementales indispensables à l'exercice même de l'activité économique. La réalité et l'échelle des priorités politiques donnent donc fréquemment lieu, en fonction des objectifs défendus, à des rivalités entre les trois composantes du triangle. La Commission préconise l'adoption de stratégies créatives permettant de minimiser les conflits et le respect permanent de l'équilibre dans l'approche des trois objectifs.





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Quatre projets de réforme stratégiquement importants

Forte de cette première conviction, la Commission a retenu en tout quatre «projets» illustrant de façon exemplaire la façon dont peuvent être développées, tout en respectant l'exigence de compatibilité des aspects économiques, sociaux et écologiques, des stratégies d'avenir susceptibles d'aboutir, dans ce qu'il est possible d'imaginer du contexte des décennies à venir, à un nouveau «modèle allemand» cohérent et robuste. Chacun des projets correspond à l'un des pôles du «triangle des critères» précédemment décrit. Il faut bien savoir qu'ils ne servent pas exclusivement à maximiser le critère auxquels ils sont attachés en priorité, mais qu'ils tiennent également compte du contexte et des contraintes qu'impliquent les autres pôles:

  • amélioration de la capacité d'innovation et renforcement des ressources humaines (projet 1),
  • amélioration des chances d'accès à l'emploi des personnes peu qualifiées (projet 2),
  • la recomposition des familles et la crise de l'emploi, deux défis pour la politique d'intégration sociale (projet 3),
  • un mode de vie et une économie en accord avec l'environnement
    (projet 4).

Le projet 1, «Amélioration de la capacité d'innovation et renforcement des ressources humaines», est consacré à une question: comment parvenir, étant donné le niveau élevé des coûts de production en Allemagne, à préserver la compétitivité dans les secteurs économiques confrontés à la concurrence internationale? Il présente, en expliquant qu'un nouveau type de changement structurel caractérise aujourd'hui le contexte général, les contraintes qui résultent pour l'organisation de la recherche et du développement, pour l'organisation des procès de production, pour la formation initiale et continue des travailleurs et pour l'organisation de services publics plus efficaces du renforcement continu de la capacité d'innovation de l'économie et de l'Etat.

Dans le projet 2, la Commission vise, en proposant de soumettre l'Etat social à certaines réformes structurelles, une «amélioration des chances d'accès à l'emploi des personnes peu qualifiées». Ce projet se situe à la croisée des conflits entre les exigences d'une économie de marché fondée sur la notion de rentabilité et celles de l'intégration sociale. La Commission distingue d'une part les possibilités d'emplois offertes par les secteurs

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économiques soumis à la concurrence internationale et les secteurs axés sur la satisfaction d'une demande locale et régionale, et d'autre part les possibilités d'emplois offertes aux travailleurs très qualifiés et aux travailleurs peu qualifiés.

Si le projet 1 mise, afin de garantir la compétitivité et l'emploi hautement qualifié dans des secteurs économiques soumis à la concurrence internationale, sur le renforcement des forces novatrices et du capital humain, l'analyse comparative du marché du travail menée dans différents pays montre, comme d'autres études, que la structure spécifique de l'Etat social allemand fait obstacle à la création de nouveaux emplois accessibles aux personnes peu qualifiées. Près de la moitié des chômeurs n'ont pas suivi de formation professionnelle ou ne sont pas allés jusqu'au diplôme. Qui plus est, le chômage de longue durée touche essentiellement les personnes peu qualifiées et susceptibles de n'accéder qu'à un faible niveau de qualification. La Commission estime que l'exclusion sociale prolongée d'un million au moins de citoyens allemands menace gravement les structures démocratiques du pays. L'Etat national, dont la responsabilité englobe aujourd'hui comme par le passé la question de l'emploi, ne peut passer des décennies à attendre que des revendications liées à la qualité de la vie et aux rémunérations dans les pays à bas salaires réduisent la pression qu'exerce la concurrence sur le marché des biens comme sur celui du travail et permettent ainsi aux travailleurs peu qualifiés d'être réintégrés au marché de l'emploi. La Commission présente donc un certain nombre de propositions relatives à un début de création, dans des conditions socialement acceptables, d'un marché du travail à bas salaires.

Le projet 3, «La recomposition des familles et la crise de l'emploi, deux défis pour la politique d'intégration sociale» est centré sur les objectifs conflictuels qui résultent de l'évolution actuelle de l'image que se font les individus du travail et des chances qui existent en matière d'emploi alors que les paramètres qui fondent la politique sociale sont en train de changer. Lorsqu'elles n'ont pas d'enfant ou d'autre parent dépendant à charge, les femmes souhaitent aujourd'hui gagner leur vie elles-mêmes. L'accès généralisé des femmes à l'instruction, à la formation et à un bon niveau de qualification professionnelle a nettement renforcé leurs chances d'accès à l'emploi. D'un côté, elles souhaitent aujourd'hui exercer une activité professionnelle, pour beaucoup même à plein temps et sans interruption. Mais d'un autre côté, la crise de l'emploi a réduit les chances des femmes et des hommes de se voir proposer un emploi sûr offrant de bonnes perspectives

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de salaire et de carrière. C'est encore plus vrai dans la partie Est de l'Allemagne, où le taux d'activité féminine est élevé et où le ménage constitué de deux adultes travaillant à plein temps est resté le schéma le plus courant d'organisation de la sphère privée.

Il n'y a pas que dans le modèle allemand que la famille constitue l'un des grands piliers de la production de richesses. Mais à l'avenir - la tendance existe d'ailleurs déjà aujourd'hui - les régimes sociaux reposeront davantage sur le principe du ratio individuel contributions/prestations. Les personnes faiblement intégrées au monde du travail ou moins disponibles - pour beaucoup, des femmes - sont ainsi menacées de discrimination. C'est pourquoi la Commission présente un certain nombre de propositions relatives aux interactions entre la famille, le marché du travail et la politique sociale visant à réduire les frictions et à assurer une forte intégration sociale. Le cas de l'Allemagne de l'Est est traité à part en raison des différences qu'elle présente par rapport à l'Allemagne de l'Ouest pour ce qui est de l'image que se font les femmes du travail, de leur intégration au monde professionnel et des formes d'organisation de la sphère privée.

Le projet 4, «Un mode de vie et une économie en accord avec l'environnement», décrit la complexité de la tâche qui consistera demain à assurer une meilleure compatibilité entre les stratégies de réduction de la consommation des ressources naturelles et l'objectif d'encouragement de la croissance économique, ainsi que les adaptations du mode de vie et du comportement social auxquelles il sera nécessaire et possible de procéder si l'on veut préserver l'environnement. Le projet aborde différents instruments susceptibles de servir une politique de l'environnement, ainsi que les méthodes de promotion des innovations techniques, institutionnelles et sociales respectueuses de l'environnement. Il souligne par ailleurs, afin que puisse être correctement pris en compte le caractère transnational de nombreux problèmes écologiques (tels que la destruction de la couche d'ozone, les changements climatiques, la dégradation de la biodiversité, etc.), la nécessité d'internationaliser davantage la politique de l'environnement et notamment de procéder à certaines réformes institutionnelles.

Dans l'ensemble, les projets et propositions de la Commission attestent, en dépit du contexte nouveau dû au renforcement de la concurrence internationale et de l'évolution des rapports sociaux, d'un réel attachement aux objectifs jadis fixés au modèle allemand de l'économie sociale de marché élargie. Il ne pourra aboutir qu'à condition de ne pas tenter de défendre à tout prix les structures dépassées du modèle allemand. La

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Commission formule donc un certain nombre de propositions qui se distinguent à bien des égards des solutions classiques élaborées au cours des décennies qui ont suivi la guerre avec le soutien des syndicats et de la social-démocratie.

La Commission n'a pas pu traiter en profondeur l'ensemble des questions qu'elle estime déterminantes. Elle a notamment laissé de côté les solutions envisageables pour répondre aux problèmes de l'assainissement des régimes sociaux financés par répartition, de la répartition de plus en plus déséquilibrée engendrée par le système fiscal et de l'absence de réaction face à l'existence d'une demande privée potentielle de services éducatifs, culturels et de santé à caractère essentiellement public.

La Commission, soucieuse de réfléchir en priorité aux problèmes structurels destinés à devenir les grands problèmes de demain, n'a pas non plus abordé les sujets à court terme qui font actuellement l'objet du débat politique.


© Friedrich Ebert Stiftung | technical support | net edition fes-library | April 2001

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