Franz-Werner Kersting,

Fin de l'"institution totale". La psychiatrie hospitalière du IIIème Reich aux années soixante dix

La contribution s'attache à trois aspects principaux et aux lignes de continuité qui caractérisent l'histoire de la psychiatrie hospitalière: elle s'interroge, premièrement, sur la répercussion de la politique national-socialiste en matière de santé publique sur le blocage spécifique des réformes et le développement de la psychiatrie allemande dans l'après-guerre. Elle présente un groupe restreint de psychiatres appartenant à la "génération sceptique" qui associèrent très tôt - contrairement à la tendance majoritaire au sein du monde médical et de la société - un comportement réformiste à une attitude critique vis-à-vis du passé national-socialiste. Ces médecins réclamèrent la modernisation et l'humanisation des rapports avec les malades psychiatriques et les handicapés mentaux tout en se penchant sur la possibilité d'une réparation des fautes commises dans le passé (Wiedergutmachung). La contribution se concentre, deuxièmement, sur la "réforme avant la réforme": des idées fondamentales de réforme furent déjà formulées et diffusées pendant la phase de transition entre les années cinquante et les années soixante (par exemple "Le message Kennedy" (du Président américain) en 1963 ou les "Thèses de Rodewisch" issues de la RDA). Beaucoup d'initiatives individuelles visant à améliorer les établissements psychiatriques et les rapports aux patients s'inspiraient déjà de l'esprit de changement fondamental qui a caractérisé le traitement des malades psychiatriques. L'accent est mis, troisièmement, sur l'imbrication de la réforme de la psychiatrie avec le mouvement de soixante-huit, celle-ci ayant eu beaucoup d'implications. La situation de la psychiatrie allemande ne devint en effet un objet d'intérêt public et du mouvement social qu'au cours de la transition sociale de la fin des années soixante et du début des années soixante-dix (Psychiatrie-Enquete). Le discours de la réforme et sa mise en œuvre furent accompagnés et superposés par le rayonnement culturel important de l'anti-psychiatrie, cette dernière ayant joué un rôle très important aussi bien dans la littérature et la cinématographie que dans divers cercles de la "scène gauchiste". Le cercle collectif de patients dans la ville de Heidelberg (Sozialistisches Patientenkollektiv Heidelberg [SPK]) dont l'exemple est illustré dans la contribution, est connu à cet égard.