Archiv für Sozialgeschichte
Vol. XXXIX /1999 - Résumés
Konrad H. Jarausch L’échec
de la contre-société. Réflexions sur l’histoire sociale
de la RDA
Cet article avance une thèse selon laquelle, du
point de vue socio-historique, la RDA peut être conçue en
tant que contre-société mise en échec. Il aborde
tout d’abord quelques uns des problèmes de théorie, de langage
et de contenus posés par l’approche historique de la société
d’Allemagne de l’Est. Le texte examine ensuite les traits fondamentaux
du contre-projet utopique du SED durant la phase d’organisation et traite
de quelques-unes des caractéristiques typiques du reste de la société
socialiste réaliste de RDA après la construction du mur
de Berlin. Il évoque enfin les raisons de la réactivation
de la société dans les années 80, la présentant
comme facteur important de l’échec de l’expérience sociale
communiste au sein du deuxième État allemand.
Christoph Kleßmann La
classe stylisée – Ouvriers et mouvement ouvrier durant la phase
de création de la RDA (1945-1948)
Cet article examine les premières années
de la renaissance du mouvement ouvrier et la situation sociale et politique
des ouvriers dans la zone d’occupation soviétique en 1945 après
la guerre. La question principale évoque les conflits entre les
projets d’avenir du KPD, le parti communiste allemand, en exil, les effets
des traditions socialistes et surtout sociales démocrates d’avant-guerre
et les stratégies de survie dans cette époque d’effondrement
de la société sous l’occupation soviétique. Par rapport
à la stylisation idéologique des ouvriers qui vit le jour
plus tard, au moment de la création du SED, faisant d’eux une « classe
dirigeante » dans une « nouvelle Allemagne » qui devait
se baser sur les principes soviétiques, l’histoire de l’organisation
et l’histoire sociale des syndicats, des comités d’entreprises
et des groupes d’entreprises du partie montre que cette classe était
quelque chose de très diffus et fragmenté avec des orientations,
des comportements et des intérêts disparates. Le SED aussi
bien que les forces d’occupation soviétiques se heurtèrent
à de grandes difficultés lorsqu’ils tentèrent de
mettre leurs idées en pratique. On peut ainsi reconnaître
un problème fondamental de l’histoire de la classe ouvrière
au sein d’un État ouvrier et paysan à la façon dont
celui-ci a été créé ; la construction
idéologique de la mission historique d’une classe stylisée
ne peut se concevoir uniquement comme propagande et légitimation
du pouvoir, il s’agit également d’un facteur socio-historique essentiel.
Durant les différentes phases que vécut la RDA, la soi-disant
avant-garde eu toujours des difficultés avec les comportements
non-conformistes de la « classe ouvrière ».
Stefan Werum « Nous sommes
les illégaux ! » Transformation des fonctions et des
structures de la Fédération allemande libre des syndicats
ouvriers (FDGB) de 1948 à 1952/53
Dans le cadre du processus de transformation sociale dans
la zone d’occupation soviétique/RDA, la FDGB et les syndicats qui
en dépendaient furent remodelés, devenant des organes de
transmission dans l’esprit marxiste-léniniste. La double fonction
qui fut alors attribuée à la FDGB, d’une part la réalisation
des politiques de l’État en matière d’économie, de
société et de travail et d’autre part la charge de représenter
les intérêts de ses adhérents, rendit sa mise en place
entre 1958 et 1953 extrêmement difficile. D’un côté,
les dirigeants de la FDGB ne savaient pas comment s’y prendre pour organiser
les nouveaux champs d’activités de ses organes et établir
des structures adéquates, tandis que d’un autre côté,
les organes syndicaux ne mettaient pas les décisions en pratique
ou ne le faisaient qu’en partie. Durant la période examinée
ici, les rapports entre la direction syndicale et les fonctionnaires qui
lui étaient subordonnés furent marqués par diverses
formes de coopération qui allaient de la participation active des
fonctionnaires syndicaux aux prises de décisions fondamentales
à leur exclusion de celles-ci en passant par la conception et la
réalisation des tâches du syndicat. En raison de ses structures
inefficaces et de ses méthodes de travail, la FDGB était
une organisation faible qui jusqu’en 1953 eu du mal à s’imposer
auprès de ses adhérents et de ses fonctionnaires. Ses difficultés
à exécuter les tâches dont elle était chargée
caractérisaient la FDGB et furent l’une des causes de la crise
qui éclata en juin 1953.
Leonore Ansorg « J’ai
toujours été soumise à des pressions qui venaient
du bas et du haut. » Cadres féminins et ouvrières dans
une entreprise de textile de RDA. Une étude sur la vie de l’industrie
est-allemande
Cet article évoque la question des différences
socio-structurelles et des différentiations sociales entre les
employés d’une grande entreprise de RDA qui fut créée
en 1968 durant l’industrialisation du nord structurellement faible de
ce pays. L’ouverture de cette entreprise textile permit particulièrement
aux femmes de la campagne d’avoir des revenus matériellement intéressants
et stables, offrant même à certaines d’entre elles des possibilités
de promotion. Des exemples serviront ici à examiner l’accession
de certaines ouvrières à des postes de direction dans cette
entreprise et à soulever la question concernant les motifs, les
stimulations et les expériences. Cette étude aborde en même
temps les difficultés rencontrées lors de l’organisation
de l’entreprise et les problèmes qui se sont en particulier posés
lors de l’exécution du plan de travail. Elle présente en
outre les différentes stratégies adoptées par les
ouvrières et les cadres pour y faire face. Ces stratégies
découlent d’intérêts différents, le caractère
épineux de la situation résidant dans le fait que les supérieurs
hiérarchiques des ouvrières étaient également
des femmes et qu’elles sortaient du même milieu social. De ce fait,
l’auteur se demande également dans quelle mesure les deux groupes
se sont distancés l’un de l’autre, quels sont les écarts
qui se sont creusés entre eux et de quelle manière ils se
sont manifestés. Ces écarts ne font pas seulement référence
aux compétences en matière de pouvoir et de décisions
au sein de l’entreprise, ils vont de l’opinion politique et de l’implication
dans le système politique à l’attribution de privilèges
matériels. Selon qu’il s’agisse d’ouvrières et ou des cadre
de l’ancienne entreprise textile, les expériences et évaluations
après le changement politique en RDA sont très différentes.
Sandrine Kott L’histoire de
la vie culturelle dans les entreprises est-allemandes. Concepts et pratique
des activités culturelles dans les entreprises
Durant les années 1950, le projet de construction
d’une société socialiste s’est accompagné de la mise
en place d’une nouvelle politique qui devait en poser les fondement. Fidèles
aux préceptes léninistes, les nouveaux dirigeants de l’Allemagne
socialiste voient alors dans l’interaction entre la production culturelle
et le travail productif la condition d’emergence d’une rèelle culture
socialiste. Pur ce faire, un transfert de la culture vers les entreprises
industrielles est encouragé. La culture ouvriére pratiquée
et developée au sein des entreprises par le syndicat est d’abord
vue comme un instrument politique et économique au service de l’édification
du socialisme. Elle n’est jamais concue comme l’occasion d’un plaisir
ou d’une expression individuelle. Dès le milieu des années
1960 elle se nue en une sous-culture ouvriére qui se confond avec
une politique du temps libre qui tend à organiser et canaliser
la plus grande partie des activités de la population. Cette politique
répond partiellement à certaines aspirations de la population,
en particulier dans le milieu des artistes et intellectuels, et contribuent
à assurer la stabilité apparente du régime.
Peter Hübner, De la planification
à l’improvisation. Histoire du personnel de direction dans les
entreprises d’État de l’industrie en RDA
Dans le monde du travail de la RDA, les entreprises ne
se bornaient pas à être des lieux de production et de travail,
mais jouaient également un rôle central d’intermédiaires
dans le domaine des prestations sociales. Dans ce pays, la stabilité
de la société dépendait largement de la multifonctionnalité
économique et sociale, mais aussi en partie politique, des entreprises.
C’est pour cette raison que le personnel de direction de ces entreprises
se voyait mis dans une position souvent incompatible avec les compétences
limitées de ses membres. L’auteur présente ce problème
dans le contexte général de l’économie socialiste
planifiée. Il définit le personnel de direction des entreprises
par rapport à sa tâche, son recrutement et sa composition
ainsi que sa pratique économique et sociale en tant que cas particulier
historique dans une société industrielle de longue tradition.
Pour venir à bout de sa tâche au sein d’une économie
planifiée, le personnel de direction se devait de combler les lacunes
du système centralisé au niveau de la gestion en improvisant
largement. Sous le thème central de l’improvisation, la transformation
des structures étalée sur une longue période et les
fonctions du personnel de direction font l’objet de cet article. Le personnel
de direction était pour une bonne part composé de décideurs
disposant d’une formation d’ingénieur, ce qui pourrait avoir favorisé
les manières d’agir technocratiques. Les valeurs prédominantes
vers lesquelles le personnel de direction de l’industrie s’orientait indiquaient
un grand attachement à la tradition. D’une manière générale,
la spécificité de ses tâches le rendait également
plus sensible aux problèmes sociaux du personnel subordonné
de l’entreprise.
Ute Schneider Le juriste allemand
unique dans l’ancienne RDA. La création d’une élite lors
de l’organisation de la justice en RDA
Dans le domaine de la justice en RDA, l’élite fut
largement remplacée après 1945. Au sommet, à savoir
l’administration centrale de la justice qui engendra plus tard le ministère
de la justice de la RDA, cet échange ne s’accompagnait pas d’une
déqualification mais plutôt du remplacement des personnes.
Toute une génération de juristes exerçant de plein
droit accéda à ces postes. Ceux-ci avaient déjà
été soumis à une socialisation professionnelle sous
l’Empire ou pendant la République de Weimar. Ces juristes, qui
malgré le changement de régime ne mirent pas un terme aux
formes traditionnelles de la « politique des classes », devinrent
la nouvelle élite de la zone d’occupation soviétique/RDA.
En très peu de temps, ils créèrent un réseau
de contacts professionnels et privés qui leur facilita la réorganisation
et la réorganisation de la justice. Grâce à ce réseau,
ils pouvaient assurer leur place et leur influence au sein des commissions
et organes importants dans le domaine de la politique juridique et veiller
à la cooptation de collègues compétents de leur connaissance.
Ils firent même leur affaire du recrutement de la relève
après s’être attribué le pouvoir dans le domaine de
la formation des nouveaux juristes. Outre cette forme de « politique
des classes » axée sur leur spécialisation, ils se
distinguaient par leur « attitude bourgeoise », qu’ils cultivaient
autant que la politique « anti-bourgeoise » dans la zone d’occupation
soviétique/RDA le leur permettait. En partant de ces résultats,
la question de la continuité de la justice allemande et des traditions
juridiques allemandes devrait être réexaminée pour
la RDA également.
Arnd Bauernkämpfer Des
« cadres » loyaux ? Les nouvelles élites et la politique
sociale du SED dans les campagnes de 1945 au début des années
60
Cet article traite du remplacement des élites que
le KPD et le régime SED mirent en œuvre dans les campagnes de 1945
au début des années soixante et qui était partie
intégrante de la vaste transformation entreprise dans la zone d’occupation
soviétique et en RDA. Dans les communes rurales, les élites
villageoises et agraires furent dépossédées à
la suite de la réforme agraire et de la collectivisation ordonnées
en 1945 et que l’on réussit à imposer de 1952 à 1960,
celles-ci menant à l’émergence et à la mise en place
de nouveaux dirigeants desquels on attendaient de la loyauté, de
l’expertise ainsi qu’un comportement moral et une attitude exemplaires.
Les critères traditionnels de statut social tels que la propriété,
les formes encore subsistantes de déontologie agricole et l’orientation
vers l’entreprise limitèrent, plus ou moins selon les régions,
les répercussions du remplacement des élites sur les relations
sociales et sur la mentalité de la population rurale. Les responsables
des nouvelles entreprises agricoles restèrent en outre prisonniers
de l’antagonisme entre le postulat d’égalité et les exigences
de leur tâche de dirigeants imposée par les organes supérieurs
du pouvoir. Ainsi, l’article illustre en général les effets
contradictoires de la « politique des cadres » du SED qui restait
attachée au concept radical de modernisation par tous les moyens
que l’on rencontrait dans le socialisme d’Etat.
Wolfgang Tischner La formation
d’une subsociété catholique dans la zone d’occupation soviétique/RDA
de 1945 à 1951
À partir d’un modèle modifié du milieu,
l’auteur tente de faire une esquisse du catholicisme dans la zone d’occupation
soviétique et lors des débuts de la RDA, un thème
longtemps négligé dans le domaine de la recherche historique.
Il en ressort qu’après 1945, l’église catholique est-allemande
était comparativement bien parvenue à intégrer les
personnes déplacées appartenant à cette confession
et à adapter ses structures institutionnelles à la menace
constituée par un État pratiquant un athéisme militant.
Ceci renforça la hiérarchisation de l’administration de
l’église, tandis que, tenant compte de la situation spéciale
de Berlin Ouest, se développait un système de suppléance
pour le catéchisme, la presse et les organisations de jeunesse.
D’autres domaines, à savoir ceux de Caritas, ne furent que très
peu modifiés dans les efforts communistes de parité. Au
début des années 50, il existait donc en RDA une subsociété
catholique qui était bien adaptée aux conditions spécifiques
régnant alors dans ce pays et assurait la sauvegarde de l’identité
catholique.
Patrick Major Avant et après
le 13 août 1961: réactions de la population à l’édification
du mur de Berlin
Cet article examine l’évolution de l’atmosphère
au sein de la population pendant la deuxième crise de Berlin que
l’édification du mur de Berlin le 13 août 1961 porta à
son apogée. À partir de rapports sur l’atmosphère
au sein de la population qui furent établis par le SED et le « Ministerium
für Staatssicherheit » (ministère de la sécurité
de l’Etat – STASI), il retrace l’insatisfaction croissante de la population
provoquée par la politique extérieure dangereuse d’Ulbricht
et de Khrouchtchev ainsi que par le programme économique trop ambitieux
de la RDA qui avait été défini en 1958. Dans ce programme
on se proposait non seulement de « dépasser » la République
fédérale économiquement, mais aussi de collectiviser
l’agriculture, ce qui fut entrepris en 1960. Le problème insoluble
de la « fuite hors de la République » - l’expatriation
en masse vers l’Ouest – poussa finalement les dirigeants communistes à
chercher le moyen de sortir de la crise. Bien que la population est-allemande
se soit attendu à une réaction pour solutionner le problème
des frontières ouvertes, elle fut surprise du caractère
radical de l’édification du mur. Les familles déchirées
par la clôture des frontières furent à l’origine de
nombreux conflits. Hormis quelques grèves isolées, les pouvoirs
publics parvinrent cependant toujours à maîtriser la situation.
Ils organisèrent une série de campagnes pour la discipline
sociale dans les usines et villages, mais aussi pour les jeunes. Le SED
reconnut en même temps les limites de son pouvoir : il réagit
entre 1963 et 1965 avec une libéralisation limitée, ce qui
lui permit d’autoriser les voyages à l’Ouest pour récompenser
les personnes politiquement loyales.
Rainer Eckert Opposition et
répression en RDA de la construction du mur de Berlin au retrait
de la nationalité de Wolf Biermann (1961-1976)
En RDA, l’opposition ou la résistance et les persécutions
s’engendraient l’une l’autre. Le pouvoir du SED ne pouvait exister sans
représailles ou tout au moins sans menaces de représailles.
La dictature est-allemande était profondément marquée
par la résistance de ses citoyens qui, elle, influençait
les formes de répression. Le SED fut toujours au centre de ce mécanisme
répressif. La Stasi (Ministerium für Staatssicherheit), étroitement
liée à d’autres institutions, en particulier à la
police et à la justice, était son instrument de répression
le plus puissant. D’une résistance de principe, la résistance
en RDA se mua après l’édification du mur de Berlin en une
opposition principalement dirigée contre les réformes. Parallèlement,
le mécanisme de répression changea lui aussi : la pratique
ouverte de la (justice-) terreur fut remplacée par celle de la
surveillance omniprésente et de la démoralisation dont la
police secrète était chargée. La répression
par l’État et les protestations politiques qui s’engendraient l’une
l’autre mirent ceci particulièrement bien en évidence lors
des crises de 1961 (édification du mur), 1968 (répression
du Printemps de Prague) et 1976 (retrait de la nationalité de Wolf
Biermann) qui furent gérées de différentes manières.
Fort de l’expérience acquise à l’occasion de ces crises,
le SED finit par faire de la répression cachée un trait
caractéristique de ses 20 dernières années au pouvoir.
Patrice G. Poutrus La consommation
de produits alimentaires, les impasses d’approvisionnement et la décision
d’opter pour le « goldbroiler » (le poulet rôti est-allemand).
Problèmes et tentatives de solutions politiques en matière
d’agriculture et de consommation en RDA de 1958 à 1965
Dans les guides de conversation de la RDA, la définition
du « broiler » est un jeune poulet maigre et élevé
industriellement. Le « broiler » ou son superlatif le « goldbroiler »
appartiennent au vocabulaire technique du régime SED et dont on
n’a plus l’emploi dans l’Allemagne unifiée. Le caractère
éphémère du mot « broiler » fait de ce
terme un symbole que l’on utilise volontiers pour décrire une humeur
nostalgique régnant dans l’Est de l’Allemagne d’aujourd’hui. Cet
article évoque consciemment à contrario le contexte politique
et socio-économique qui avait mené à la création
d’une production de masse moderne de poulets dans le secteur agricole
de la RDA. Il présente ses effets sur les habitudes de la population
en matière de nutrition et de consommation, montrant par l’histoire
de la création du « goldbroiler », le produit de consommation
est-allemand, que le comportement des consommateurs en RDA ne fut pas
marqué par une un quelconque désir utopique de consommer
– comme Ina Merkel croit pouvoir l’affirmer – mais par le manque de produits
de consommation résultant du système dictatorial du parti
communiste et de l’économie planifiée centraliste.
Ingeborg Cleve Le pacte avec
Goethe. La commémoration de la naissance de Goethe et l’organisation
du domaine de la culture dans le processus de création de l’État
en RDA en 1949
En 1949, dans la zone d’occupation soviétique en
Allemagne, le deux centième anniversaire de la naissance de Johann
Wolfgang von Goethe fut fêté en grandes pompes. Pour cela,
on prit modèle sur les dons de lieux nationaux du souvenir, une
pratique qui avait vu le jour au 19e siècle, tandis qu’en même
temps, on plaçait les festivités dans le contexte d’une
série de fêtes commémoratives qui servaient au SED
à revendiquer ses droits sur le patrimoine culturel bourgeois.
Weimar était le centre de la commémoration de la naissance
de Goethe. Les festivités furent organisées sous la direction
de Johannes R. Becher par un groupe de travail de la Fédération
culturelle contrôlé par le SED qui profita de cette occasion
pour proclamer trois buts politiques : l’affirmation de l’unité
nationale face à la création de deux États, l’accélération
de la restructuration sociale et l’intégration des classes bourgeoises
cultivées et des élites administratives dans ce projet d’organisation
de la société. Ces buts se basaient sur trois stratégies :
la signification du terme de nation vers l’extérieur, la mise en
scène d’un consensus politique et social vers l’intérieur
et le choix des acteurs du domaine culturel bourgeois ainsi que son contrôle.
Ces stratégies eurent un effet ambivalent : à l’étranger,
mais également pour une grande partie de la population, cette mise
en scène avait peu d’attrait en dépit des grands moyens
médiatiques et logistiques déployés. Cependant, elle
attirait tout de même certains bourgeois cultivés, même
à l’Ouest. À l’occasion de l’hommage rendu à Goethe,
seule une petite minorité, politiquement engagée, lutta
contre l’accaparement de la sphère culturelle. Elle se résigna
vite, se cherchant d’autres niches.